Rapport sur la décentralisation : Éric Woerth face aux "interrogations" des sénateurs

Conseiller territorial, cumul des mandats, réduction du nombre de conseillers municipaux, nouveau schéma de financement des collectivités… Moins d'une semaine après la remise de son rapport au président de la République ("Décentralisation : le temps de la confiance"), Éric Woerth s'est retrouvé le 5 juin sous le feu des questions des sénateurs de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales.

Cet "échange" d'une heure trois quarts, que le premier questeur de l'Assemblée nationale a qualifié de "très riche", a montré selon lui qu'"il n'y a pas d'indifférence" sur ses 51 propositions. Il s'en est réjoui, assurant que "c'était le but recherché".

"Le titre du rapport est sénatorial et sa couverture est prometteuse", a d'emblée déclaré Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités.

"Bonnes nouvelles"

Prônés par le rapport Woerth, le renforcement de l'État territorial, l'octroi aux collectivités d'un pouvoir réglementaire plus fort, l'amélioration du statut des élus locaux, la consécration du rôle du maire comme "premier mètre de l'action publique", sont autant de "bonnes nouvelles", a estimé l'ancienne maire de Châteaugiron. Elle a toutefois regretté que la différenciation territoriale – sujet de récents travaux dont elle a été la rapporteure – "figure avec une très grande discrétion" dans le rapport du député. Ce principe qui permet aux collectivités d'adapter les normes et les compétences aux spécificités locales "est un peu partout dans le rapport", a rétorqué l'ancienne ministre de François Fillon. Qui a eu à croiser le fer sur plusieurs autres sujets très polémiques.

Comme celui de la "résurrection" du conseiller territorial, élu hybride qui doit cumuler les mandats de conseiller départemental et régional. La réforme ne sera "ni possible ni faisable" et provoquera une réduction de la parité politique, ont critiqué des sénateurs socialistes. "Oui, la parité est plus difficile" avec le conseiller territorial, a concédé Éric Woerth. Mais "les partis politiques y veilleront" et le mode de scrutin imaginé répond aux exigences du Conseil constitutionnel, a-t-il complété, l'air rassurant. N'étant "pas élue sur un scrutin de liste avec un projet extrêmement fort", la majorité régionale pourra être affaiblie, s'est inquiétée de son côté la présidente de la délégation aux collectivités. Un argument balayé d'un revers de la main par le député : "Quand il est à la région, il est bien conseiller régional, il dépend bien d'une majorité régionale, il y a bien une élection" et "rien n'empêche qu'il y ait une campagne électorale".

Conseiller territorial : "j'y crois très fermement"

Le conseiller territorial ? "J'y crois très fermement", a assuré Éric Woerth. Selon lequel cet élu serait "puissant" et reconnu. De quoi lui permettre d'être, donc, mieux connu par les citoyens. Un objectif poursuivi par le député qui a dit vouloir "lutter contre l'anonymisation des élus". Éric Woerth constate en effet que "de plus en plus de Français connaissent bien leur maire et le président de la République", mais qu'"au milieu ça se gâte un peu". C'est par ce raisonnement que le député a justifié le retour de la possibilité de cumuler les mandats de parlementaire et de maire, quelle que soit la taille de la commune. "Ce n'est pas sérieux", a critiqué le socialiste Éric Kerrouche, tandis que l'écologiste Guy Benarroche a jugé cette proposition "absurde".

La proposition de réduire de 20% - soit 100.000 - le nombre de conseillers municipaux, "une sorte de 'travailler plus pour gagner plus' en format élu" (selon la communiste Céline Brulin), a également déclenché les foudres des sénateurs. Cette mesure vise notamment à permettre de faciliter la constitution des listes candidates aux élections municipales. Mais "si on abaissait à zéro le nombre de conseillers municipaux possibles sur une liste, ce serait la meilleure façon de garantir la liberté de candidature", a raillé le LR Fabien Genet. Cette proposition "sent un peu le côté techno", a-t-il encore cinglé.

"Liberté" dans les intercommunalités : "c'est le moment"

La proposition visant à créer un établissement public local, placé sous la responsabilité du président du conseil départemental, mais "avec des cofinancements et une gouvernance de l’État et du département sur l’ensemble des compétences sociales obligatoires", a été accueillie avec scepticisme. "Il y a une vraie crise de financement" des politiques sociales départementales, a justifié Éric Woerth, en disant vouloir "simplifier les choses" et "clarifier qui fait quoi dans ce sujet". En substance, l'État "branche un tuyau clair, qui ne va pas ailleurs qu'au département, de financement des politiques de solidarité", a-t-il dit.

Sur les compétences des intercommunalités, le député a réaffirmé vouloir introduire, au grand dam d'Intercommunalités de France et France urbaine, une plus grande liberté de choix au profit du terrain. "C'est le moment", a-t-il dit, rappelant qu'il y avait eu, lors de la réforme territoriale, "le moment de l'obligation". "Je suis très favorable à l'intercommunalité", a mis en avant l'ancien président de la communauté de communes de l'Aire cantilienne (Oise). 

Pour rappel, le Premier ministre conduira ces prochaines semaines la concertation avec notamment les associations d'élus locaux sur les propositions du rapport. Ces concertations qui incluront les recommandations formulées par Boris Ravignon, dont le rapport a été publié également fin mai, feront l'objet d'un "premier point d’étape" d’ici fin juillet.