Protection de l'environnement : deux ONG demandent l'annulation de décrets d'application de la loi Industrie verte
Les associations Zero Waste et Notre affaire à tous demandent au gouvernement d'annuler trois décrets liés à la loi Industrie verte, qui représentent selon elles un "détricotage massif et systématique du droit de l'environnement industriel" et par conséquent une augmentation des risques de catastrophes industrielles.
"Alors que le gouvernement a pris, dans l'entre-deux-tours des législatives, plusieurs décrets liés à la loi Industrie verte, Notre affaire à tous, Zero Waste France et leurs antennes locales ont déposé vendredi 6 septembre des recours gracieux demandant leur annulation", ont déclaré ces associations dans un communiqué diffusé ce 9 septembre. Les textes visés sont les décrets n°2024-704 et n°2024-708 du 5 juillet 2024 et le n°2024-742 du 6 juillet 2024.
Pour les deux associations, "ces textes sont illégaux et opèrent un détricotage massif et systématique des garde-fous mis en place ces dernières décennies pour prévenir les risques industriels et protéger l’environnement et les populations". De plus, les décrets "méconnaissent le principe de non-régression en matière environnementale, en allégeant les procédures et en permettant de nombreuses dérogations en matière de gestion des pollutions industrielles", ajoutent les ONG.
Remise en cause du principe "pollueur-payeur"
Pour les ONG, les décrets pris cet été "minent le principe fondamental du pollueur-payeur". Elles rappellent qu'après l’explosion de l’usine AZF de Toulouse, le champ des garanties financières applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) avait été étendu par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages afin de contraindre les entreprises à prendre en charge les frais de dépollution résultant de catastrophes industrielles. "En supprimant ces garanties, le gouvernement accroît le risque qu’en cas de pollution ou de catastrophe industrielle, les frais pour couvrir la dépollution incombent exclusivement à l’État, ou pire, que celle-ci ne soit pas réalisée faute de moyens", alerte Adeline Paradeise, juriste de Notre affaire à tous citée dans le communiqué.
Possibilité de déroger facilement à la réglementation sur les espèces protégées
Les associations s’attaquent également à une autre disposition de la loi Industrie verte qui introduit la possibilité de reconnaître, de manière anticipée, l’existence d’une RIIPM (raison impérative d’intérêt public majeur), permettant à l’entreprise de déroger plus facilement à la réglementation sur les espèces protégées. "Concrètement, cette initiative complexifie […] la tâche des associations de défense de l’environnement", déplorent les ONG qui regrettent, par ailleurs, que le qualificatif de RIIPM couvre un "très large éventail de projets industriels".
Les associations prennent l’exemple de la future usine de recyclage chimique des plastiques Eastman à Saint-Jean-de-Folleville (Seine-Maritime) à qui le gouvernement a attribué cette qualification par le décret 2024-708 du 5 juillet 2024, alors qu’une enquête publique était encore en cours. Elles craignent "des impacts significatifs" de ce projet sur la biodiversité et la qualité de l'air, et pointent du doigt "un risque élevé de dispersion de microplastiques dans l'environnement". Contacté par l'AFP, Eastman n'avait pas réagi dans l'immédiat.
"À travers la reconnaissance anticipée de la RIIPM, la loi Industrie verte vient acter une baisse généralisée du niveau de protection des espèces végétales et animales concernées, contraire au droit européen, qui plus est au profit de projets industriels dont l’intérêt pour la transition écologique n’est pas contrôlé", estime Bénédicte Kjaer Kahlat, responsable juridique de Zero Waste France.
Si leurs demandes écrites auprès de l'administration devaient rester lettre morte, les associations prévoient d'aller devant le Conseil d'État sous deux mois, ont-elles indiqué à l'AFP.