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Chômage - Quelle efficacité pour les contrats aidés ?

Le chômage a augmenté de près de 11% sur un an. Le gouvernement a maintenu, mercredi, son engagement à inverser la tendance avant la fin de l'année. Le Premier ministre invite les collectivités et les associations à faire usage de la panoplie de contrats financés par l'Etat. S'il est trop tôt pour juger de l'efficacité des emplois d'avenir et des contrats de génération, celle des contrats aidés classiques est sujette à caution.

Le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A (demandeurs d'emploi sans emploi) s'établit en février ainsi à 3.187.700, soit 18.400 de plus que le mois précédent, d'après les chiffres publiés par Pôle emploi le 26 mars 2013. La progression est de 10,8% en un an. Face à cette situation, le gouvernement a rappelé, mercredi, son engagement à inverser cette tendance qui dure depuis cinq ans  d'ici la fin de l'année 2013. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a ainsi appelé à "une mobilisation générale pour l'emploi", lors de la séance des questions d'actualités au gouvernement, mardi 26 mars. Il a invité "les collectivités locales, les associations, le monde de l'économie sociale et solidaire" à utiliser les emplois financés par l'Etat, dont les contrats aidés et les nouveaux emplois d'avenir, que le gouvernement met à leur disposition. Le Premier ministre a aussi appelé les entreprises à recruter des jeunes via le nouveau contrat de génération et le crédit d'impôt compétitivité emploi.
Les contrats aidés (CUI-CAE* dans le secteur non-marchand, CUI-CIE* dans le secteur marchand) sont souvent présentés comme une variable d'ajustement. Ils ont été fortement développés dans les années 2000 (800.000), puis leur nombre a diminué (600.000 en 2005, 265.000 fin 2008). Ils ont ensuite connu un rebond lié à la crise (414.000 à la mi-2010) mais sont retombés à 370.000 en janvier 2012. En juin 2012, le gouvernement a mobilisé 80.000 contrats de ce type supplémentaires pour le second semestre, histoire de relancer le dispositif, et de faire en sorte qu'il ait un effet sur les chiffres de l'emploi. En octobre 2012, Michel Sapin, ministre du Travail, a annoncé une nouvelle rallonge de 40.000 emplois aidés pour l'année. Et en janvier 2013, le gouvernement a majoré de deux milliards d'euros la réserve de précaution du budget français pour 2013. Une enveloppe qui permettrait de financer un éventuel surcoût des politiques gouvernementales en faveur de l'emploi, dont les contrats aidés. Outre ces contrats aidés "classiques", le gouvernement mise aussi sur les nouveaux emplois d'avenir, créés dans le cadre de la loi du 26 octobre 2012. Ces contrats de trois ans ciblent les jeunes peu ou pas qualifiés, et sont réservés au secteur non-marchand. Ils sont financés à hauteur de 75% du Smic par l'Etat. L'objectif du gouvernement est d'atteindre 100.000 emplois d'avenir d'ici fin 2013, et 50.000 de plus en 2014. Pour le moment, d'après le compte présenté par le ministère du Travail en Conseil des ministres le 27 mars, à la fin du mois de mars, 15.000 jeunes auront été recrutés par l'intermédiaire de ces nouveaux contrats (plus de 11.500 jeunes pas ou peu diplômés et 3.500 jeunes en emploi d'avenir professeur). Une montée en puissance lente, puisque cela correspond seulement à 15% de l'objectif visé, mais "la montée en charge va se poursuivre et s'accélérer dans les mois à venir", a souligné le ministre du Travail dans sa communication en Conseil des ministres.

La durée des contrats aidés allongée à douze mois

Par ailleurs, Michel Sapin a annoncé, mercredi 27 mars, en Conseil des ministres que les autres contrats, les contrats aidés "classiques", verront leur durée progressivement allongée pour atteindre douze mois (contre six mois actuellement), suite à une décision du gouvernement datant de janvier 2013. "Il s'agit d'offrir une solution professionnelle aux personnes les plus éloignées de l'emploi dans une durée qui permette une meilleure insertion professionnelle", a souligné le ministre dans sa communication.
Mais qu'en est-il réellement de l'efficacité de ces contrats aidés ? Pour une grande majorité de demandeurs d'emploi, c'est un bon moyen de reprendre contact avec le monde du travail. Plus de 60% d'entre eux considèrent qu'une expérience en contrat aidé peut être considérée comme un atout par les employeurs, et dans l'ensemble, ils ont une opinion favorable des contrats aidés, selon une note de la Dares de mars 2013, réalisée à partir de deux enquêtes (fin 2008 et fin 2009). Cette affirmation est d'autant plus vraie que les demandeurs d'emploi ont passé un contrat aidé du secteur marchand (privé). Ceux-ci estiment plus fréquemment que ce type de contrat permet de retrouver un emploi non aidé, en lien notamment avec une meilleure insertion sur le marché du travail à l'issue de leur contrat.
Dans son rapport de janvier 2013, la Cour des comptes se montre en revanche plus sceptique avec les contrats du secteur non-marchand (public). D'après les évaluations disponibles sur le sujet, moins de 40% de personnes en contrat aidé non-marchand sont en emploi six mois après, contre plus de 70% pour les personnes qui ont bénéficié de contrats dans le secteur marchand. Ce qui amène l'institution à préconiser de revoir l'équilibre entre contrats du secteur marchand et contrats du secteur non-marchand au bénéfice des premiers et à réserver l'accès aux contrats aidés aux seuls bénéficiaires qui ne peuvent pas être orientés vers les dispositifs dont l'efficacité apparaît mieux fondée.

Outils d'insertion ou de régulation des politiques de l'emploi ?

Pour Michel Abhervé, professeur associé à l'université de Paris Est Marne-la-Vallée, ce n'est pas qu'une question de secteur mais plutôt d'utilisation des contrats aidés. "Il y a un vrai problème, c'est que les contrats aidés ne sont pas considérés comme des outils en tant que tels de la politique de l'emploi, mais comme des outils d'ajustement, explique-t-il. Dès qu'il y a une détérioration du marché du travail, on lance des contrats de ce type car ce sont les plus faciles à mettre en œuvre. Il faudrait qu'ils redeviennent ce qu'ils étaient initialement : des outils d'insertion et non de régulation de la politique de l'emploi." Autre critique du chercheur : la course aux chiffres. "Si on veut que ces contrats soient réellement efficaces, il ne faut pas mettre en avant l'aspect quantitatif mais être attentif à l'encadrement, la qualité du projet…"
Bernard Gomel, chercheur au Centre d'études de l'emploi (CEE) considère quant à lui que les contrats aidés classiques sont des contrats "cycliques", "critiquables mais indispensables". Il positionne en revanche différemment les emplois d'avenir, "qu'on appelle à tort contrats aidés alors qu'ils correspondent davantage à une aide à l'emploi des jeunes". Pour lui, les emplois d'avenir peuvent servir de levier de l'intervention publique auprès des jeunes. "En s'adressant aux jeunes, on réalise une transition entre l'école (surtout quand il y a échec scolaire) et l'emploi, d'autant plus si les missions locales sont bien intégrées dans le processus", souligne-t-il. Autre avantage de ces emplois : ils offrent aux jeunes une rémunération (plus de 1.100 euros par mois pendant au moins un an) qui leur permet d'être autonomes et d'améliorer immédiatement leur situation économique.
Reste aussi le nouveau contrat de génération, qui cette fois-ci s'adresse au secteur marchand, et propose d'organiser la transmission entre les jeunes et leurs aînés, avec des aides financières pour le recrutement d'un jeune et le maintien d'un senior dans l'entreprise. Le dispositif instauré par la loi du 1er mars 2013 est entré en vigueur après la publication d'un décret n°2013-222 du 15 mars 2013. Le gouvernement table sur 500.000 contrats de ce type d'ici 2017. Les premiers accords ont été signés début mars. Difficile donc de préjuger de son efficacité. Mais Bernard Gomel est déjà dubitatif. "On part sur l'idée qu'il y aurait de la part des seniors un transfert d'expérience vers les jeunes… Ce n'est pas sûr que cela se passe ainsi, on a déjà tenté l'expérience avec les plans seniors…"

Emilie Zapalski

* Contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement vers l'emploi (CUI-CAE), contrat unique d'insertion-contrat initiative emploi (CUI-CIE).

Références : décret n°2013-222 du 15 mars 2013 relatif au contrat de génération, loi n°2013-185 du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération, loi n°2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des emplois d'avenir.