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Varenne agricole de l'eau : le gouvernement veut renforcer le rôle des préfets

En clôture des travaux du "Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique", ce 1er février, Jean Castex a annoncé que deux nouvelles enveloppes du plan d'investissement France 2030, d'un montant cumulé de 200 millions d'euros, allaient être débloquées dès 2022 pour aider les agriculteurs à s'équiper et à adapter leurs pratiques pour consommer moins d'eau. Alors que de vifs conflits existent localement sur le partage de la ressource en eau, le Premier ministre a aussi invité à "sortir des postures", en soulignant que le gouvernement voulait renforcer le rôle des préfets pour faire aboutir plus vite les démarches de concertation locale que sont les "projets de territoire pour la gestion de l'eau" (PTGE).

"La gestion de l'eau est un sujet éminemment complexe que nous devons regarder en face, sans quoi c'est l'ensemble de notre agriculture et de notre pays qui se retrouveraient fragilisés", a déclaré le Premier ministre Jean Castex ce 1er février, en clôture des travaux du "Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique" qui avaient été lancés fin mai 2021 sous l'égide du ministère de l'Agriculture et du secrétariat d'État à la Biodiversité, qui dépend du ministère de la Transition écologique. 

Une ressource de plus en plus rare

Organisé à la demande d’Emmanuel Macron, ce Varenne – en référence à l'adresse du ministère de l'Agriculture - devait apporter au secteur agricole une déclinaison opérationnelle des assises de l’eau menées entre 2017 et 2019, a rappelé Matignon ce 31 janvier, alors que les tensions sur la ressource en eau sont accentuées par les dérèglements climatiques. Le dernier rapport du Giec a mis en lumière le fait que "dans les dix, vingt à trente prochaines années, le territoire européen connaîtra une hausse significative des sécheresses dont l’intensité, la fréquence et la durée vont augmenter", a ainsi relevé une source gouvernementale, soulignant que "quels que soient les efforts effectués en matière de lutte contre le changement climatique", le rythme des pluies sera perturbé, rendant la pluviométrie moins prévisible tout au long de l'année.

Tensions locales

Mais ce Varenne a été boycotté par certaines ONG et non des moindres. France Nature Environnement (FNE), qui représente près de 6.000 associations, avait ainsi décidé de ne pas y participer, y voyant une volonté de déposséder le ministère de la Transition écologique de sa compétence. L'organisation avait aussi mis en garde contre la tentation de "résoudre les problèmes des sécheresses par l'irrigation intensive et la création de nouvelles retenues", des "propositions techniques simplistes, bien que séduisantes à première vue".
De vifs conflits existent en effet localement, notamment dans le marais poitevin, autour de retenues d'eau construites par les agriculteurs, ou en passe de l'être. Qualifiées de "bassines" par leurs opposants, elles sont alimentées par les cours d'eau et les nappes phréatiques quand la ressource manque. En France, 5% des surfaces agricoles sont irriguées, soit près de 1,4 million d'hectares, et le taux monte à 14% en Provence-Alpes-Côte d'Azur.

200 millions d'euros d'aides de France 2030

En clôture du Varenne, Jean Castex a souligné la nécessité de "regarder ce sujet avec sérénité, en sortant des postures" et fait plusieurs annonces. Deux nouvelles enveloppes vont ainsi être débloquées dès 2022, dans le cadre du plan d'investissement France 2030, d'un montant cumulé de 200 millions d'euros. Elles doivent aider les agriculteurs à s'armer face au changement climatique. 100 millions d'euros serviront ainsi à financer l'acquisition d'équipements et de matériels innovants permettant d'économiser l'eau (stations météo, pilotage automatique de l'irrigation). Une deuxième ligne de financement du même montant sera allouée dans le cadre d'un appel à projets pour accélérer la transition des filières agricoles et alimentaires (développement de variétés résistantes à la sécheresse, par exemple). Une partie de l'enveloppe ira au soutien aux investissements dans les projets collectifs pour l'amélioration ou la création d'infrastructures hydrauliques.

Eaux non conventionnelles

L'État veut aussi que les eaux non conventionnelles (eaux de pluie, eaux usées traitées, eaux des nappes...) puissent être mieux valorisées. Il s'engage notamment à "améliorer la connaissance des eaux non-conventionnelles via la création d'un observatoire dédié à la réutilisation des eaux usées traitées au sein du portail national de l'assainissement communal pour capitaliser les retours d'expérience et faire connaître ces techniques auprès des collectivités territoriales", souligne Matignon. Des projets innovants (réutilisation d'eaux usées, par exemple) pourront aussi être financés via l'appel à projets "Démonstrateurs territoriaux" du plan France 2030.

Mobilisation des retenues existantes

Il est aussi prévu de mobiliser les retenues existantes, tels que les réservoirs hydroélectriques ou d'autres ouvrages gérés par Voies navigables de France (VNF) pour assurer le soutien d'étiage. Deux missions vont être lancées cette année sur le bassin Loire-Bretagne puis sur le bassin Rhône-Méditerranée pour "optimiser les usages dans la gestion des retenues hydroélectriques et lancer les études opérationnelles, techniques, économiques et juridiques permettant d'avancer dans l'analyse de faisabilité et la mise en œuvre des recommandations faites en 2021 par la mission conduite dans le bassin Adour Garonne." D'ici fin 2022, un "inventaire exhaustif" des retenues d'eau supérieures à 0,1 hectare et un suivi des volumes stockés doit être réalisé par satellite, en lien avec le Centre national d'études spatiales (Cnes). Un appel à manifestation d'intérêt est aussi annoncé pour la mi-2022 afin de sélectionner une dizaine de territoires pilotes "pour explorer les voies de remobilisation des volumes stockés non réutilisés", selon le gouvernement.

Rôle des préfets accru dans le cadre des projets de territoire pour la gestion de l'eau

Sur la question sensible du partage de la ressource, le gouvernement veut renforcer par voie réglementaire le rôle des préfets de département pour faire aboutir plus vite les démarches de concertation locale que sont les "projets de territoire pour la gestion de l'eau" (PTGE). "Une concertation ça ne peut pas durer 10 ans ou 15 ans. (...) Il faut enfin avoir le courage d'avancer et de décider même quand c'est compliqué", a dit le Premier ministre. Une instruction "complémentaire à celle du 7 mai 2019 " sur les PTGE intégrera les "pistes d'amélioration identifiées par les travaux du Varenne". Une décision saluée par syndicat agricole majoritaire FNSEA et son allié Jeunes agriculteurs. Dans un communiqué, les deux organisations "accueillent (...) avec satisfaction le renforcement du rôle des préfets comme recours final en cas d'impasse dans les concertations locales, limitant ainsi les interminables situations de blocage".

Prélèvements hivernaux

Le Premier ministre souhaite également renforcer le rôle des préfets coordonnateurs de bassin dans la détermination du volume prélevable hors période d'étiage, par un complément au décret de juin 2021. Il s'agit ainsi de faciliter les prélèvements d'eau par les agriculteurs l'hiver. "Une fois que ces besoins (de recharge des nappes phréatiques) seront satisfaits, il serait dommage de ne pas capter l'eau excédentaire pour la stocker au moins jusqu'à l'été suivant", a-t-il affirmé. Il est aussi prévu d'accompagner "dès 2022" une "dizaine d'évaluations en sites pilotes" pour déterminer les volumes hivernaux prélevables en période de hautes eaux. 
 

 

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