Protection de l’enfance : un "électrochoc" attendu, après un rapport parlementaire largement approuvé
Associations et départements ont salué le travail de la commission d’enquête parlementaire sur la protection de l’enfance et attendent maintenant des actes forts de la part de l’État. Déclarant également être en phase avec les conclusions des députés, la ministre des Solidarités Catherine Vautrin a confirmé son "plan de refondation" de l’aide sociale à l’enfance, promettant notamment la mise en place d’une "instance de pilotage partagée" avec les départements, davantage de contrôles et une présence de l’État renforcée localement.

© @ADepartementsF/ Remise du rapport de la commission d’enquête sur sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance par Isabelle Santiago à Départements de France
Rendu public le 8 avril 2025 (voir notre article), le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les manquements des politiques de protection de l’enfance a été largement salué par les acteurs institutionnels et associatifs du secteur.
Les départements "prêts à faire mieux, à condition que l’effort soit collectif"
"La commission d’enquête éclaire sur les responsabilités collectives et principalement celles de l’État dans toutes ses composantes", a réagi ce 10 avril François Sauvadet, président de Départements de France (DF), à l’issue d’un échange avec la députée socialiste Isabelle Santiago, rapporteure de la commission d’enquête. "Départements de France et la rapporteure ont acté la création d’un comité de suivi conjoint, afin de travailler, en lien avec l’État, sur les recommandations de la commission d’enquête", indique l’association. Cette dernière avait, dès le 8 avril, publié un communiqué pour souligner deux points de satisfaction sur ce rapport. D’une part, la reconnaissance de l’"accumulation de carences" de l’État, ayant "trop souvent conduit à pointer du doigt injustement les départements". D’autre part, la "fin" du "mythe selon lequel une recentralisation de cette politique serait le remède à la crise actuelle".
Les départements "sont prêts à faire mieux, à condition que l’effort soit collectif, et que l’État s’implique et assure des financements à la hauteur de ces enjeux de société", ajoute l’association. Refusant toutefois un contrôle trop étroit des préfets sur les politiques départementales et considérant que "les lois, décrets et autres normes imposés d’en haut ne sont pas une solution", DF estime que "la société doit avant tout faire en sorte que le moins d’enfants possible se retrouvent en situation de danger". L’aide sociale à l’enfance (ASE) "doit rester le dernier recours, ne pas intervenir par défaut des autres acteurs et privilégier l’environnement de l’enfant", insiste l’association, qui souhaite que ce rapport mette "fin aux constats sensationnalistes et au bashing permanent de l’ASE, qui pèsent sur les professionnels".
Sept priorités gouvernementales dont une refondation de la gouvernance
"Nous avons une vraie convergence entre ce que vous proposez et ce que je voudrais mettre en place", a de son côté jugé la ministre des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin, le 9 avril à l’Assemblée nationale, saluant la qualité du travail parlementaire effectué. La ministre était interrogée par la députée Isabelle Santiago, appelant à "une mobilisation de tous les acteurs pour une réforme d’ampleur" et demandant des précisions de calendrier et de budget et la mise en place d’un comité de pilotage.
"Le rapport de la commission d’enquête constitue une contribution majeure à la refondation indispensable de notre politique de protection de l’enfance", a ajouté le ministère des Solidarités dans un communiqué publié le même jour. Ce dernier liste "sept priorités" devant constituer ce "plan de refondation" de l’ASE et des mesures dont certaines avaient déjà été présentées par la ministre le 6 avril dernier (voir notre article). Ces sept axes portent sur :
- la prévention et la recherche d’une alternative au placement "chaque fois que possible" ;
- la priorité donnée au "cadre familial et stable" ;
- la santé : dont la mise en œuvre du bilan de santé à l’entrée dans l’ASE et de parcours de soins coordonnés ;
- des solutions pour les "enfants en double vulnérabilité" (ASE et handicap), dans le cadre des nouvelles solutions médico-sociales du plan "50.000 nouvelles solutions" et du développement de "l’accueil familial thérapeutique" ;
- l’éducation : lien avec l’école et les entreprises ;
-l’accompagnement à l’autonomie et à l’insertion des jeunes, avec notamment l’ambition de "redéfinir les conditions d’allocations du pécule pour le rendre plus universel et automatique" ;
- la refondation de la gouvernance de la protection de l’enfance.
Le gouvernement promet notamment sur ce dernier point de "renforcer la coordination avec les départements, via une instance de pilotage partagée", de "renforcer les contrôles, ainsi que la présence de l’État au niveau local" et d’accélérer "le déploiement des comités départementaux de la protection de l’enfance dès 2026".
Les associations attendent un "électrochoc", après ce 13e rapport depuis 2022
Les associations ont été nombreuses à réagir à la publication du rapport, à l’instar de la Cnape, fédération nationale d’associations de protection de l’enfant. "Alors que ce rapport est le 13e publié sur la crise de la protection de l’enfance depuis 2022, la Cnape espère que le poids des mots utilisés, sidérants mais justes, sera enfin de nature à provoquer l’électrochoc qui fera changer la donne", a commenté le président de la Cnape, Didier Tronche, dans un communiqué.
L’Uniopss s’est également félicitée de "ce constat sévère dressé par les parlementaires" et de recommandations qui "rejoignent largement ce que porte" son réseau. "Sur tous les territoires", associations et professionnels "ne peuvent plus faire vivre une réelle protection de l’enfance", souligne l’Uniopss, appelant à "ne pas sacrifier une nécessaire attention de notre pays pour tous ses enfants, en particulier les plus fragiles, dans les futures discussions budgétaires".
"Le livre blanc du Haut conseil du travail social n’a pour le moment pas été suivi d’effet malgré l’urgence déjà soulignée lors de sa parution en décembre 2023" (voir notre article), a de son côté alerté le Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUASFP FSU). La commission d’enquête recommande de renforcer le service social scolaire, une préconisation "lucide et bienvenue" pour le syndicat qui rappelle que l’école est "un lieu essentiel tant pour la prévention que pour le repérage et l’accompagnement".
Le collectif "Cause Majeur !" s’est aussi réjoui des mesures figurant dans le rapport sur les jeunes majeurs de l’ASE, notamment la recommandation "d’accompagner les jeunes majeurs protégés jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, en sortant d’une logique de contractualisation".
"Sans volonté et portage politique, ce rapport ne sera que lettre morte", a de son côté affirmé le Comité de vigilance des enfants placés, qui demande "des réformes concrètes" et des politiques de protection de l’enfance associant systématiquement "les premiers concernés".