Programmation pluriannuelle de l’énergie : la dernière phase de consultation publique enclenchée
Alors que la version finalisée du Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC3) a été dévoilée ce 10 mars, le troisième opus de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE 3) devrait suivre début avril. La consultation finale du public ouverte ce 7 mars, pendant un mois, représente l’ultime étape pour fixer le cap en matière de production et de consommation d'énergie pour la période 2025-2035. Les derniers arbitrages confirment une trajectoire à la baisse sur le photovoltaïque et l'ajustement de la fourchette d’obligations pour les certificats d’économies d’énergie.

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C’est la dernière ligne droite. La troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE 3) est soumise à consultation publique, jusqu'au 5 avril prochain, avant son adoption par décret prévue dans la foulée. Il s’agit de recueillir "d’ultimes remarques", après les différentes phases de participation du public qui se sont succédé depuis fin 2022 pour doter la France de sa nouvelle feuille de route énergétique pour la période 2025-2035. La PPE est une étape clé pour mettre en œuvre la trajectoire définie par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) à horizon 2050. Ces deux piliers de la stratégie française énergie-climat (SFEC) s’ajouteront au troisième grand texte fondateur, le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) dévoilé, ce 10 mars, par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher (lire notre article dans l'édition de ce jour).
La concertation nationale organisée, sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP) fin 2024 (lire notre article) - qui a mobilisé 50.000 participants et a permis de recueillir plus de 7.500 propositions - a déjà conduit à apporter plusieurs modifications au projet de PPE, en ajoutant entre autres un chapitre sur le suivi de la consommation électrique et un chapitre sur les coûts du système électrique dans son ensemble, souligne le ministère de l’Industrie et de l’Energie rattaché à Bercy.
Plusieurs instances ont par ailleurs été consultées, parmi lesquelles le Conseil national de la transition écologique (CNTE), le Haut-Commissaire à l'énergie atomique (HCEA) et le Conseil supérieur de l'énergie (CSE). Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a également égrené dans son avis sur auto-saisine (lire notre article) ses propositions pour favoriser les mobilités propres, garantir les investissements ou renforcer la gouvernance de cette feuille de route. L’Autorité environnementale (AE) a notamment déploré de son côté que la PPE3 ne présente pas directement les objectifs régionalisés de production d’énergie à partir de ressources renouvelables. Après la publication de cette PPE au niveau national, doit précisément suivre l’étape de "régionalisation des objectifs" en lien avec les comités régionaux de l'énergie, avec lesquels le ministère "a déjà commencé à travailler sur des méthodologies", assure-t-il.
Une ombre au tableau
Une note jointe à la consultation résume les principales modifications apportées au projet de PPE par rapport à la version de novembre 2024. Sur la forme, le cabinet du ministre de l'Industrie et de l’Énergie relève l’ajout d’une synthèse stratégique pour rappeler les grands objectifs de la PPE. Quant aux objectifs, cette nouvelle version acte principalement la révision (à la baisse) des trajectoires pour le photovoltaïque, avec 54 GW installés en 2030 (contre une fourchette de 54 à 60 GW dans la version de novembre 2024) et 65 à 90 GW installés en 2035 (contre 75 à 100 GW).
Ce rythme de développement du solaire sera ajusté "si besoin" pour la seconde période d’ici 2030 "en fonction de la demande en électricité", est-il précisé. Le CSE vient d’ailleurs d’apporter dans un avis du 6 mars tout aussi crucial plusieurs modifications substantielles au projet de révision de l’arrêté tarifaire dit "S21", appelant au maintien d’un tarif fixe de 95 euros/MWh jusqu’à ce qu’un nouveau dispositif de soutien alternatif soit effectivement mis en place (celui-ci doit prendre la forme d’un appel d’offres simplifié qui se substituera à l’arrêté tarifaire pour les installations entre 100 et 500 kWc de puissance).
On notera que la trajectoire de production d’électricité photovoltaïque en TWh reste "stable" (voire augmente), en dépit de la baisse des capacités installées. La segmentation des volumes par types de projets est également "ajustée" : en relevant la part des grandes installations à 54% (38% pour les grandes installations au sol et 16% sur grandes toitures), et en fixant la part à 5% pour les petites installations au sol et 41% pour les petites et moyennes toitures. La part exacte de l’agrivoltaïsme dans cet objectif "reste à affiner", indique le document, qui prévoit de soutenir ces projets "par l'intermédiaire des AO [appels d’offres] PV sol et PV sur bâtiment, ou par un appel d'offres dédié". Il est en outre mentionné "un appel d’offres neutre technologiquement par an, c’est-à-dire ouvert à des projets photovoltaïques, hydroélectriques et éoliens terrestres, à hauteur d’environ 500 MW par période".
La PPE révisée retient également la fourchette basse pour l’objectif dédié à l’éolien terrestre avec 33 GW (40-45 GW en 2035). Les objectifs en matière d’hydrogène sont en recul avec 4,5 GW d’électrolyse en 2030 et 8 GW en 2035 pour prendre en compte "la réalité industrielle (de la filière) et des contraintes technico-pratiques".
Une fourchette ajustée pour les CEE
L’exécutif mise désormais sur un niveau minimal d’économies d’énergie de 825 TWhc et un maximum de 1.750 TWhc sur la sixième période (2026-2030) des certificats d’économies d’énergie (CEE). Le CSE a recommandé la simplification du scénario bas avec un volume unique de CEE à la place d’une fourchette proposée dans le précédent projet. Cette recommandation a été suivie pour la sixième période. Par ailleurs, le scénario haut pour la septième période est passé de 2.500 TWhc à 2.250.
Pour la chaleur renouvelable, c’est un peu le même cas de figure. Au regard des retours de la concertation, les objectifs fixés correspondent à la limite basse de la fourchette pour 2030 de la version mise en concertation (2 TWh de froid livré par les réseaux).
En 2030, la PPE 3 fixe un objectif de 50 TWh PCS de production de biogaz, dont 44 TWh PCS injectés dans le réseau de gaz distribué en France. Le choix est fait de maintenir le dispositif de tarif d’achat garanti par l’Etat et de mettre en place un mécanisme de soutien "extra budgétaire" pour l’injection de biométhane.
Le tableau de hiérarchisation des usages de la biomasse a aussi été modifié pour prévoir explicitement la priorisation des usages non-énergétiques.
Enfin, l’exécutif a jugé prématuré de préciser dans la PPE3 révisée des objectifs en matière de flexibilité du système électrique en détaillant divers sous-objectifs. Une analyse des besoins en flexibilité sera menée en 2025 par RTE, afin de définir "des indicateurs pertinents pour caractériser le besoin de modulation (consommation et production) et développer les bouquets de flexibilités décarbonées adaptés", est-il expliqué.
Volet mobilités propres
La PPE3 intègre la stratégie de développement des mobilités propres (SDMP), qui lui est annexée, et traduit de manière opérationnelle les objectifs de la SNBC pour ce qui relève des mobilités. Plusieurs changements sont à relever. En réponse au soutien exprimé par les instances de concertation au vélo, la poursuite du plan national sur les mobilités actives y est réaffirmée et les premiers résultats obtenus explicités, notamment l’augmentation de 60% des aménagements cyclables et des kilomètres parcourus.
Les atouts du fret fluvial y sont également détaillés. Des éléments sur le contrat d’objectifs et de performances de Voies navigables de France (VNF) ont aussi été ajoutés.
Le document a par ailleurs fait l’objet d’une actualisation pour rendre compte de l’avancement de plusieurs dossiers. C’est le cas concernant les services express régionaux métropolitains, le titre unique, les soutiens à l’électrification des véhicules ou l’autopartage. Idem pour la loi de finances pour 2025 qui introduit plusieurs dispositions affectant des mesures présentes dans le précédent projet de SDMP (malus CO2, malus poids, taxe incitative à l’acquisition de véhicules légers à faibles émissions, suramortissement pour les véhicules lourds, avantage en nature…) qui ont donc été "modifiées en conséquence", précise la note du ministère. Y figure également l’ajout d’une nouvelle mesure sur la stratégie industrielle de production de batteries françaises ou encore la mention de la poursuite des projets de modernisation et de développement du réseau ferroviaire portés par l’Etat.