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Commande publique - Propriété intellectuelle et achat public : des pistes pour s'y retrouver

Rapports, bases de données, logiciels, sites internet, logos... quel usage une administration peut-elle faire de ces résultats "immatériels" issus de marchés de prestations intellectuelles ou de technologies de l'information ?

L’adjudicataire qui accomplit une prestation demandée par une administration détient naturellement les droits de propriété intellectuelle attachés à ces résultats. Le transfert de ces droits n’étant jamais automatique, la collectivité doit impérativement l’organiser en amont dans les documents du marché. Pour aider les acheteurs à choisir entre les deux options possibles, l’Agence pour le patrimoine immatériel de l’Etat (Apie), sous l'égide du ministère de l'Economie, vient de publier un cahier pratique.

Au choix : concéder les droits d’utilisation (option A) ou les droits d’exploitation (option B)

Dans l’option A, l’entreprise attributaire concède à la collectivité le droit d’utiliser les résultats de la prestation. Ce droit est une simple concession, une licence d’utilisation octroyée à la collectivité et limitée aux seuls besoins définis par l’objet du marché. Avec l’option A, la collectivité peut uniquement utiliser les résultats alors que le titulaire, restant propriétaire des droits intellectuels, peut les exploiter librement. En revanche avec l’option B, la collectivité acquiert la propriété de l’ensemble des droits patrimoniaux : droit de représentation, de reproduction et de distribution. Elle peut non seulement utiliser ces résultats mais surtout les exploiter commercialement. Le champ d’application de l’option B est plus large, il s’étend au-delà des besoins propres à la collectivité. Si l’option B est certes plus sécuritaire, elle est aussi plus coûteuse. En cas d'hésitation entre ces deux options, le guide rappelle qu’il est toujours possible pour l'acheteur public de soumettre les deux options à la mise en concurrence.

La rédaction des documents particuliers : précision et exhaustivité des clauses

En droit de la propriété intellectuelle, tout ce qui n’est pas expressément autorisé est interdit. Or, les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) ne constituant qu’un cadre général, ils doivent nécessairement être complétés par des documents particuliers afin de définir le champ d’application des droits concernés. Il convient d’être extrêmement vigilant et de toujours prendre soin de rédiger un maximum d’informations quelle que soit l’option choisie. Tout d’abord, il faut bien déterminer l’objet du marché et énumérer tous les résultats attendus. L’ensemble des supports (papier, numérique, radiophonique…) sur lesquels seront diffusés les résultats ainsi que le territoire concerné (France ou monde entier en cas de publication sur le net) doivent être listés de manière exhaustive. La durée de la protection doit être précisée : 70 ans après la mort de l’auteur pour les droits littéraires et artistiques ou pendant la validité du brevet pour les droits industriels. Evidemment, plus la durée est courte, moins le transfert est onéreux. Les formules de calcul du prix doivent être indiquées ainsi que la forme de la rémunération (proportionnelle ou forfaitaire). On peut prévoir des clauses de confidentialité ou d’exclusivité. Dans tous les cas, il existe une obligation d’information mutuelle des modifications susceptibles d’être apportées aux résultats ainsi qu’une obligation d’assistance au pouvoir adjudicateur (limitée à deux ans) dont les modalités techniques et financières doivent aussi être précisées. Enfin, le titulaire garantit à l’administration la jouissance paisible des droits ainsi cédés ou concédés et s’engage à prendre en charge tous dommages et intérêts qui résulteraient d’un éventuel conflit (contrefaçon, concurrence déloyale, parasitisme, etc.).

Références : Cahier pratique de l’Apie "Achats publics et propriété intellectuelle" ; chapitre 5 du CCAG-PI ; chapitre 7 du CCAG-TIC ; Code de la propriété intellectuelle.

Qu’appelle-t-on les "résultats" ? Les résultats désignent l’ensemble des éléments et données qui résultent de l’exécution de prestations intellectuelles (études, conception, conseil, maîtrise d’oeuvre, etc.) ou incluant des technologies de l’information et de la communication (TIC) (fourniture de matériel informatique ou de télécommunication…). Les résultats peuvent être des oeuvres, logiciels, bases de données, sites internet, noms de domaine, logos, marques, dessins, modèles, brevets, inventions...
Comment choisir entre l’option A et l’option B ? Cette décision est liée à la stratégie économique menée par la personne publique et dépend des objectifs du pouvoir adjudicateur. Si la collectivité souhaite :
- Seulement utiliser les résultats pour ses propres besoins = option A
- Exploiter de façon exclusive ces résultats au-delà de ses propres besoins (pour d’autres personnes publiques par exemple) ou si elle veut pouvoir décider par qui et comment ils seront exploités (domaines sensibles ou stratégiques) ou enfin, si elle n’arrive pas à déterminer à l’avance les bénéficiaires de ces droits d’exploitation = option B
Anticiper l’ensemble des exploitations ultérieures :
le pouvoir adjudicateur devra impérativement lister de manière exhaustive l’intégralité des exploitations qu’il entend faire des résultats. En effet, demander au titulaire - postérieurement à la signature du marché – l’autorisation d’exploiter tel ou tel résultat implique plusieurs risques : financier (versement d’une rémunération supplémentaire) et contentieux (refus du titulaire).