Projets de territoire pour la gestion de l’eau : l’IGEDD formule des recommandations pour faciliter leur mise en oeuvre
À l’issue de l’accompagnement d’une quinzaine de projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), la mission conduite par deux inspections, dont le rapport a été rendu public ce 19 septembre, a dégagé quelques pistes pour renforcer la portée et améliorer la mise en oeuvre de ce dispositif destiné à assurer dans la durée un équilibre entre les usages de l’eau et la ressource disponible.
Le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) - devenu entretemps l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) -, missionné aux côtés du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), a dévoilé, ce 19 septembre, dans un rapport, ses recommandations pour accélérer l’aboutissement et la mise en oeuvre opérationnelle des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) au regard de lenteurs et de difficultés rencontrées dans leur déploiement. Face aux contraintes grandissantes sur l’eau et ses usages dans les territoires, ces outils de médiation apparaissent incontournables pour faire émerger des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux. Le dispositif conçu en 2013 n’est pas nouveau mais a depuis bénéficié d’un cadre rénové, dont l’instruction du 7 mai 2019 fournit les clefs de lecture, en particulier sur le volet financement. L'importance de la démarche et la nécessité de l'accompagner et d'en fluidifier le processus d'avancement ont également été réitérées à l'issue du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique. Les pistes formulées par la mission consolident d’ailleurs les conclusions du Varenne. Elles visent à "s’assurer de la solidité des bases sur lesquelles les PTGE seront construits" et à "apaiser" les débats sur le terrain englués "dans un déficit de méthode, de dialogue et d’écoute mutuelle", souligne-t-elle.
L’implication systématique des collectivités
La mission s’est appuyée sur le travail d’accompagnement effectué auprès d’une quinzaine de PTGE, illustrant une diversité de contexte locaux et d’état d’avancement. Le retour d’expérience montre en particulier "l’omniprésence du besoin d’animation" dans l’expression des objectifs et des questionnements, rôle le plus souvent endossé par les services techniques de la collectivité porteuse de la démarche. L’engagement des collectivités dans le dispositif, notamment dans son portage, est "crucial dans le succès du PTGE", insiste le rapport. Or, celles-ci apparaissent parfois "insuffisamment motrices dans le portage des PTGE, pouvant préférer laisser l’État en première ligne notamment en phase de démarrage". Pourtant les compétences dont elles disposent, notamment la compétence Gemapi, en font des acteurs essentiels dans la gouvernance de l’eau. La mission estime donc pertinent que le portage politique du PTGE engage systématiquement une collectivité ou une structure issue de collectivité (EPTB, Epage, syndicats mixtes dédiés, agglomérations, etc.) ayant capacité à apprécier globalement la gestion de l’eau dans ses différentes dimensions (environnement/économie) et ses différents usages. Lorsque le portage du PTGE s’oriente vers des groupements de communes aux attributions plus ciblées (syndicats de rivière, syndicats d’eau potable, par exemple), elle préconise la formule d’un "portage politique conjoint, associant plusieurs structures aux compétences complémentaires". Dans les territoires à fort enjeu agricole, un portage conjoint avec une chambre d’agriculture peut également être envisagé.
Définir une feuille de route
Au-delà du cas des collectivités, l’implication des différentes parties prenantes (filière agricole, associations, société civile, État…) et des différents usages "est essentielle pour ne pas exposer le PTGE à un risque de non-aboutissement". L’erreur serait d’en marginaliser certains, car dans un PTGE "tout se joue au début", martèle le rapport. "Ambiguïtés, non-dits, manque de transparence sont des écueils fréquents", relève la mission, qui recommande d’établir "très tôt" une feuille de route validée par le préfet, document de référence qui va définir le cadre de l’action collective, fixer le calendrier et le mode opératoire. La démarche ne tolère pas "l’à-peu-près", aussi des voies d’amélioration dans la mobilisation et le partage des connaissances sont proposées, à l’exemple d’un centre de ressource national dédié, permettant de capitaliser les expériences des territoires et de contribuer à la diffusion de méthodes appropriées. Et d’autres outils pourraient être mobilisés, y compris par la voie réglementaire, pour faciliter la gestion territoriale de l’eau. Ils reposent notamment sur la remontée d’informations sur les usages de l’eau, l’amélioration de la connaissance sur la ressource (notamment en période de hautes eaux) et de l’impact des prélèvements, la mobilisation de plans d’eau aujourd’hui inutilisés et l’encadrement des modalités d’évolution de la répartition entre agriculteurs avec l’ouverture de l’accès à l’irrigation pour de nouveaux exploitants.
Consolider le cadre juridique
Parmi les pistes explorées, les PTGE pourraient s’orienter vers un dispositif de labellisation, à l’instar des Papi (programmes d’actions de prévention des inondations). La validation des projets serait alors prononcée au regard d’un cahier des charges national, après recueil de l’avis des instances de bassin. Il a en effet été choisi de limiter la portée normative des PTGE, conçus au départ comme des outils flexibles. L’absence de cadre méthodologique imposé peut toutefois "précariser" la démarche, observe la mission. C’est le revers de la médaille. Elle se traduit entre autres par des délais d’élaboration excessivement longs et expose les autorisations accordées ensuite par l’autorité administrative dans la phase de mise en oeuvre à des risques contentieux. La solution pourrait passer, selon le rapport, par "un accord écrit signé par toutes les parties prenantes" scellant ce "pacte de confiance". Les futurs maîtres d’ouvrage s’y engageraient ainsi à monter les dossiers techniques et financiers pour réaliser le programme d’actions et les financeurs pressentis à attribuer des aides. Sur le volet de la faisabilité économique et financière des projets, des pistes d’améliorations sont également proposées par la mission, qui encourage à renforcer la démarche d’analyse coût-bénéfice, à systématiser l’identification de plusieurs scénarios, dont un scénario "sans projet" (pour évaluer les incidences de l’inaction), et au besoin renforcer la capacité d’ingénierie financière des territoires engagés.