Politique de la ville - Quartiers sensibles : cinq ans après tout reste à faire... ou presque
Cinq ans après les émeutes de banlieues, la situation dans les quartiers de la politique de la ville n'a guère évolué. Même si Maurice Leroy, le nouveau ministre de la Ville, préfère s'en tenir aux signes positifs. "Nos efforts commencent à porter leurs fruits dans le domaine de l’activité économique, de la réussite éducative, de la rénovation urbaine, mais aussi de la sécurité", s'est-il félicité, lors de la remise du rapport annuel de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus), le 23 décembre dernier. Mais la situation de l'emploi dans les 751 zones urbaines sensibles (ZUS) demeure toujours aussi préoccupante. En 2009, le chômage y est reparti à la hausse pour s'établir à 18,6% contre 16,9% en 2008. Rien donc n'a vraiment changé depuis 2003, date de la mise en place de l'Onzus, où le taux de chômage était de 17,2%. Certes, il y a eu la crise dont l'impact a été moins marqué en ZUS que dans les autres quartiers urbains, mais l'écart avoisine toujours les 10%. Et la situation est plus préoccupante encore chez les jeunes avec un taux de chômage de 43% chez les hommes et de 37% chez les femmes. La situation est plus critique encore chez les personnes d'origine étrangère : une femme d’origine étrangère a quatre fois moins de chances d'avoir un emploi lorsqu’elle habite en ZUS.
Précarité
Par ailleurs, tous les indicateurs traduisent la précarité des familles : le revenu fiscal moyen atteint à peine 56% de celui correspondant à l'ensemble des quartiers urbains, les ZUS comportent 2,5 fois plus de bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), les deux tiers de leurs habitants sont allocataires des caisses d’allocations familiales, plus d’un allocataire sur quatre appartient à une famille monoparentale...
En contrepoint, le rapport de l'Onzus souligne la vitalité de la création d'entreprises, notamment du fait du statut d'auto-entrepreneur qui représente à lui seul près de la moitié des nouvelles installations d’entreprises. Cependant, un récent sondage Ifop réalisé pour la Caisse des Dépôts et l'association Eveilleco montre que non seulement la volonté de créer son entreprise n'est pas plus élevée dans les quartiers qu'ailleurs en France (environ 25% des habitants) et que le recours au statut de l'auto-entrepreneur fausse les données. Et certains élus n'hésitent pas à dénoncer un système de "salariat déguisé" (voir ci-contre notre article du 15 décembre).
Réussite scolaire
Au rang des améliorations, "la diminution du nombre de collégiens est la plus importante et frappe par son ampleur (12,9%), d’autant plus qu’elle est nettement plus prononcée que celle observée dans les autres quartiers (3,2%)". Ce qui s'explique, davantage que par des raisons démographiques, par le transfert d'un certain nombre d'établissements en dehors des ZUS et par un assouplissement de la carte scolaire. Les pourcentages de réussite au brevet (73,4%) et au bac (environ 85%) sont en progression, l’écart avec les autres établissements scolaires diminue. Mais, là encore, les chiffres ne doivent pas masquer une réalité lourde : le maire de Clichy-sous-Bois et président de l'association Ville et Banlieue avait lancé un cri d'alarme devant le Conseil national des villes en décembre dernier : "Il y a un malentendu très grave, le discours des jeunes sur la police est extrêmement gentil comparé au discours des jeunes sur l'éducation."
La délinquance générale, quant à elle, a diminué de 11% depuis 2005, mais surtout du fait des atteintes aux biens car les atteintes aux personnes ont progressé de 7% depuis 2005. A noter que par rapport au reste du territoire national, les quartiers sensibles se caractérisent par une faible représentation des atteintes aux biens (inférieures de 8% à la moyenne) et une forte proportion des atteintes aux personnes (supérieures de 11%).
Sas
S'agissant de l'habitat, le rapport observe une "nette accélération" sur le papier du programme national de rénovation urbaine du fait du plan de relance. Mais les engagements financiers tardent à se traduire dans les faits. "Au 31décembre 2009, les taux de réalisation des objectifs de livraison en fin d’année sont en léger recul par rapport à ceux de 2008, exception faite en matière de reconstitution de l’offre", constate l'observatoire.
Comme elle l'avait déjà fait remarquer l'an dernier, la présidente de l'Onzus Bernadette Malgorn souligne le caractère souvent transitoire des quartiers, davantage "sas" que ghettos" : "Nous avons établi qu’il existe une mobilité importante dans ces quartiers, de sorte que, chaque année, 7% des habitants quittent le quartier et sont remplacés par de nouveaux habitants, généralement en situation de précarité accrue par rapport aux partants." Mais le rapport ne dit mot de ces nouveaux arrivants. Peut-être pour la prochaine édition : "les études de cohorte, que l’Onzus vient d’entamer, nous aideront à l’avenir à mieux connaître les parcours et stratégies des habitants de ces quartiers fragiles. Je les attends avec impatience", a déclaré le ministre.
Reste que le rapport intervient dans un contexte flou entretenu depuis le départ de Fadela Amara dont le plan Espoir banlieues a été vivement critiqué. Que va devenir le projet de loi sur la réforme de la géographie prioritaire confirmé par la secrétaire d'Etat, quelques semaines avant le remaniement ministériel ?