Réductions de CFE liées à la crise : le comité des finances locales dénonce une compensation insuffisante
Le comité des finances locales s'est réuni le 30 juin pour la première fois depuis le début de la crise, avec à son ordre du jour le bilan de la répartition des dotations et des projets de décrets, dont un précisant la mise en œuvre – sur délibération des assemblées locales - de l'exonération en 2020 de cotisation foncière des entreprises (CFE) au bénéfice des secteurs économiques les plus touchés par la crise. Les élus locaux ont regretté que l'Etat ne prenne en charge que la moitié de la perte fiscale potentielle entraînée par la mesure.
Le comité des finances locales (CFL) s'est élevé, mardi 30 juin, contre la limitation à 50% seulement de la prise en charge par l'Etat du dégrèvement de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les secteurs économiques touchés de plein fouet par la crise du coronavirus. Cette mesure qui figure dans le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR3, actuellement examiné en séance par l'Assemblée nationale) offre la possibilité aux communes et intercommunalités d'exonérer des deux tiers de leur CFE, en 2020, les entreprises réalisant moins de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires et appartenant aux secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de la culture, du transport aérien, du sport et de l’évènementiel.
C'est "un faux dégrèvement", a dénoncé le président du CFL, lors d'une conférence de presse à l'issue de la séance plénière de l'instance. Il a rappelé que l'Etat ne compensera que la moitié de la perte fiscale provoquée par la mesure. Par ailleurs, la part payée par les communes ou leurs groupements "ne pourrait pas entrer dans le décompte des frais Covid qui sont susceptibles de compensation", a pointé André Laignel. L'instance a ouvert ce débat à l'occasion de l'examen du projet de décret d'application, qui fixe précisément la liste des activités éligibles à la mesure. Pour être effective, celle-ci doit, rappelons-le, faire l'objet d'une délibération entre le 10 juin et le 31 juillet 2020. Sur ce projet de texte, le CFL a donc émis un avis défavorable "à la quasi-unanimité".
"Un brouillard totalement épais"
Réélu après le premier tour des municipales à Issoudun (Indre), André Laignel s'est montré très inquiet pour les finances locales, plongées "dans un brouillard totalement épais". Jugée faible, la compensation par l'Etat d'une partie des pertes des communes et intercommunalités, inscrite dans le PLFR 3, n'y changera rien, selon lui. Pas même, non plus, le milliard d'euros destiné à soutenir l'investissement local, car les élus "manquent de visibilité" et ont besoin d'un renforcement de l'autofinancement de leurs collectivités, a-t-il avancé. La situation risque d'avoir "un effet récessif là où il serait évidemment impératif qu'il y ait une relance", a-t-il déclaré. Du fait de la crise et du renouvellement des équipes municipales dans certaines communes, l'élu s'attend à ce que l'investissement public local soit, en 2021, à un des niveaux les plus faibles de "ces dix dernières années".
L'ordre du jour du CFL comprenait également un projet de décret résultant de la mise en place, à la suite de la loi "Engagement et proximité", de l'obligation pour les communes de souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie pour couvrir "le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de l'obligation de protection" à l'égard du maire et de ses adjoints. Le projet de texte précise le barème de la compensation de l'Etat qui sera accordée, sous forme de dotation, aux communes de moins de 3.500 habitants, ainsi que le prévoit la loi. Dans le détail, la compensation s'établira à 41 euros pour le maire et à 15,25 euros pour chaque adjoint. Ces montants auraient été calculés au regard des tarifs pratiqués pour la protection fonctionnelle des agents publics et des assurances prises à titre personnel par certains élus ou hauts fonctionnaires. Au total, la dépense pour l'Etat s'élèvera à 3 millions d'euros. Le CFL a adopté le projet de décret à l'unanimité.
DGF : près de 27 milliards d'euros cette année
Les élus locaux ont par ailleurs examiné le bilan de la répartition en 2020 de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Celle-ci s'établit à 26,835 milliards d'euros. Une somme partagée entre les communes (à hauteur de 44%), les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (24%) et les départements (32%).
Principale composante de la DGF des communes, leur dotation forfaitaire s’élève à un peu plus de 7 milliards d'euros. Elle bénéficie à 33.990 communes, 1.064 autres ne la percevant plus. Il s'agit du montant après prise en compte de l'"écrêtement" de la dotation, qui sert notamment à financer la progression des dotations de péréquation communale et la hausse des dotations liée à la croissance démographique. Cette minoration de la dotation forfaitaire, qui s'établit cette année à 134 millions d'euros, concerne 20.297 communes.
En hausse de 90 millions d'euros chacune, la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) s'établissent respectivement à 2,380 milliards et 1,692 milliard d'euros. Pour sa part, la dotation nationale de péréquation (DNP) est stable, à 794 millions d'euros.
Effets de la réforme fiscale : de premières pistes de travail à la rentrée
De leur côté, les EPCI perçoivent la dotation d'intercommunalité (1,590 milliard d'euros, en hausse de 30 millions) et la dotation de compensation (4,832 milliards d'euros). Celle-ci est réduite, en 2020, de 89,5 millions d'euros pour financer la croissance des dotations de péréquation communale ou encore la hausse des dotations liée à la croissance de la population. Enfin, la DGF des départements atteint 8,5 milliards d'euros, dont 1,5 milliard pour la péréquation.
Le groupe de travail du CFL, mis en place en début d'année, sur les conséquences de la réforme de la fiscalité locale sur les indicateurs financiers pris en compte dans le calcul des dotations et des fonds de péréquation s'est réuni dans la foulée de la séance plénière. Après une pause liée aux élections municipales et à l'épidémie de Covid-19, le groupe de travail accélère. Il se réunira à nouveau "la semaine prochaine" et son président espère que "début septembre", il évoquera de premières pistes de réforme. André Laignel a souhaité que le CFL "ne se précipite pas" pour étudier les solutions à un problème qui ne sera effectif qu'à partir de 2022. Autrement dit, les propositions de l'instance ne devraient pas être prêtes pour l'examen à l'automne du projet de loi de finances pour 2021.