Habitat - Production de logement social et loi SRU : quel bilan ?
Emmanuelle Cosse a présenté, le 22 mars, les chiffres définitifs de la production de logement social en 2016, ainsi que le bilan triennal 2014-2016 de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement urbains). Pour la ministre du Logement, "avec 130.316 logements sociaux financés dans toute la France (y compris l'Outre-Mer), la production a atteint l'année dernière un niveau historique". Si l'exercice est de saison - approche des échéances électorales oblige -, il doit être replacé sur la durée du quinquennat. Sur ce point, ce dernier est marqué par un fort contraste entre le début et la fin.
Un mieux incontestable en fin de période
L'objectif initial, fixé par François Hollande dès 2012, était en effet de 500.000 logements par an, dont 150.000 logements sociaux. Il s'est vite révélé inatteignable et a été reporté à la fin du quinquennat. Mais, même ainsi aménagé, il n'est finalement pas atteint - même si c'est d'assez peu - avec un total pour 2016 de 453.200 logements, dont 130.316 logements sociaux.
En revanche, il est incontestable que l'année 2016 marque un redressement et que la tendance semble désormais orientée à la hausse. Les 130.316 logements sociaux produits l'an dernier marquent ainsi une hausse de 14% par rapport à 2015 et constituent le second chiffre le plus élevé depuis le début des années 2000, après le pic précédent de 2010. En cinq ans, ce sont ainsi 553.811 nouveaux logements sociaux qui ont été financés, "soit autant que sur les sept années de la période 2000-2007" (qui a commencé, il est vrai, très bas, avec 40.000 logements sociaux en 2000 et moins de 60.000 entre 2001 et 2003).
Des logements plus sociaux et mieux répartis
La ministre du Logement met également en avant deux autres éléments plus qualitatifs. Tout d'abord - suivant en cela les recommandations de la Cour des comptes -, 75% des logements sociaux produits en 2016 sont situés dans des zones tendues (zones A et B1) et 15% en zone B2 "où les loyers sont relativement élevés".
Ensuite, la production "a été réorientée vers ceux qui en ont le plus besoin" : 28% des logements sociaux financés en 2016 sont spécifiquement destinés aux ménages les plus modestes parmi ceux éligibles au logement social. Avec 34.351 logements sociaux financés en PLAI (hors DOM), en hausse de 24% par rapport à 2015, il s'agit du plus haut niveau jamais atteint depuis les années 2000. C'est aussi la deuxième fois depuis 2000 que les financements de logements sociaux à destination des personnes aux revenus très modestes sont plus nombreux que ceux à destination des personnes les plus aisées.
En Ile-de-France, qui présente des difficultés particulières en matière de logement, le nombre de logements sociaux financés a augmenté de 25%, en cinq ans pour atteindre 35.883 logements en 2016 et 50% des logements produits l'an dernier dans la région sont des logements sociaux (ce qui met, a contrario, en évidence le manque de production de logements intermédiaires).
Loi SRU : un bilan encore partiel
Le bilan est moins convaincant sur la loi SRU, dans la mesure où il s'agit d'un bilan partiel. Il faudra en effet attendre le mois de juillet prochain - et l'achèvement des procédures d'instruction et de recours - pour connaître la nouvelle liste des communes reconnues comme carencées. Il n'en reste pas moins que ce bilan provisoire, portant sur la période triennale 2014-2016, apporte déjà un certain nombre d'enseignements.
Ainsi, la ministre du Logement rappelle que l'objectif triennal de production de 174.000 logements sociaux pour se rapprocher des seuils de 20% ou 25% "a été atteint et même dépassé", puisque 187.425 logement sociaux ont été réalisés ou financés dans les communes déficitaires au cours de la période considérée.
Ce chiffre marque une progression de 34% par rapport au précédent bilan triennal (sur la période 2011-2013). Ce résultat recouvre toutefois de fortes disparités territoriales, toutes les communes n'ayant manifestement pas mis la même application à remplir leur objectif triennal. Le bilan relève ainsi que 127 des communes soumises à un objectif triennal - soit 11% des 1.165 communes concernées (hors DOM) - ont réalisé moins de 20% de leur objectif de rattrapage.
Tout dépend du curseur...
Le calcul de l'impact de la loi SRU sur le volume de la production de logements sociaux est plus discutable. Si l'impact de la loi SRU du 13 décembre 2000 est évident - voir plus haut les chiffres de production du tout début des années 2000 -, il ne faut pas oublier que les règles du jeu ont changé entretemps avec le passage du seuil de 20% de logements sociaux au seuil de 25%. Ce changement a pour effet mécanique d'attribuer à l'impact de la loi SRU les nouveaux logements construits par les communes qui avaient atteint les 20% de logements sociaux, même si ces logements étaient déjà programmés ou envisagés...
Il en est de même pour l'annonce, par Emmanuelle Cosse, que 700.000 logement sociaux seront créés d'ici à 2025 grâce à la loi SRU (si toutes les communes remplissent leurs obligations). Le chiffre serait mécaniquement inférieur si le seuil était resté à 20%.
Hors cette clarification, il reste que l'impact de la loi SRU est bien réel. En témoigne notamment le fait que 55% des communes concernés ont atteint ou dépassé leur objectif (contre 45% qui ne le respectent pas encore). Il est permis de penser que les logements sociaux ainsi construits auraient été moins nombreux sans l'aiguillon de la loi et de ses sanctions...