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Réforme territoriale - Projet de loi Notr : le Sénat mise malgré tout sur un compromis en CMP

"Nous espérons que nous pourrons nous rapprocher suffisamment de l'Assemblée nationale pour qu'un texte consensuel soit adopté en commission mixte paritaire." "Parviendrons-nous à un compromis ? Oui je le pense." Que ce soit par la voix de Philippe Bas, le président de la commission des lois du Sénat, ou par celle de Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur, la tonalité est donnée : la discussion en deuxième lecture au Sénat du projet de loi "Nouvelle Organisation territoriale de la République" (Notr), qui doit débuter en séance le 26 mai après être passé entre les mains de la commission des lois, vise certes à réaffirmer les fondamentaux qui ont jusqu'ici dicté les choix des sénateurs… mais aussi à donner certains signes d'ouverture en direction des députés. Ou au moins à se montrer "constructifs".
Une bonne part des 248 amendements adoptés par la commission des lois - dont 149 signés des rapporteurs, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck - tend pourtant à revenir peu ou prou à la version du projet de loi telle que votée par le Sénat en première lecture en janvier dernier (pour un récapitulatif des principaux points amendés en commission, voir ci-contre notre article du 19 mai).
Evoquant le 19 mai, lors d'une rencontre avec la presse, cet examen en commission, Philippe Bas a tenu à rappeler que l'Assemblée nationale avait déjà "accepté une partie importante" des propositions sénatoriales, notamment en maintenant la compétence "routes" dans le giron des départements et ce, contre l'avis du département. Il a aussi résumé ce qui constitue selon lui l'ossature de la deuxième lecture au Sénat : davantage de décentralisation en faveur des régions, notamment sur l'emploi ; le maintien pour les départements, non seulement des collèges et des routes, mais aussi de la "politique de cohésion territoriale", ainsi que des ports, des transports scolaires et des transports à la demande en milieu rural ; la préservation de l'échelon communal en refusant le suffrage universel direct des délégués communautaires et en évitant que les intercommunalités ne soient "bousculées" par un nouveau seuil démographique nécessitant de nouvelles fusions.
Pour Jean-Jacques Hyest, l'examen en commission des lois a surtout consisté à revenir sur "des points abordés de façon trop rigide par l'Assemblée nationale", par exemple concernant le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation : tel que dessiné par l'Assemblée, "la prescriptibilité de ce schéma est trop forte" et il est nécessaire de prévoir "une meilleure participation des autres niveaux de collectivités à son élaboration". Ce qui, a-t-il précisé, ne revient en aucun cas à plaider le statu quo : "Si cette réforme a un sens, c'est vraiment en matière de clarification sur le terrain de l'économie. Les départements doivent accepter de ne plus avoir cette compétence, par exemple s'agissant des aides aux entreprises. Certes, ensuite, cette compétence régionale peut être déléguée." Le rapporteur a en outre insisté sur l'importance de la compétence régionale en matière de carte universitaire et d'"accompagnement vers l'emploi".

"Si on nous ramène le HCT, on claque la porte"

En marge de cela, visiblement, il existe des points sur lesquels "on va pouvoir discuter" entre Sénat et Assemblée. Les transports scolaires, par exemple, ne constitueraient pas un sujet bloquant.
Et la question du seuil pour l'intercommunalité ? Sujet bloquant ou pas ? On pourrait le penser, sachant que la commission des lois du Sénat a tenu à rétablir le seuil initial de 5.000 habitants et donc à refuser le seuil de 20.000 habitants voulu par le gouvernement malgré la série de dérogations introduites par l'Assemblée. "Ah, les députés ont trouvé un truc très simple ! Combiner cinq critères de dérogation ! Dont la densité moyenne du département qui, pour beaucoup de territoires, ne veut rien dire", critique Jean-Jacques Hyest. Celui-ci a toutefois indiqué que le groupe PS du Sénat (dont fait partie René Vandierendonck) a présenté une proposition qui, si elle n'a pas été retenue en commission, sera de nouveau présentée en séance : porter le seuil à 15.000 habitants, assorti des dérogations votées à l'Assemblée. Cette formule aboutirait à 700 fusions, tandis que celle de l'Assemblée (20.000 habitants et dérogations) déboucherait sur 1.000 fusions. Jean-Jacques Hyest pense que l'amendement PS ne sera pas adopté en séance. On peut en revanche supposer que celui-ci fera partie du panier des compromis mis sur la table en CMP…
Le rapporteur considère en outre qu'un compromis en CMP sera possible concernant la date de mise en œuvre de la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale (que la commission des lois souhaite reporter d'un an), dans la mesure où "tout le monde se rend compte" qu'il y a un problème de calendrier.
En revanche, sans surprise, les sénateurs ne bougeront pas d'un millimètre sur deux sujets : le Haut Conseil des territoires (dont la création avait été introduite par l'Assemblée et que le Sénat vient de supprimer en commission) et le suffrage universel intercommunal (même topo). "Il n'en est pas question. Si on nous ramène le HCT en CMP, c'est simple, on claque la porte", prévient Jean-Jacques Hyest. Ces deux "chiffons rouges" sont "insupportables", insiste-t-il.
Imaginons que les députés aient introduit ces deux dispositions, tout au moins le suffrage universel, simplement pour disposer d'une monnaie d'échange en vue de la CMP. Dans cette hypothèse (que certains observateurs n'excluent pas - voir par exemple notre article du 21 avril), la manœuvre serait plutôt bien engagée…
Selon les rapporteurs, si la CMP débouche sur un accord, le texte pourra bien être adopté à l'été, sachant qu'une session extraordinaire est programmée (cette seconde lecture au Sénat doit en principe s'achever le 2 juin, la seconde lecture à l'Assemblée serait ensuite pour juillet). En revanche, si pas d'accord en CMP, le pronostic est plus incertain : "On aura alors une troisième lecture avec le dernier mot à l'Assemblée…" Et en termes de calendrier de mise en œuvre ? "Une mise en œuvre au 1er janvier, non à mon avis c'est impossible", prévoit Jean-Jacques Hyest.

 

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