Exposition universelle - Quand les collectivités investissent Shanghai
A Shanghai, l’Exposition universelle avait un signe particulier : elle était la toute première à permettre à des collectivités territoriales d’ouvrir leurs propres pavillons. Alsace et Rhône-Alpes ont profité de l’aubaine. Les deux territoires ont pu dresser, face-à-face, d’élégants bâtiments, au voisinage immédiat de Macao ou La Mecque. Ces collectivités composaient la "zone des meilleures pratiques urbaines" dont l’éclairage était en grande partie assuré par les Rhônalpins. D’autres villes ou régions françaises, faute de faire bâtir leurs pavillons, ont pu y glisser leurs expositions : Paris-Ile-de-France s’y est ainsi présentée, aux côtés de Guangzhou ou Barcelone.
Certaines collectivités ont préféré franchir la rivière Huangpu, et s’introduire dans le très couru pavillon France. Les unes ont pu l’occuper plusieurs semaines, à l’exemple de La Réunion. Les autres ne s’y sont fait représenter que le temps d’opérations de promotion – comme le Languedoc-Roussillon. Enfin, certaines collectivités ont choisi de s’implanter en dehors du site de l’Exposition ; ainsi un pavillon Lille Europe a-t-il trôné deux mois et demi dans un ancien temple taoïste de la rue Nankin…
Un million de visiteurs
Les collectivités françaises auront donc investi en nombre l’Exposition universelle de Shanghai. Et leurs engagements financiers auront été plus ou moins audacieux… Le pavillon Rhône-Alpes aura coûté pas moins de 7,5 millions d’euros. Entreprise Rhône-Alpes international (Erai), "bras armé" de la région à l'international, aura emprunté 3 millions d’euros pour sa construction, et le conseil régional déboursé 2,2 millions, pour assumer la logistique et la scénographie. Le pavillon de l’Alsace, quant à lui, affiche un coût d’exploitation de seulement 750.000 euros – avec la région comme premier appui (400.000 euros), devant la communauté urbaine de Strasbourg, EDF et Mulhouse Alsace agglomération ; la construction, elle, a été assumée in extremis par les Chinois. Quant à la ville de Bordeaux, elle n’aura déboursé que 70.000 euros pour ses quelque trois semaines de présence au pavillon France. "Avec un million de visiteurs, on peut difficilement faire mieux", se flatte la directrice générale de l’Aménagement, Michèle Laruë-Charlus.
Il est vrai que les pavillons Alsace et Rhône-Alpes l’ont à peine dépassé en affluence, avec chacun 1,12 million de visiteurs, malgré leur ouverture tout au long de l’Expo, du 1er mai au 31 octobre 2010. Choisir le bâtiment de la France s’est donc avéré rentable : avec plus de 10 millions de visiteurs, il a été le pavillon individuel le plus fréquenté à Shanghai… "Pour les Chinois, c’était un rêve de visiter l’Exposition, et tout particulièrement le pavillon France", commente Yiran Liu, responsable de la Maison du Languedoc-Roussillon, à Shanghai. "D’habitude, lorsque nous organisons un événement, toutes les personnes que nous invitons ne se déplacent pas... Cette fois, pour nos trois opérations montées au pavillon France, 100% de nos invités sont venus !"
Un "camp de base" pour les entreprises
Et pourquoi s’investir ici ? Pour les collectivités, la motivation était le plus souvent économique. Bien sûr, dans la "zone des meilleures pratiques urbaines", les exposants étaient appelés à répondre au thème général de l’Expo : "Meilleure ville, meilleure vie". Ainsi, la région Rhône-Alpes a-t-elle pu se présenter comme modèle de développement urbain "multipolaire", préservant des espaces naturels entre ses différents centres. La collectivité a aussi pu relancer ses vingt-cinq ans de coopération avec la ville de Shanghai. Mais le président de région Jean-Jack Queyranne l’a souligné : "Nous pouvons considérer notre Pavillon comme le camp de base de Rhône-Alpes en Chine."
Et bien des entreprises de la région ont pu tenter un débarquement dans l’Empire du Milieu. Vingt-sept d’entre elles s’y sont momentanément installées, pour rencontrer plus de 2.500 clients et distributeurs chinois. D’autres se sont investies dans les "semaines thématiques", organisées pour les industries de l’image, le cluster Beaujolais, ou encore l’agroalimentaire. L’Expo achevée, le pavillon "va rester à la disposition des entreprises rhônalpines", précise Laurent Van Soen, directeur des affaires internationales au conseil régional. "Et un club Shanghai réunit désormais toutes celles qui ont commencé un business sur place. L’idée est de chasser en meute." L’évolution de leurs chiffres d’affaires devrait bientôt permettre de mesurer l’impact économique du pavillon Rhône-Alpes. "Mais l’investissement est sans commune mesure avec le retour attendu", se réjouit d’avance Laurent Van Soen.
Le pavillon Alsace s’est lui aussi défini comme "un véritable show-room pour les entreprises" : une quarantaine d’entre elles ont pu l’investir et développer leurs liens avec la Chine, onzième client de la région. Quant à Lille métropole, son pavillon se voulait notamment "vitrine vivante de la créativité et de l’excellence des pôles de compétitivité du Nord de la France".
Alain Delon en hôte
Les vins de Bordeaux, du Languedoc-Roussillon ou de Rhône-Alpes ont également tenté de se frayer un chemin jusque dans les verres chinois. La capitale des Médoc a ainsi distribué quelque 6.000 bouteilles à ses visiteurs les plus réceptifs à la dégustation. "La croissance annuelle des ventes de vin français est à deux chiffres en Chine", souligne Michèle Laruë-Charlus. "Le marché est colossal, mais toute une éducation reste à faire."
Enfin bien des collectivités se sont efforcées de vanter leurs charmes touristiques. La Réunion, la Polynésie française, ou encore l’Alsace s’y sont essayées. La ville de Tours a même promu ses "mariages romantiques" en bord de Loire, très prisés des Chinois, par des cérémonies de groupe dans le pavillon France. Le maire Jean Germain officiait en personne dès la première, en mai ; plusieurs heureux élus devaient finalement remporter une lune de miel, avec Alain Delon en hôte à Paris…
L’Expo de Shanghai valait-elle de tels trésors d’imagination et d’investissements ? Il faudra attendre plusieurs mois avant d’en évaluer toutes les retombées. En attendant, les élus du littoral peuvent déjà étudier le thème de la prochaine exposition internationale, prévue en 2012 à Yeosu en Corée du Sud : "Pour des côtes et des océans vivants." Les collectivités pourront, cette fois, investir la zone des "meilleures pratiques océanographiques".
Olivier Bonnin
Les Chinois débarquent à Châteauroux
La visite du président chinois Hu Jintao en France, début novembre 2010, a été l'occasion de parapher la création d'une zone d'activités franco-chinoise de 850 hectares sur le site de Châteauroux, dans l'Indre. Porté par la Société sino-française de développement économique de Châteauroux avec le soutien des collectivités locales, le "Châteauroux Business District" a pour vocation de devenir la plus grande plateforme d'échanges économiques entre la Chine, la France et l'Europe, selon la communauté d'agglomération castelroussine. La première tranche de 500 millions d'euros d'investissement devrait permettre de créer quelque 4.000 emplois dont 80% français.
Plusieurs dizaines d'entreprises chinoises spécialisées le plus souvent dans les hautes technologies s'implanteront sur la plateforme. Les produits y seront assemblés à partir de composants en provenance de Chine et "bénéficieront de la haute valeur ajoutée française en matière de recherche et développement", précise encore l'agglomération. Ils pourront alors être estampillés "made in France"... Et les opposants au projet d'y voir un cheval de Troie pour l'industrie chinoise...
Le Châteauroux Business District englobera la ZAC d'Ozans en cours de création et la zone militaire actuellement occupée par le 517e régiment du Train, qui quittera Châteauroux en 2012, conformément à la réforme de la carte militaire. Celle-ci prévoit notamment des avantages fiscaux et sociaux pour les nouvelles implantations. Mais pour les Chinois, Châteauroux, qui a été préféré à deux sites allemand et néerlandais, bénéficie surtout d'une place centrale en France, avec un aéroport de fret inauguré situé à proximité de l'autoroute A20 et de la ligne de chemin de fer Paris-Toulouse.
En tout cas, si le projet se concrétise, il apportera plus qu'une bouffée d'oxygène à un territoire doublement frappé par la crise et la réforme de la carte militaire. Les premières implantations de PME chinoises sont attendues pour la fin 2012. La plateforme devrait être pleinement opérationnelle en 2016.
M.T.