Modes de garde - Professionnelles de la petite enfance, une activité mal connue ?
La revue "Dossier d'études" de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) publie les résultats d'un travail original, intitulé "L'activité des professionnelles de la petite enfance". L'étude en question a été menée par trois chercheurs du Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD) du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Il s'agit en l'occurrence d'une étude "micro-économique" - mais très approfondie - menée sur un double terrain : d'une part, deux crèches, l'une municipale (45 places) et l'autre associative (33 places) ; d'autre part, un échantillon de sept assistantes maternelles. Si l'approche est donc qualitative, plutôt que quantitative, le travail réalisé - assorti de nombreux verbatims - permet de mieux prendre la mesure des spécificités, des enjeux et des difficultés d'une "activité mal connue, entre occupation et profession". Eu égard au nombre de chercheurs impliqués, on peut toutefois regretter le terrain un peu étroit retenu pour l'étude, notamment dans le cas des assistantes maternelles.
L'étude aborde trois grandes thématiques. La première concerne le partage de la fonction éducative avec les parents. Il en ressort notamment l'importance de la pression du temps dans le travail avec les parents et un rythme entièrement calqué - pour les professionnelles comme pour les enfants - sur les attentes sociales à l'égard du mode de garde. L'autre enjeu fort pointé par l'étude réside - pour les modes de garde collectifs - dans la tension constante entre la prise en charge individualisée de chaque enfant et les contraintes de la vie collective. Dans les relations avec les parents, les chercheurs ont été frappés par la charge que représente, pour les professionnelles (en collectif comme à domicile), la nécessité de rendre compte de l'activité aux parents, par le récit (ce qu'a fait l'enfant durant la journée) ou par des productions ("donner à voir" l'activité de l'enfant). L'étude souligne aussi la difficulté de la position des professionnelles face aux demandes des parents (répondre ou résister).
Le second thème abordé concerne la fragilité de la situation des assistantes maternelles. Cette fragilité se lit en particulier dans la relation aux parents (nécessité de "séduire" ces derniers, qui sont dans une position de "clients"), mais aussi dans les difficultés de la négociation contractuelle (toute l'organisation de la garde étant "négociée" contrairement au cas d'une crèche). Tout l'enjeu est alors, pour l'assistante maternelle, de construire une relation dans la durée tout en se protégeant affectivement et en se prémunissant d'une possible concurrence avec les parents.
Le dernier thème traité par l'étude revêt une dimension plus psychologique et davantage centrée sur les enfants. Il porte en effet sur la rupture ou la continuité entre la famille et la garde d'enfants. Il permet ainsi d'aborder, entre autres, la question des modèles identificatoires des crèches, la continuité des apprentissages entre la famille et la crèche, l'interactivité avec les enfants ou encore la résolution des conflits entre enfants et le rapport à la règle. Ce chapitre aborde aussi des thèmes qui sont au cœur du métier des professionnelles de la petite enfance, comme le travail émotionnel ou - pour les modes de garde collectifs - le fonctionnement en équipe "comme ressource pour le travail de régulation".