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Commande publique - Référé précontractuel et référé contractuel : non cumulables, sauf si...

A l'occasion d'un arrêt du 30 septembre 2011, les magistrats du Conseil d'Etat précisent l'articulation entre les procédures de référé précontractuel et contractuel dans le cadre de la passation d'un marché public. Pour rappel, ces deux référés permettent aux candidats évincés de saisir le juge administratif respectivement avant ou après la conclusion du contrat. Ils sanctionnent les "cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services ayant une contrepartie financière" (articles L.551-1 et L.551-13 du Code de justice administrative).
La doctrine veut qu'un même concurrent évincé ne puisse pas cumuler ces deux recours. En effet, le référé contractuel n'a pas pour objectif de servir de seconde chance au requérant n'ayant pas obtenu gain de cause dans le cadre d'un référé précontractuel. Toutefois, la porte reste ouverte à une exception. C'est ce que précise le Conseil d'Etat dans le cadre de cette affaire.
En l'occurrence, une commune avait engagé une procédure adaptée pour la passation d'un marché à bons de commande portant sur le nettoyage de réseaux de soufflage et ventilation de bâtiments municipaux. Un concurrent non retenu avait saisi le juge des référés d'une demande en référé précontractuel et ce, sans l'avoir notifié au pouvoir adjudicateur. Le contrat ayant été signé entretemps, le juge des référés a prononcé un non-lieu à statuer. En revanche, ce même magistrat a fait droit au recours contractuel du concurrent évincé en annulant le contrat pour non-respect du délai de suspension de la signature du contrat.
Les magistrats du Conseil d'Etat ne partagent pas cet avis. Ils rappellent que le recours contractuel demeure ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel à deux conditions cumulatives. 
Premièrement, il faut que le pouvoir adjudicateur n'ait pas respecté la suspension prévue à l'article L.551-4 du Code de justice administrative ou ne se soit pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours.
Par ailleurs, le requérant doit avoir notifié au pouvoir adjudicateur le dépôt de sa demande de référé précontractuel. En effet, nul ne peut reprocher à une personne publique d'avoir signé un contrat dans le délai de suspension de signature si celle-ci n'avait pas connaissance de l'existence d'un tel délai...
Par conséquent, le pouvoir adjudicateur n'ayant pas été informé du référé précontractuel engagé par la société, le référé contractuel était irrecevable et la signature du contrat conforme. 
Les juges de la Haute Juridiction administrative résument les choses en ces termes : "En vertu de l'article L.551-14 du Code de justice administrative, le recours contractuel demeure ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur n'a pas respecté la suspension prévue à l'article L.551-4 ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ; qu'il en va toutefois différemment lorsque le recours contractuel, présenté par un demandeur qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel, est dirigé contre un marché signé durant la suspension prévue à l'article L.551-4 alors que le pouvoir adjudicateur était dans l'ignorance du référé précontractuel en raison de la méconnaissance, par le demandeur, de ses obligations de notification prévues à l'article R.551-1."

L'Apasp

Référence : Conseil d'Etat, 30 septembre 2011, Commune de Maizières-lès-Metz, 350148