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Urbanisme / Habitat - Projet de loi Alur : la commission mixte paritaire trouve un compromis sur le PLUi

La commission mixte paritaire (CMP) chargée d'effectuer les derniers arbitrages sur le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), est parvenue à un accord le 11 février. Sur la question du transfert du PLU à l'intercommunalité, principal point de divergence entre députés et sénateurs, les membres de la CMP ont relevé la minorité de blocage introduite par le Sénat à "25% des communes représentant au moins 20% de la population". Ils ont aussi validé l'article sur les sols pollués, ainsi que la possibilité pour les organismes HLM de faire de la "Vefa inversée".

Une minorité de blocage pouvant s'opposer au transfert automatique du PLU à l'intercommunalité, fixée à "25% des communes représentant au moins 20% de la population" : c'est le compromis finalement trouvé le 11 février par les sept députés et les sept sénateurs membres de la commission mixte paritaire (CMP) réunie sur le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). L'accord a été entériné par huit voix (celles des parlementaires de gauche).
La question du PLUi était le principal point de désaccord entre les deux chambres. En première lecture, les sénateurs avaient en effet introduit la possibilité pour une minorité de blocage de s'opposer au transfert du PLU à l'intercommunalité, minorité dont le seuil était fixé à "un quart des communes représentant au moins 10% de la population". En commission en deuxième lecture, les députés étaient revenus sur ces dispositions, votant le principe d'une "majorité qualifiée" pouvant s'opposer au transfert, avant de "faire un pas en direction du Sénat" en séance publique, en introduisant à leur tour une minorité de blocage, mais plus élevée que celle du Sénat (45% des communes / 45% de la population). Ce qui n'avait pas convaincu le Sénat qui avait rétabli ses propres dispositions en deuxième lecture.
L'Association des maires de France (AMF) "regrette", dans un communiqué publié le 12 février, le transfert aux intercommunalités du plan local d'urbanisme (PLU). Tout en notant que le compromis trouvé en CMP "constitue une réelle amélioration par rapport au projet initial", qui laissait très peu de marge de manoeuvre aux communes, l'association fait valoir "deux importantes réserves". Tout d'abord, "cette décision fait prévaloir une conception de l'intercommunalité que ne partage pas l'AMF, en favorisant une minorité de blocage plutôt qu'une majorité de projet". Ensuite, "cette compétence obligatoire des communautés d'agglomération et des communautés de communes sera désormais inscrite dans le Code général des collectivités territoriales. Dès lors, un simple amendement, voire une ordonnance, suffira pour modifier la minorité de blocage, faisant ainsi sauter le 'verrou' instauré aujourd'hui par la CMP".
De son côté, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) "salue", dans un communiqué publié ce 13 février, l'accord trouvé en CMP. Selon elle, "cet accord marque la victoire de la liberté et de la responsabilité communale". "Si les maires ruraux se sont très fortement mobilisés (…) sur la question du PLUi obligatoire, ajoute-t-elle, c'est parce qu'ils considèrent ce sujet comme emblématique d'une politique systématique de concentration des pouvoirs et des moyens vers la strate urbaine de niveau supérieur, ce qui est contraire à un développement équilibré du territoire."

Du nouveau pour les friches industrielles

Hormis le compromis trouvé sur le PLUi, la CMP a également adopté l'article 84 bis sur les sols pollués, qui vise à clarifier le droit pour recycler plus facilement les friches industrielles. Introduit par le Sénat en première lecture, il avait été supprimé par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, puis réintroduit par le Sénat. Il demande à l'Etat d'élaborer des "secteurs d'information sur les sols" qui "comprennent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie, notamment en cas de changement d'usage, la réalisation d'études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l'environnement". Ces secteurs seront arrêtés par le préfet. En CMP, le terme de secteurs d'information a été préféré à celui de "zones de vigilance" qui figurait dans la dernière version du texte. Par ailleurs, lorsqu'un terrain situé dans un de ces secteurs fera l'objet d'un contrat de vente ou de location, le vendeur ou le bailleur du terrain sera tenu d'en informer par écrit l'acquéreur ou le locataire. "A défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l'acquéreur ou le locataire a le choix de demander la résolution du contrat ou, selon le cas, de se faire restituer une partie du prix de vente ou d'obtenir une réduction du loyer. L'acquéreur peut aussi demander la réhabilitation du terrain aux frais du vendeur lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente."
La mesure la plus forte consiste à autoriser, lors de la mise à l'arrêt définitif d'une installation classée, un "tiers intéressé" à demander au préfet de département de "se substituer à l'exploitant" pour "réaliser les travaux de réhabilitation en fonction de l'usage que ce tiers envisage pour le terrain concerné". Le tiers intéressé devra, lorsque les usages envisagés seront d'une autre nature que ceux déjà définis, recueillir l'accord du dernier exploitant, du maire (ou du président de l'EPCI compétent en matière d'urbanisme) et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, du propriétaire du terrain. Il devra également adresser au préfet de département "un mémoire de réhabilitation définissant les mesures permettant d'assurer la compatibilité entre l'usage futur envisagé et l'état des sols". Le préfet se prononcera alors sur l'usage proposé et pourra "prescrire au tiers demandeur les mesures de réhabilitation nécessaires pour l'usage envisagé", sachant que ce tiers devra "disposer de capacités techniques suffisantes et de garanties financières couvrant la réalisation des travaux de réhabilitation (...) pour assurer la compatibilité entre l'état des sols et l'usage défini". L'article précise encore qu'en cas de défaillance du tiers demandeur et de l'impossibilité de mettre en oeuvre les garanties financières, ce sera au dernier exploitant de mettre en oeuvre les mesures de réhabilitation pour l'usage défini.
Si cet article 84 bis a reçu l'aval de la CMP, la possibilité de recourir au COS, qui avait été rétablie à l'article 73 par les sénateurs en deuxième lecture, contre l'avis de la commission et du gouvernement, n'a en revanche pas été reprise et ne figure pas dans le texte final. A l'inverse, les dispositions relatives à l'urbanisme commercial, telles qu'adoptées par l'Assemblée en deuxième lecture, sont conservées.
Le texte doit maintenant être définitivement validé par l'Assemblée et le Sénat. La lecture des conclusions de la CMP devant les députés est prévue lundi 17 février, avant un vote solennel le mercredi 19, tandis que les sénateurs se prononceront jeudi 20.

Anne Lenormand,
avec AEF Habitat et urbanisme et AEF Développement durable

  

Quelques dispositions arbitrées en CMP sur le volet Logement d'Alur

La commission mixte paritaire réunie le 11 février sur le projet de loi Alur a validé les mesures relatives à la possibilité pour les organismes HLM de faire de la "Vefa inversée" (version Sénat) ainsi que le rattachement obligatoire des offices publics de l'habitat (OPH) communaux aux EPCI (version Assemblée).
Concernant la garantie universelle des loyers, la manière dont la "bonne foi" du locataire sera prise en compte dans le cadre de la GUL a été précisée. En matière de lutte contre l'habitat indigne, la CMP a ajusté les dispositions votées au Sénat en deuxième lecture en matière de transfert des pouvoirs de police spéciale de l'habitat : il s'agit notamment de prévoir que "le président du conseil de territoire peut exercer à la place du président de la métropole" ces pouvoirs, explique le rapporteur à l'Assemblée, Daniel Goldberg, soulignant vouloir éviter que cette compétence revienne au seul président de la métropole du Grand Paris.
Sur la métropole du Grand Paris justement, la CMP a décidé que la mission de préfiguration devra s'intéresser à la police spéciale de l'habitat. "La loi Mapam a prévu les transferts de compétences, mais pas les transferts de police", relève le député, précisant que la mission devra étudier de quelle manière la "situation disparate" qui existe en la matière (entre Paris intra-muros et la petite couronne notamment) doit être prise en compte lors de la création de la métropole.
A noter que la Chambre syndicale des courtiers d'assurances a annoncé le 12 février qu'elle avait saisi l'Autorité de la concurrence sur la GUL, faisant valoir des atteintes à la libre concurrence et des risques de conflit d'intérêt. Un avis qui pourrait être rendu "sous un délai de six à huit semaines", selon la chambre syndicale.

V.L. avec AEF Habitat et Urbanisme