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Réforme territoriale - Le Sénat confirme qu'il ne veut pas de régions toutes puissantes

En matière de développement économique et plus encore en ce qui concerne le tourisme, le Sénat s'est employé, lors de l'examen de la réforme des compétences des collectivités (projet de loi Notr), à défendre les prérogatives des communes, EPCI et départements face à des régions qui pourraient leur faire de l'ombre. Cela ne l'a pourtant pas empêché de renforcer le rôle de l'échelon régional en matière d'emploi.

Poursuivant les 15 et 16 janvier la discussion sur le projet de loi de nouvelle organisation territoriale de la République (Notr), les sénateurs ont confirmé leur méfiance à l'égard de la montée en puissance des régions voulue par le gouvernement.
Dans la soirée du 15 janvier, ils ont accepté le renforcement du rôle de la région en matière économique, notamment par la définition des orientations relevant de ce domaine. Mais, au terme d'un long débat, ils ont précisé que les régions jouent ce rôle "sans préjudice" des interventions économiques des communes et de leurs groupements, de la métropole de Lyon et des départements. "Si nous attribuons la compétence économique à la région, celle-ci n'est pas seule décisionnaire", a expliqué l'un des deux rapporteurs, Jean-Jacques Hyest, dont l'amendement vise à rassurer les élus du bloc communal et des départements.
Opposée à l'amendement, la ministre en charge de la décentralisation a réaffirmé à cette occasion la position du gouvernement s'agissant du rôle des départements en matière économique. Dans le projet de loi déposé par le gouvernement, le département "se voit supprimer la quasi-totalité de ses compétences en matière de développement économique". Il pourrait toutefois encore intervenir en cas de délégation accordée par la région. Pour reprendre des exemples cités par la ministre, il pourrait soutenir un petit commerce en milieu rural, aider une entreprise dans son agrandissement immobilier, ou rechercher un terrain.

Les EPCI mieux associés à la définition des orientations économiques

"On affirme la prééminence du rôle économique de la région, mais en même temps on l'infirme totalement", a dénoncé le socialiste François Patriat. Pour le président du conseil régional de Bourgogne, "l'économie marchera bien si la région peut, non pas agir seule, mais décider seule !" Autre opposant à l'amendement, l'écologiste Ronan Dantec s'est élevé contre un compromis qui "réduit la responsabilité de la région et jouera, à terme, au détriment des territoires les plus faibles".
Signe que les sénateurs étaient décidés à limiter la prééminence des régions en matière économique, ils ont accordé aux départements de montagne la faculté de continuer à accorder des garanties d'emprunt "aux sociétés contribuant à l'aménagement touristique de la montagne".
La Haute Assemblée a par ailleurs prévu une plus grande association des collectivités infrarégionales à l'élaboration du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII). Selon le texte qu'ils ont élaboré, si les trois cinquièmes des EPCI à fiscalité propre de la région émettent un avis défavorable sur le projet de schéma, le conseil régional se voit contraint de revoir sa copie.
Pour élaborer le schéma, les régions auront un délai de dix-huit mois après les élections prévues en décembre 2015, alors que le gouvernement prévoyait un an. Pour sa mise en œuvre, le schéma donnera lieu à des conventions territoriales d'exercice concerté des compétences. Ces outils contractuels permettront notamment d'articuler les compétences des intercommunalités avec les orientations des schémas régionaux.

Tourisme : non à la "tutelle" des régions

Examinant le 16 janvier, les dispositions accordant aux régions un rôle de chef de file de l'action en matière de tourisme de l'ensemble des collectivités territoriales, le Sénat les a rejetées. Se déclarant "sensible au ressenti" de la majorité sénatoriale sur "la crainte que la région soit une sorte de tutelle sur les autres collectivités", Marylise Lebranchu a renoncé à l'idée d'un schéma régional de développement touristique. Mais elle a maintenu sa demande que la région soit désignée chef de file. "Je n'ai pas trouvé mieux pour éviter qu'il n'y ait pas de coordination" entre les acteurs publics, a-t-elle dit. Une proposition qu'ont refusée malgré tout l'ensemble de la droite sénatoriale et le groupe RDSE (radical). Résultat : le Sénat a supprimé le chef de filat des régions en matière de tourisme et a rendu facultative l'élaboration d'un schéma régional. Un tel schéma ne pourra voir le jour que s'il est élaboré "conjointement" par l'ensemble des collectivités d'une même région.
Exception à la volonté des sénateurs de ne pas trop muscler les régions, ils ont confié à celles-ci, le 15 janvier, un rôle de coordination en matière d'emploi. Cette "première étape vers une régionalisation du service public de l'emploi" vise à "assurer une meilleure territorialisation des politiques d'emploi", ont expliqué les rapporteurs, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck.
Pour Marylise Lebranchu, qui a appelé à voter contre cette disposition, cette évolution risque, "en pleine période de crise" de "déstabiliser les services et les opérateurs". La ministre s'est montrée toutefois favorable à ce que la région joue un rôle plus grand en matière d'emploi, notamment par un renforcement de sa place au sein du conseil d'administration de Pôle emploi.
La discussion au Sénat sur le projet de loi est prévue jusqu'au 23 janvier, le vote devant intervenir le 27 janvier.