Quand l'ingénierie territoriale devient une variable d'ajustement des collectivités
Face aux contraintes budgétaires, de plus en plus de collectivités se servent de l'ingénierie territoriale comme variable d'ajustement. Après le désengagement de l'Etat dans ce domaine, ce sont les structures de développement local qui licencient aujourd'hui. A plus long terme, la disparition d'un savoir-faire précieux en matière de projets territoriaux risque de se ressentir.
"Dans l'ensemble des régions, les baisses de crédits font que l'ingénierie territoriale est mise à mal." Pour le secrétaire général de l'Union nationale des acteurs du développement local (Unadel), Jean Maillet, les territoires sont ainsi en train de perdre des savoir-faire et de la mémoire dans ce domaine.
Avec le désengagement progressif de l'Etat, qui a supprimé ses missions en assistance à maîtrise d'ouvrage et en maîtrise d'œuvre, l'ingénierie territoriale est principalement portée par des syndicats, des pays, des pôles d'équilibre territoriaux ruraux (PETR), ou d'autres territoires de contractualisation, comme le contrat de développement durable Rhône-Alpes-CDDRA de l'ancienne région Rhône-Alpes, ou encore par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Mais, avec l'accroissement des contraintes budgétaires, les collectivités ont tendance à diminuer les moyens destinés à cette ingénierie, pourtant de plus en plus nécessaire avec la mise en œuvre de nouvelles politiques publiques, les nouveaux règlements à respecter et la prise en compte nécessaire de phénomènes comme la démographie médicale, l'accès aux services, la resorption de la fracture numérique…
Auvergne-Rhône-Alpes : les budgets divisés par deux
A l'occasion de son conseil d'administration de fin mars 2017, l'Unadel avait dénoncé l'abandon par plusieurs conseils régionaux et autres collectivités du financement des structures de coopération et de développement local et d'animation de l'éducation populaire. L'association compte aujourd'hui interpeller le nouveau gouvernement ainsi que les exécutifs régionaux à ce sujet. Si l'Unadel prépare un état des lieux précis, elle signale d'ores et déjà que la situation est tendue dans certaines régions comme la région Auvergne-Rhône-Alpes et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où des licenciements sont en cours. Le constat est partagé par l'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP). "En région Auvergne-Rhône-Alpes, une délibération a été signée l'an dernier pour diviser par deux le budget initial des structures du développement local, explique-t-on à l'ANPP, c'est une dénonciation de l'ensemble des contractualisations, le contrat Auvergne + et le CDDRA."
"Un mauvais calcul"
Sur les quatorze territoires de projet d'Auvergne, quatre ont été dissous ; pour les autres, les compétences sont reprises par les parcs naturels régionaux (PNR) ou les communautés de communes. "En Paca, les territoires de projet sous forme associative vont fermer leur porte d'ici la fin de l'année, assure l'ANPP, mais dans d'autres régions, cela se passe très bien." Exemple en Occitanie et en région Centre-Val de Loire notamment où les pays sont maintenus. En Nouvelle-Aquitaine, Bretagne et Bourgogne-Franche-Comté, les compétences sont également préservées. "L'ingénierie territoriale sert actuellement de variable d'ajustement, sauf s'il y a une forte volonté politique", précise l'association, qui estime qu'il s'agit d'un mauvais calcul, avec une économie immédiate à la clé mais des conséquences financières négatives à venir dans un ou deux ans.
Dans sa réponse aux questions posées par l'ANPP en avril 2017, Emmanuel Macron avait donné quelques indices sur la direction qu'il souhaitait prendre dans ce domaine, signalant que "les territoires de projets" allaient "globalement dans le bon sens, parce qu'ils permettent d'aller au-delà des limites administratives parfois trop rigides pour privilégier l'espace vécu par nos concitoyens et leur proposer des solutions pragmatiques. Ils continueront donc à avoir un rôle important".