Archives

Patrimoine - Protection des immeubles classés : la visibilité s'apprécie depuis tous les points accessibles du bâtiment

Dans un arrêt du 20 janvier 2016, le Conseil d'Etat rappelle à l'ordre les architectes des bâtiments de France (ABF) dans leur mission de préservation du périmètre de protection des monuments historiques. On passera sur les circonstances passablement embrouillées du contentieux, à grands coups de contestations de permis de construire, pour retenir la prise de position du Conseil d'Etat.

Visible ou invisible ?

L'affaire concerne en l'occurrence la cathédrale de Strasbourg et l'enjeu était de déterminer si le projet de construction contesté se trouvait ou non dans le périmètre de visibilité du monument historique. L'article L.620-30-1 du Code du patrimoine prévoit en effet qu'"est considéré [...] comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre de 500 mètres".
Dans le cas d'espèce, l'ABF avait émis un avis favorable à la délivrance du permis de construire, en considérant que le futur bâtiment ne serait pas visible depuis la cathédrale. Mais le Conseil d'Etat considère que l'ABF s'est contenté d'une approche routinière et parcellaire de cette question de la visibilité depuis un monument historique.

Les ABF doivent prendre de la hauteur

En effet, la décision du Conseil rappelle que "la visibilité depuis un immeuble classé ou inscrit s'apprécie à partir de tout point de cet immeuble normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage". En l'espèce, l'ABF n'a pas tenu compte du fait "que la visibilité depuis la cathédrale s'appréciait aussi à partir de sa plate-forme, située à 66 mètres de hauteur". Or, cette plateforme est accessible - notamment au public - conformément à l'usage du bâtiment.
Dans ces conditions, le Conseil d'Etat juge qu'"il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 28 août 2007 sur le projet en litige n'a pas pris en compte la visibilité de ce dernier depuis la cathédrale de Strasbourg ; que c'est, dès lors et compte tenu de ce qui précède, sans commettre d'erreur de droit que la cour [administrative d'appel de Nancy, ndlr] a jugé que cet avis ne permettait pas de s'assurer qu'un contrôle prenant en compte ce monument classé avait bien été réalisé par cet architecte et qu'ainsi l'autorisation prévue par les articles L.621-31 du Code du patrimoine et R.425-1 du Code de l'urbanisme ne pouvait être regardée comme ayant été régulièrement accordée".

Jean-Noël Escudié / PCA
 

Références : Conseil d'Etat, arrêt n°365987 du 20 janvier 2016, M. et Mme B. A.

 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis