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Elections - Propagande électorale : le papier pourrait laisser sa place au tout numérique en 2017

Le gouvernement pourrait s'accorder avec le Parlement pour décider de la dématérialisation totale de la propagande électorale lors de la prochaine élection présidentielle. D'ici là, une expérimentation grandeur nature est déjà programmée pour les élections régionales.

L'envoi de la propagande électorale et des bulletins de vote au domicile des électeurs pourrait disparaître à l'occasion de la prochaine élection présidentielle et, peut-être, de l'élection législative qui suivra. "Très favorable" à cette réforme lorsqu'il était ministre délégué au budget dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, Bernard Cazeneuve n'a pas changé d'avis depuis qu'il est à la place Beauvau, a-t-il confié le 27 octobre aux députés de la commission des lois.
En Europe, la France est avec le Royaume-Uni le seul pays à ne pas avoir franchi le pas dans ce domaine. Les autres l'ont fait et semblent ne pas le regretter. "Beaucoup plus moderne", le dispositif "permet une diffusion plus rapide et efficace de la propagande électorale", plaide Bernard Cazeneuve. En ne cachant pas aussi les avantages de la mesure pour le budget de l'Etat. Selon un récent rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du contrôle général économique et financier (CGEFI) sur l'organisation des élections, 150 millions d'euros d'économies seront à la clé en 2017, si, comme les deux corps de l'Etat le recommandent, la réforme est mise en place pour les scrutins présidentiel et législatif.
Le ministre veut avancer "vite", en sachant bien que ce sujet sensible politiquement nécessite des mesures d'accompagnement. "Cela ne peut pas se décréter de façon brutale", a-t-il reconnu.

Les tentatives avortées de 2013 et 2014

Son prédécesseur au ministère de l'Intérieur, Manuel Valls, avait dû lui aussi l'admettre à l'automne 2013 lorsque le Parlement s'était opposé à la dématérialisation de la propagande électorale pour les élections européennes de mai 2014 (voir notre article du 18 novembre 2013). L'échec n'avait pas empêché le gouvernement de proposer un an plus tard la même mesure, pour les élections départementales et régionales de 2015. Mais, cette fois encore les parlementaires l'avaient rejetée (voir nos articles des 2 octobre et 4 novembre 2014). Ceux-ci craignaient que l'on encourage l'abstention à l'occasion de deux scrutins présentant de fortes nouveautés.
Compte tenu de ces mises en garde, le ministère de l'Intérieur a engagé une expérimentation dans cinq départements (Allier, Aude, Loire-Atlantique, Savoie et Ille-et-Vilaine) lors des élections départementales de mars dernier. Les deux millions et demi d'électeurs concernés ont pu consulter sur un site internet dédié les professions de foi des binômes de candidats et les bulletins de vote. Chacun les a aussi reçus par la Poste, comme avant. Au total, l'expérimentation s'est révélée "assez conclusive", a déclaré Bernard Cazeneuve devant la commission des lois de l'Assemblée nationale. Le ministre veut donc engager un "travail partenarial" avec celle-ci pour "tirer tous les enseignements" de ce test. Il s'agirait ensuite de "déterminer les conditions" et le calendrier selon lesquels l'expérimentation "pourrait être étendue".

Expérimentation élargie en décembre prochain

Mais le ministre a omis de préciser que la généralisation de l'expérimentation de la dématérialisation est déjà programmée pour les élections régionales, ce qu'indique pourtant un mémento à l'usage des candidats que le ministère de l'Intérieur a publié le mois dernier. A partir du 23 novembre, tous les Français pourront consulter sur un seul site internet les professions de foi des listes candidates et les bulletins de vote. Mais tous recevront aussi, quelques jours plus tard à leur domicile, ces mêmes documents électoraux.
Afin que "le contexte" de la réforme soit "le plus consensuel possible", Bernard Cazeneuve envisage d'associer, outre le Parlement, les partis politiques et les associations de maires. Avec ces dernières, le gouvernement abordera certainement la question des conditions de l'accès pour tous à la propagande électorale, puisque tous les Français ne sont pas équipés d'une connexion internet et d'un terminal.
Visiblement d'accord pour contribuer au chantier, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas a déclaré que "commencer par l'élection présidentielle ne [lui] paraîtrait pas inopportun". Le Sénat pourrait lui aussi donner son feu vert à la réforme. Auteur d'un rapport de contrôle sur le coût de l'organisation des élections qu'il a présenté le 28 octobre à la commission des finances, Hervé Marseille (UDI-UC) y est favorable, à condition qu'elle soit accompagnée d'"une campagne d'information ambitieuse" et de la possibilité de consulter la propagande électorale "dans les préfectures, les sous-préfectures et les mairies". Sa position pourrait refléter celle de ses collègues. Mais Hervé Marseille envisage un plan B. Il consisterait à ne supprimer que l'envoi des bulletins de vote, ce qui ferait plus facilement consensus, mais générerait beaucoup moins d'économies.
Si les souhaits du ministre de l'Intérieur devaient se réaliser, une tâche régulièrement confiée aux communes disparaîtrait. En effet, quand certains préfets demandent à des prestataires privés de mettre sous pli les documents de propagande électorale, d'autres préfèrent faire confiance aux communes.