Reconstructions post-émeutes : deux nouvelles ordonnances pour accélérer les procédures
Après l’édiction fin juillet d’une première ordonnance sur le volet commande publique, deux autres textes dérogatoires, l'un axé sur les autorisations d'urbanisme et l'autre dédié au financement, parus ce 14 septembre, visent à lever les derniers verrous juridiques pour conduire au plus vite le chantier de reconstruction et de réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines de cet été.
Deux mois seulement après les violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, "toutes les mesures sont effectives pour faciliter et accélérer la reconstruction", s'est félicité le 13 septembre Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, lors de la présentation en conseil des ministres, de deux ordonnances - l’une sur d’accélération des autorisations d’urbanisme, l’autre de simplification du financement - prises sur le fondement de la loi du 25 juillet 2023 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des émeutes. Leur parution aux Journal officiel, ce 14 septembre, vient en effet compléter le cadre juridique d’exception esquissé avec la publication, le 27 juillet, de la première des trois ordonnances prévues par la loi portant quant à elle sur le volet commande publique (voir notre article du 26 juillet 2023). La démarche n’a rien d’inédit puisqu'en d’autres circonstances, des dispositions exceptionnelles avaient également été adoptées après l’incendie de Notre-Dame de Paris.
La situation d’urgence a été rappelée par les quelques chiffres détaillés par le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, à l’issue du conseil des ministres, à savoir 68 bâtiments entièrement détruits, 450 partiellement et plus de 2.000 dégradés. Le coût total des dégâts sur le bâti dans les 500 communes qui ont été touchées par ces évènements consécutifs à la mort d’un adolescent, tué à Nanterre à la suite d’un contrôle routier, s’élève ainsi à 730 millions d’euros - selon la dernière estimation des assureurs - dont presque 30% concerne le patrimoine des collectivités. Permettre, "dans les meilleurs délais", le retour à un fonctionnement normal des services publics et la réouverture des équipements de proximité, c’est donc tout l’enjeu de ces ordonnances de simplification des procédures administratives et des règles de financement.
Gagner plusieurs mois sur les procédures d’urbanisme
C’est l’objectif poursuivi par l’ordonnance n° 2023-870. Elle permet la reconstruction ou la réfection à l’identique du bâti même si une disposition d'urbanisme, le plan local d'urbanisme ou la carte communale s'y oppose. Des reconstructions différentes du bâtiment d'origine, "dans le cadre d'adaptations limitées ou de modifications justifiées par l'amélioration de la performance environnementale, de la sécurité ou de l'accessibilité du bâtiment concerné seront également possibles", précise la notice de l’ordonnance. Ce droit à reconstruction s'exerce bien évidemment dans les limites des règles applicables en matière de risques naturels, technologiques ou miniers auxquelles la reconstruction ou la réfection ne peut contrevenir et, le cas échéant, sous réserve des prescriptions de sécurité dont l'autorité compétente peut assortir le permis.
Le texte permet en outre d’accélérer la procédure en divisant par deux, voire trois, la durée totale d’instruction. C'est à dire concrètement un mois au lieu de trois en temps normal pour les demandes de permis de construire. Idem pour les consultations et avis qui voient également leurs délais réduits et soumis au principe de silence vaut acceptation. Lorsque la réalisation des travaux requiert l'accomplissement préalable d'une procédure de participation du public, l'autorité compétente pourra aussi recourir à la procédure de participation par voie électronique, ajoute le texte.
L’ordonnance donne par ailleurs la possibilité au maître d'ouvrage de débuter les opérations préliminaires (démolition, terrassement, fondation, etc.) dès le dépôt de la demande ou de la déclaration préalable. En revanche, le constructeur devra "solliciter et obtenir les autorisations requises par les autres législations, auxquelles il n'est pas dérogé, notamment en matière d'occupation du domaine public et de la voirie publique", indique la notice.
Ce régime dérogatoire s’appliquera à l’ensemble des dossiers éligibles, déposés dans les 18 mois à compter de l’entrée en vigueur de cette ordonnance.
Dérogations aux règles de financement des collectivités
Pour accompagner les collectivités territoriales, l’ordonnance n° 2023-871 prévoit que le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pourra être versé, et ce pour tous les bénéficiaires, de manière anticipée l’année d’exécution des dépenses réalisées pour réparer les dommages directement causés par les actes de dégradation.
Autre ajustement de taille : l’obligation de participation minimale du maître d’ouvrage (fixée en principe à 20% du montant total des financements apportés par les personnes publiques au projet) ne sera pas applicable. Les subventions pourront ainsi couvrir jusqu’à 100% du coût des travaux. Enfin, le texte supprime exceptionnellement le plafonnement des fonds de concours versés entre les EPCI à fiscalité propre et leurs communes membres, là encore afin de laisser la possibilité de mobiliser les ressources disponibles et d'accélérer la réparation des dommages causés aux biens des collectivités.
Les dispositions ainsi prises "permettent de préserver la trésorerie des collectivités et de minimiser l’éventuel reste à charge", a souligné le ministre dans sa communication, rappelant également l’existence d’un guichet unique d’accompagnement auprès des préfets, auxquels il a d'ailleurs été demandé de "maintenir des contacts rapprochés" avec les élus des communes concernées pour faciliter leurs démarches.
Références : rapport au Président de la République et ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l'accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d'urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 ; rapport au Président de la République relatif et ordonnance n° 2023-871 du 13 septembre 2023 visant à faciliter le financement de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, JO du 14 septembre 2023, textes n°10, 11, 12 et 13. |