Emploi - Manuel Valls : "L'emploi doit rester de la prérogative de l'Etat"
En marge d'un déplacement à Dijon, ce lundi 15 décembre, où il a signé le deuxième protocole d'accord de contrat de plan avec la région Bourgogne (après celui signé à Nantes début décembre), Manuel Valls a plaidé pour un maintien de la politique de l'emploi au niveau de l'Etat. "L'emploi doit rester de la prérogative de l'Etat, nous en parlons souvent avec le ministre du Travail", a déclaré le Premier ministre, en présence de François Rebsamen, l'ancien maire de Dijon, un jour avant la discussion générale du projet de loi portant organisation territoriale de la République (Notr) au Sénat. C'est en effet l'un des grands sujets de discussion de ce texte qui transfère de nouvelles compétences aux régions. Le projet de loi tel que voté par la commission des lois le 10 décembre conforte le rôle des régions, notamment en matière de coordination des acteurs de l'emploi. Or les déclarations de Manuel Valls peuvent sonner comme un revirement, tout d'abord par rapport à ce qu'il avait lui-même déclaré le 28 octobre au Sénat sur la possibilité d'un droit d'expérimentation donné aux régions en matière d'accompagnement des demandeurs d'emploi, et par rapport aux récentes déclarations de deux de ses ministres : Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, qui avait repris cette idée de droit à l'expérimentation le 4 décembre devant la commission des lois du Sénat, et d'André Vallini, le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale. "Je pense depuis longtemps qu'il y aurait une vraie cohérence à donner aux régions tout ce qui concerne l'emploi : le développement économique certes, mais aussi l'apprentissage, la formation professionnelle […] ainsi que l'accompagnement vers l'emploi", déclarait ainsi André Vallini dans une interview à l'AEF du 12 décembre. On y entend le credo porté par les régions depuis de nombreux mois, voire années. Le président de l'Association des régions de France (ARF), Alain Rousset, ne disait pas autre chose, toujours devant la commission des lois, le 12 novembre : "La corrélation est évidente entre les compétences de développement économique, de formation et l'accompagnement des chômeurs. Il faut réformer le système en plaçant à sa tête un patron légitime, la région."
Le patron de l'ARF est à nouveau monté au créneau, le 12 décembre, dans une tribune publiée dans les Echos et cosignée par trois autres personnalités (Hervé Chapron, ancien directeur général adjoint de Pôle emploi, Jean-Claude Mallet, ancien secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO) en charge de la protection sociale, Thierry Schifano, président de la Fédération nationale des transports sanitaires).
Intitulé "Emploi : et si on essayait enfin les régions ?", le texte dénonce un système d'accompagnement "à bout de souffle", l'"émiettement entre Pôle emploi et les centaines d'organismes présents dans nos territoires", la "déperdition d'énergie" et l'"explosion des coûts". Les signataires appellent à aller plus loin que le rôle de coordination confié aux régions par le projet de loi Notr et demandent des "transferts de moyens financiers et humains". "Les régions ne se satisferont d'un rôle de copilote de l'accompagnement vers l'emploi", avertissent encore ces avocats de la régionalisation.
Manuel Valls avait préparé le terrain dès ce samedi, lors d'un déplacement à Evry. Il avait appelé à "veiller à ne pas déstabiliser un système qu'il faut d'abord faire mieux fonctionner au plus près du terrain". Selon lui, il n'y a "pas besoin de transfert de compétence". Mais ce que l'on pourrait interpréter comme une volonté de renforcer l'Etat dans la politique de l'emploi n'en est pas vraiment une. Le gouvernement s'apprête en effet à faire voter, en procédure accélérée, la libéralisation du marché du placement des demandeurs d'emploi : les députés se pencher le 18 décembre sur un projet de loi de ratification de la convention 181 de l'Organisation internationale du travail (OIT) relative aux agences d'emploi privées. Cette convention, adoptée en 1997, autorise la création de telles agences et favorise la libéralisation de leurs activités, le tout dans un cadre juridique et des conditions d'exercice précis. La France s'est déjà engagée dans cette voie, dans le cadre de la loi du 18 janvier 2005 de programmation de la cohésion sociale, en ouvrant le marché du placement à des organismes de placement privés. Il s'agirait maintenant d'aller plus loin en donnant la possibilité à d'autres organismes, outre les services de placement, comme les entreprises de travail temporaire et les services d'aides à la recherche d'emploi ou au recrutement, de mener des activités dans ce domaine.