Projet de loi 4D : en commission, le Sénat corrige le texte et appelle à l'"audace"
Le Sénat s'est employé en commission, les 29 et 30 juin, à renforcer l'ambition du projet de loi 4D, parfois aussi dénommé 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique locale), dont il est saisi en première lecture. Il défend ainsi des transferts de compétences en direction des départements (médecine scolaire) et des régions (emploi). Par ailleurs, la Haute Assemblée prône un fonctionnement intercommunal plus souple, avec des compétences "à la carte".
La Haute Assemblée s'est attachée à "donner du souffle" à un texte d'une "extrême timidité" et ressemblant "par moments" à un "inventaire à la Prévert", a souligné la rapporteure de la commission des lois, Françoise Gatel (UC), lors d'une conférence de presse ce 1er juillet. Pour cela, les sénateurs se sont inspirés d'une partie des 50 propositions "pour le plein exercice des libertés locales" qu'ils avaient présentées il y a un an. Une feuille de route qui avait débouché sur le dépôt de trois propositions de loi. Le Sénat en a adoptées deux en première lecture le 20 octobre dernier. L'autre rapporteur de la commission des lois, Mathieu Darnaud, n'a pas manqué de mettre en avant "la cohérence" et la constance des propositions sénatoriales.
Plus de souplesse dans le fonctionnement de l'intercommunalité
"Sur la différenciation, nous allons assez fort", a estimé Françoise Gatel. La commission des lois a "accru la portée des dispositions du texte" sur ce sujet. Elle a par exemple ouvert plus largement les possibilités de délégation de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements. Ainsi, les intercommunalités sont autorisées à déléguer leurs compétences à un département ou à une région. Les assouplissements apportés par les sénateurs visent aussi à permettre la délégation par la région à des départements de l'octroi et du financement des aides aux entreprises. Il s'agit en particulier de permettre aux départements d'apporter un soutien de proximité à des commerces.
La commission des lois a aussi souhaité que les élus locaux disposent de plus de souplesse dans la répartition des compétences entre les intercommunalités et les communes. Cela l'a amené à ouvrir la porte à "des transferts différenciés de compétences sur le territoire intercommunal". Des "transferts à la carte" pouvant être actionnés dans deux sens (de l'intercommunalité vers les communes et vice-versa). La commission a aussi rétabli le critère de l’intérêt communautaire ou métropolitain pour la détermination des compétences transférées aux intercommunalités à fiscalité propre dans divers domaines (zones d’activité, voirie, environnement, politique du logement). Ces compétences ne seraient pas automatiquement confiées en bloc aux intercommunalités, mais pourraient faire l'objet d'un partage précis entre celles-ci et leurs communes membres. La rapporteure s'est défendue de vouloir "remettre en cause les compétences et les périmètres de l'intercommunalité". "C’est juste de la souplesse que l'on met, pour que ça se passe mieux", a-t-elle dit. Mais certains des amendements avaient déjà été présentés en 2019, à l'occasion de la discussion sur le projet de loi Engagement et proximité. Ils n'avaient pas été retenus par l'Assemblée nationale.
Transfert des services de médecine scolaire
En matière de décentralisation, "l'excès de timidité" dont a fait preuve le gouvernement est "assez remarquable", a jugé l'ancienne maire de Châteaugiron. Elle a estimé que l'expérimentation d’un pouvoir d’instruction du président du conseil départemental et du président du conseil régional à l'égard des gestionnaires des collèges et des lycées n'est pas à la hauteur des attentes des élus. Avec ses collègues, elle réclame le transfert pur et simple de ces personnels au département et à la région. De même, alors que le gouvernement s'y est refusé, le Sénat estime nécessaire le transfert des services de médecine scolaire aux départements. Mais la balle est dans le camp de l'exécutif : de tels transferts demeurent impossibles s'il ne donne pas son accord (il doit "lever le gage").
Le Sénat a aussi tiré un trait sur l'expérimentation de la recentralisation du RSA. Il défend une autre option : la meilleure compensation par l'État des dépenses engagées par les départements dans le cadre de cette compétence. En parallèle, la chambre des collectivités territoriales a renforcé les moyens de contrôle à la disposition des départements sur l'attribution du RSA. Elle a aussi assoupli les marges de manœuvre dont ceux-ci disposent dans le cadre du versement des prestations.
Les sénateurs ont par ailleurs musclé les régions : elles se voient confier la conduite de la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle, ainsi que les actions de coordination des acteurs du service public de l’emploi. En outre, le rôle des régions est accru en matière de pilotage de la politique d'enseignement supérieur et de recherche.
Tirer les enseignements de la crise sanitaire
Sur le transfert aux départements et aux métropoles des routes nationales ou des autoroutes non concédées, les sénateurs ont voté des garanties pour que les collectivités obtiennent les informations leur permettant de prendre des décisions "en toute connaissance de cause". En effet, lors de son audition par le Sénat sur le projet de loi 4D, le ministre délégué en charge des Transports aurait affirmé que la liste des routes transférées ne serait dévoilée qu'après le vote de la loi et la publication des textes réglementaires.
Avec le projet de loi, le Sénat souhaite aussi que certains enseignements de la crise sanitaire puissent être tirés. La réforme de la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) telle que prévue par le gouvernement, leur paraît à cet égard bien trop timorée. A la place de l'attribution de deux vice-présidences à des élus locaux, ils envisagent notamment une co-présidence des ARS par le président de région et le préfet de région.
La discussion du projet de loi dans l'hémicycle du Sénat débutera mercredi 7 juillet.