Rapport sur l'enseignement privé : les intéressés recadrent le débat
Principaux intéressés, aux côtés de l'État, au fonctionnement des établissements privés sous contrat mis en cause par un rapport parlementaire, le secrétaire général de l'Enseignement catholique et les élus locaux ont réagi. Leurs discours mettent en avant la nécessité de faire mieux sans remettre en cause l'existence de cette forme scolaire.
Au lendemain de l'adoption par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale du rapport sur le financement public de l'enseignement privé sous contrat, qui en dénonce l'opacité du financement, le manque de contrôle de l'État et des collectivités ou la dégradation de la mixité sociale (lire notre article du 2 avril), le secrétaire général de l'Enseignement catholique (Sgec), qui regroupe 95% des établissements privés en France, a vivement réagi. Interrogé sur Europe 1, Philippe Delorme a estimé qu'"il y a derrière tout ça, au moins pour Paul Vannier [coauteur du rapport avec Christopher Weissberg] un objectif qu'il ne veut pas assumer, qui est à terme la suppression de la loi Debré et de l'enseignement privé".
Le contrôle financier en question
Revenant sur le manque de contrôle financier, Philippe Delorme a déclaré qu'il y était "très favorable" et que ce serait l'occasion de révéler "la fragilité économique de la majorité de nos établissements". Émilie Kuchel, présidente du Réseau français des villes éducatrices (RFVE) et adjointe au maire de Brest chargée de l'éducation, estime au contraire que les établissements ont leur part de responsabilité : "On veut bien contrôler, mais quand on demande à nos Ogec [organismes de gestion de l'Enseignement catholique] de nous donner leur budget, nous ne les recevons pas. On demande moins d'opacité et plus de contrepartie aux subventions publiques."
Sur la mixité sociale, le représentant de l'enseignement catholique a expliqué la perte d'élèves de familles modestes ces dernières années par la "gentrification" des grandes villes. "Mais dans l'Aveyron, où nous scolarisons 35% des élèves, l'indice de position sociale moyen de nos collèges est inférieur à celui du public", a-t-il affirmé. De son côté, Émilie Kuchel confesse qu'elle ne s'attendait pas à ce que "la mixité sociale ait autant reculé en vingt ans dans les établissements privés". Elle dit même craindre "que cela devienne une concurrence déloyale ou que cela empire avec la baisse démographique".
Pour plus de mixité sociale
Delphine Labails, coprésidente de la commission de l'éducation de l'AMF et maire de Périgueux, met pour sa part en avant la complémentarité entre écoles publiques et privées : "Dans ma ville, il y a trois écoles privées dans tous les types de quartier, y compris dans un quartier de la politique de la ville. On peut donc clairement considérer que cette école-là contribue à la mixité sociale."
Frédéric Leturque, coprésident de la commission de l'éducation de l'Association des maires de France (AMF), estime que les relations entre les écoles privées et les collectivités sont "globalement apaisées". Le maire d'Arras se montre toutefois favorable à ce que l'on puisse s'accorder pour mieux inclure l'enseignement privé dans la définition et la mise en œuvre des projets éducatifs territoriaux ou pour renforcer la contribution des écoles privées à la mixité sociale "qui est peut-être insuffisamment présente dans certains établissements".
Ne pas être dans le dogme
Pour aller plus loin, Delphine Labails insiste sur la "responsabilité directe" des maires dans la manière dont ils pensent leurs villes et sur la sectorisation qui peut être un "levier" : "Dans une ville équilibrée en termes d'habitat, on peut décliner la mixité sociale dans la sectorisation des écoles. Mais il ne faut pas être dans le dogme."
Le rapport parlementaire a par ailleurs interpellé Émilie Kuchel sur la question du forfait d'externat que les communes payent pour les élèves du privé dans les mêmes conditions que pour ceux du public : "Je suis pour une règle qui prenne en compte les territoires, affirme l'élue bretonne. À Brest, nous avons huit des dix écoles REP du département. Si je mets des moyens dans ces écoles qui en ont besoin, cela nous conduit à financer encore plus le forfait des élèves du privé".
En tout état de cause, Émilie Kuchel reconnaît qu'"il y a des choses à remettre à plat. Les écoles privées font partie du service public de l'éducation, mais comment, où et avec qui ? Il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous." Ce besoin de revoir le fonctionnement de l'enseignement privé sans le remettre en cause est partagé par Frédéric Leturque : "Il ne faut pas imaginer que l'enseignement privé soit un problème ou que l'enseignement public serait la solution. Les deux existent, il faut simplement travailler sur un principe d'équilibre, respectueux de la capacité, de la volonté des familles et des enfants, et surtout respectueux de celles et ceux qui travaillent dans ces institutions et qui globalement essaient de contribuer à la réussite éducative des enfants."