Accélération des procédures préalables à l'implantation des projets et libération des friches : deux décrets d’application de la loi Industrie verte publiés

Pour faciliter et accélérer les implantations industrielles et réhabiliter les friches, la loi Industrie verte du 23 octobre 2023 promet la division par deux des délais de procédures applicables et crée notamment un régime simplifié pour les projets d'intérêt national majeur. Deux décrets d’application, qui contiennent également toute une batterie de mesures de simplification en matière d’environnement, sont parus ces 6 et 7 juillet.

Mis en consultation publique en mars dernier (lire nos articles des 15 et 18 mars 2024), deux décrets nécessaires à l’application de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023 pour accélérer l'implantation de nouvelles usines sont parus ces 6 et 7 juillet. Le premier décret (n° 2024-742) très volumineux (71 articles au total) concerne plus particulièrement les articles 4, 5, 8, 9 et 14 de la loi. Le texte comporte également une série de mesures d’amélioration et de simplification de diverses procédures applicables en matière d’environnement, parfois tirées d’autres véhicules législatifs - loi Asap en particulier -, ainsi que des dispositions induites par les articles 5, 11 et 27 de la loi du 10 mars 2023 d’accélération de la production des énergies renouvelables (dite Aper), concernant notamment les procédures dérogatoires en matière d’autorisations administratives pour accélérer le raccordement des projets industriels nécessaires à la transition énergétique. 

Le décryptage du texte est à retrouver dans notre article du 18 mars 2024. Une synthèse de la consultation publique mise en ligne par le ministère de la Transition écologique présente par ailleurs les quelques modifications apportées depuis sa mise en consultation pour tenir compte des observations formulées par le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (dans son avis du 12 mars 2024), de la mission interministérielle de l'eau (28 février 2024) et du Conseil d’État. 

Ce décret vise entre autres l’accélération de l’instruction des autorisations environnementales, à travers la parallélisation de la phase d'examen et de consultation du public. Une mesure saluée par le Conseil national d’évaluation des nomes (CNEN) dans son avis en date du 7 mars 2024. Les représentants du bloc communal y appellent toutefois à la vigilance des services de l’État afin que "le gain de temps soit effectif". Le ministère table sur un gain de "trois mois sur la procédure actuelle". "La nouvelle procédure permet de réaliser l’examen et la consultation du public sur une période de trois mois, la phase de décision est quant à elle fixée à deux mois", précise-t-il. La loi Industrie verte permet également de mutualiser la participation du public en amont avec l'organisation de débats publics globaux (et de concertations globales) pour plusieurs projets d'aménagement ou d’équipement dans un territoire "délimité et homogène". Cela aurait mérité, selon le CNEN, de préciser "la notion de proximité d’un projet vis-à vis des populations afin de veiller à consulter le public principalement concerné par le projet". 

D’autres mesures concernent l’amélioration de la cession d’activité et l’incitation à la libération du foncier industriel ainsi que l’évolution du système de garanties financières par tranche. Il s’agit notamment de rendre la procédure de "tiers demandeur" (instaurée par la loi Alur) "plus attractive". Le dispositif permet à l’aménageur de se substituer à l’exploitant pour réaliser la réhabilitation "sans étape intermédiaire" (comme la mise en sécurité). Les représentants du bloc communal du CNEN soulèvent "les difficultés d’identification de l’ancien exploitant notamment lorsque le site a connu plusieurs propriétaires". Ils se réjouissent donc de la possibilité offerte par le décret "de surmonter cette contrainte" favorisant la réhabilitation du foncier. S’agissant des secteurs d’information sur les sols, le décret simplifie aussi leur procédure de création. Il permet ainsi à l’exploitant de fournir aux élus locaux et aux services de l’État toutes les informations utiles sur les pollutions résiduelles. Concernant les servitudes d’utilité public (SUP), la simplification des procédures à l’instar des anciens sites industriels pollués fait également l’objet d’un accueil favorable des élus du CNEN. 

Notons que le texte maintient la publicité foncière des SUP sur les sols pollués pour tenir compte des modifications apportées par le Conseil d’État. 

Liste des secteurs des technologies de décarbonation

Le second décret (n° 2024-704) vise à préciser l’application d’un trio d’articles de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte (articles 17, 19, 21). L’enjeu est notamment pour les projets d’ampleur dits "d'intérêt national majeur" pour la souveraineté et la transition écologique de permettre une mise en compatibilité plus rapide des documents d'urbanisme et de planification régionale ainsi que la délivrance du permis de construire par l’État. Le compromis trouvé prévoit que les maires ou présidents d’intercommunalités du lieu d'implantation du projet et, éventuellement les régions, devront donner leur accord en amont de la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme. De plus, les régions pourront signaler à l'État des projets d’intérêt national majeur. 

L’élargissement du champ de la déclaration de projet (emportant mise en compatibilité des documents d’urbanisme) prévue à l’article L.300-6 du code de l’urbanisme (CU) aux maillons industriels des chaînes de valeur des industries vertes est prévu par l'article 17 de cette loi. L’objet du décret est donc également de fournir la liste des chaînes de valeur des technologies des secteurs favorables au développement durable (visés à l’article L.300-6 du CU) pouvant bénéficier de la dérogation. Le texte dresse de manière complémentaire, pour chacune des chaînes de valeur, les principaux types d’équipements et d’activités visés, sans prétendre à l’exhaustivité. Huit secteurs sont mentionnés : technologies de décarbonation du bâtiment, des mobilités, de l’industrie, de l’agriculture, de production, de réseau et de stockage de l’énergie bas-carbone, de production de produits biosourcés, de recyclage de matériaux, ainsi que l'extraction, la production et la transformation des matières premières nécessaires à la production des équipements et des composants des technologies ainsi listées, notamment toute la filière de transformation du bois.

L’objet du décret est par ailleurs de fournir la marche à suivre pour permettre de reconnaître par anticipation qu’un projet répond à une reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) qualification qui, pour rappel, constitue l’une des trois conditions (prévues par le 4° du I de l'article L.411-2 du code de l’environnement) pour que soit délivrée une dérogation à l’obligation stricte de protection de certaines espèces. 

Enfin, le décret précise la compétence du préfet de département pour la délivrance des autorisations d’urbanisme d’un projet qualifié d’intérêt national majeur, tenant à la nécessité d’unifier l'instruction. Cette mesure est de même nature que les autres projets que l'article L.422-2 du CU soustrait à la compétence de droit commun du maire dans les communes dotées d’un plan local d'urbanisme ou d’un document en tenant lieu. 

Références : décret n° 2024-704 du 5 juillet 2024 modifiant le code de l'urbanisme et le code de l'environnement en vue de favoriser l'implantation des installations industrielles vertes, JO du 6 juillet 2024, texte n° 68 ; décret n° 2024-742 du 6 juillet 2024 portant diverses dispositions d'application de la loi industrie verte et de simplification en matière d’environnement, JO du 7 juillet 2024, texte n°88. 

 

 

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