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Développement local - Un quart des habitants de ZUS veulent créer leur entreprise

Les quartiers ne sont peut-être pas le vivier d'entrepreneurs souvent décrit. 26 % des habitants des zones urbaines sensibles (ZUS) souhaitent en effet créer leur entreprise, soit quasiment le même taux que pour l'ensemble de la population française (25 %). Ce sont les résultats d'un sondage Ifop réalisé pour la Caisse des Dépôts et l'association Eveilleco et présenté lors du séminaire "Les habitants des quartiers face à la création d'entreprise", tenu le 14 décembre. "On peut tordre le cou à pas mal d'idées reçues, on observe en effet une stricte égalité", a ainsi souligné Jérôme Fouquet, directeur adjoint du département opinion et stratégies d'entreprise à l'Ifop. Et sur cette part de créateurs potentiels, ils sont 57 % à n'avoir aucun projet précis (soit 7 points de plus que la moyenne nationale). Généralement, les perspectives sont assez lointaines : 40 % pensent franchir le pas d'ici deux à cinq ans et 30 % au delà. La moitié a réalisé une étude de marché ou cherché à obtenir des aides. "On se rend compte qu'il y a peu d'intention de créer son entreprise et que celle-ci se manifeste sur des projets très peu formalisés", a ainsi insisté le sociologue François Reix.
Ces résultats sont d'autant plus étonnants que depuis quelques années, la création d'entreprise est présentée comme la panacée face au chômage. Certains aménagements, comme la loi Dutreil de 2003 ou l'instauration d'un statut de l'auto-entrepreneur avec la loi de modernisation de l'économie, ont fait exploser le nombre de créations, passé de 200.000 au début des années 2000 à 580.000 aujourd'hui. Un record. Et les banlieues, après les émeutes de 2005 puis le passage de la crise, n'ont pas échappé à ce discours.

Besoin d'indépendance

Le besoin d'indépendance est la première source de motivation de ces entrepreneurs potentiels (63 %), loin devant l'augmentation des revenus (27 %) ou l'envie de créer son propre emploi (14 %). "Pôle emploi pousse les jeunes à aller vers le statut de l'auto-entrepreneur, ils s'inscrivent sur internet et après bonjour la galère, car les gens pensent qu'avec ce statut, ils vont trouver des clients comme ça...", a critiqué Fabienne Tessier, ajointe au maire de Stains (Seine-Saint-Denis), dénonçant un système de "salariat déguisé". Par ailleurs, l'ambition est beaucoup plus développée chez les jeunes, "plus sensibles à l'injonction sociétale à être entrepreneur de soi-même", a estimé François Reix.
Dans la majorité des cas (74 %), les personnes interrogées ne souhaitent pas implanter leur entreprise dans le quartier où elles résident. Parce que leurs clients se situent en dehors (54 %) ou parce qu'elles veulent quitter leur quartier (44 %). "Il y a l'idée que la création d'entreprise est aussi un moyen de mobilité sociale et de mobilité géographique, mais c'est ambivalent, car il y a aussi un vrai attachement aux quartiers", a expliqué François Reix.

Méconnaissance des organismes d'aide

A noter encore que 40 % des personnes souhaitant créer leur entreprise ont des parents d'origine étrangère (à l'échelle nationale 13 % des créateurs d'entreprise sont d'origine étrangère, soit cinq points de plus que leur part dans la population française). "C'est sans doute pour eux un moyen d'échapper à tout un tas de discriminations sur le marché du travail", a souligné François Reix, constatant de fortes "solidarités intercommunautaires". La création d'entreprise comme "antidote" aux difficultés d'insertion des migrants, c'est aussi ce qu'avait montré l'an dernier une étude de l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) et de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE). Chaque année, 24.000 entreprises sont créées par des migrants en France dont 73 % sans prêt bancaire, selon cette étude. D'ailleurs, le sondage de l'Ifop montre que le manque de financement est le principal obstacle à l'aboutissement du projet pour 57 % des sondés (un taux qui atteint 64 % chez les personnes ayant au moins un parent ou un grand parent étranger). Et inversement, ils sont très peu nombreux à avoir sollicité une banque (14 %), ce que François Reix explique une nouvelle fois par la "crainte d'être discriminés".
L'étude fait enfin apparaître une méconnaissance importante des organismes d'aide ou de financement. A la demande "Citez-moi trois organismes susceptibles de vous aider dans la réalisation de votre projet", la Poste arrive en tête (24 %), devant Pôle emploi (16 %), la chambre de commerce et d'industrie (12 %) et la mairie (10 %). Les associations de prêts d'honneur, l'Adie et les boutiques de gestion ne sont en revanche quasiment jamais citées. Seulement 14 % des sondés ont entendu parler des boutiques de gestion. "On a là un levier important pour travailler en amont sur la sensibilisation", a conclu François Reix. Un euphémisme.

 

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