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Mobilité - Refonder la tarification : une priorité pour relancer le transport public

Après avoir tiré la sonnette d'alarme lors des dernières Rencontres nationales du transport public, les élus, opérateurs et associations ont esquissé le 10 janvier, lors d'un colloque organisé par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), des pistes pour sortir de la logique de paupérisation dans laquelle s'embourbe le transport public.

Pour son colloque organisé le 10 janvier à Paris, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a frappé fort avec un thème d'actualité. Elle a convié une centaine de participants à débattre de la tarification des modes de transport. L'économiste Jean-Marie Beauvais y a présenté une version actualisée de son étude sur les coûts d'usage de la voiture et du transport collectif non pour la collectivité mais du point de vue du consommateur. Pour des déplacements de proximité, cette étude confirme qu'il revient à deux fois et demi plus cher d'utiliser la voiture que les transports collectifs. L'écart est particulièrement net si l'on compare recours à la voiture et au TER. Pour des déplacements à longue distance, l'autocar (7 centimes par voyageur par kilomètre) est le plus avantageux, suivi du train (10 centimes/voyageur/km), de l'avion (12 centimes) et de la voiture (19 centimes).

Ticket perdant

Un autre spécialiste du domaine, le chercheur Bruno Faivre d'Arcier, a martelé un chiffre connu : aujourd'hui, les recettes émanant des voyageurs couvrent à peine 20% des coûts globaux des transports publics urbains. En clair, le gros du financement provient du versement transport (VT) et du budget des collectivités alimenté par la fiscalité locale. "Autrement dit, nombre de réseaux perdent plus d'argent qu'ils n'en gagnent. Heureusement, les grands opérateurs français, présents à l'international, y font des marges si bien qu'ils font peu reposer leurs déficits sur les collectivités", a indiqué François Saglier vice-président de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et membre du comité exécutif du groupe RATP. Sur le réseau d'une grande ville comme Nantes, cela donne la répartition suivante : 55 millions d'euros de recettes usagers, pour 90 millions d'euros de budget local et 130 de VT. Chercher inlassablement les raisons de cette dégringolade du "taux de couverture" (des dépenses d'exploitation par les recettes commerciales) n'est guère utile. "Opérateurs et autorités organisatrices ont des responsabilités partagées", lâche Guy Le Bras, directeur général du Groupement des autorités responsables de transport (Gart). Selon lui, le transport public n'étant pas "tarifé à sa juste valeur", il convient surtout de réagir dans le présent et proche avenir.

Tarification unique

Mais avec le récent passage du taux de TVA de 7 à 10% sur les billets de métro, bus, tram, train et RER, doper l'attractivité des réseaux et conquérir une nouvelle clientèle s'avère compliqué. "D'autant que même le transport scolaire n'échappe pas à la règle, ce qui est peu compréhensible car il est de première nécessité", s'offusque Eric Ritter, secrétaire général de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV). Et de citer les voisins européens, Royaume-Uni en tête, où ce secteur du transport scolaire bénéficie d'une fiscalité allégée, voire nulle. Malgré cela, les départements ont concédé des efforts importants pour garder des tarifs abordables. En cinq ans, leur budget transports a bondi d'au moins 20%. En moyenne, il atteint 4,5% de leur budget global. Concrètement, cela représente 50 à 60 millions d'euros par an dans un département comme le Pas-de-Calais, où le passage au tarif unique à 1 euro a boosté la fréquentation des bus interurbains (de 400.000 à 560.000 trajets par an) et incité à relancer des lignes. "Cette tendance à adopter une tarification unique par réseau au détriment d'une tarification dégressive ou zonale est nette", confirme Eric Ritter. Il recense une soixantaine de départements ayant basculé vers ce modèle. En revanche, la gratuité est en léger recul, même si elle reste une cause acquise pour les scolaires. "Mais en règle générale, gare à la gratuité, c'est souvent une fausse bonne idée", alerte Jean Lenoir, vice-président de la Fnaut. Pour l'association, cette "solution de facilité" est même dangereuse car elle peut inciter les gens à "surconsommer" des transports collectifs, à les encourager à habiter loin de leur lieu de travail, ce qui ne fait qu'accroître l'étalement urbain. Elle préfère que les réseaux améliorent l'offre sans se priver de recettes commerciales. "L'enjeu majeur est d'inciter au report modal ; pour cela il faut une tarification simple et intermodale. En la matière, le meilleur exemple à suivre reste la Suisse", conclut Jean Lenoir.