Prévisions de finances publiques : les propositions qui vont nourrir le "plan d'action" du gouvernement
Après les erreurs sur les prévisions budgétaires concernant les exercices 2023 et 2024, les ministres de l'Économie et des Comptes publics dévoileront le 3 mars un plan pour "améliorer le suivi et la transparence des prévisions de finances publiques". Il s'inspirera des recommandations émises par un comité scientifique, qui s'est intéressé notamment à la façon d'affiner les prévisions des dépenses et recettes des collectivités locales.

© Eric TSCHAEN-REA/ Amélie de Montchalin et Eric Lombard en janvier 2025
Le gouvernement de Michel Barnier l'avait promis. Un "plan d'action" serait annoncé pour éviter que les erreurs de prévisions concernant les finances publiques en 2023 et 2024, notamment s'agissant du déficit (5,5% du PIB en 2023 contre une anticipation de 4,9% et 6% du PIB en 2024, alors que la prévision s'établissait à 4,4% du PIB), ne se répètent pas.
Pour nourrir ce plan, Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, respectivement ministres de l'Économie et des Comptes publics dans le précédent gouvernement, avaient installé mi-novembre un comité scientifique composé de neuf experts – parmi lesquels François Ecalle, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, Xavier Ragot, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ou encore Valérie Plagnol, présidente du Cercle des épargnants.
Ce comité scientifique chargé d'améliorer les prévisions de finances publiques a remis ce mois-ci ses propositions à Éric Lombard, ministre de l'Économie, et Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, vient de faire savoir Bercy dans un communiqué.
"Mieux prévoir les impôts"
Le comité "a joué un rôle essentiel dans l'identification de pistes d’amélioration de la transparence et du suivi des prévisions budgétaires", déclarent les ministres. Il pointe la nécessité de renforcer et améliorer les "outils" et "les méthodes de prévision du gouvernement, notamment concernant "certains impôts ou dépenses publiques particulièrement volatiles", détaillent les locataires de Bercy. Le comité recommande en outre "un renforcement de la transparence et de l'accès aux données budgétaires pour les chercheurs et le public".
Les spécialistes des finances publiques ne se sont pas attachés à "disséquer les erreurs de prévision sur l’exercice 2024, mais plutôt à comprendre les méthodologies de prévision employées par l’administration, dans leurs dimensions technique et institutionnelle, afin d’envisager des pistes d'amélioration", expliquent-ils dans une note rendue publique par Bercy.
La première partie de la note aborde la question de l'"amélioration des prévisions de finances publiques" et met en avant "des recommandations techniques pour mieux prévoir les impôts", sachant que les écarts entre les prévisions et la réalité ont été grands en la matière ces deux dernières années.
Les auteurs passent en revue les principales ressources (impôt sur les sociétés, TVA, impôt sur le revenu, cotisations sociales), de même que la question de la sensibilité des recettes d'impôts à une évolution de la base taxable ("l'élasticité"). C'est dans cette partie que figurent aussi des propositions concernant les prévisions des dépenses et des recettes des collectivités locales.
Mise à jour de la prévision des dépenses locales
En la matière, le comité scientifique souligne que la prévision des dépenses ("pour l’année N+1") inscrite dans le rapport économique, social et financier (RESF) joint au projet de loi de finances peut être améliorée "en tenant compte du niveau de trésorerie accumulée et des recettes fiscales locales". Il conseille également de prêter "plus d'attention à l'analyse des budgets" et d'interroger "un échantillon de collectivités".
Par ailleurs, les experts pointent l'intérêt de "réviser l’estimation des dépenses et/ou recettes" des administrations publiques locales (Apul) entre la présentation du RESF à l'automne et celle, au printemps suivant, du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) qui est communiqué à la Commission européenne, tout au moins "lorsque des informations tangibles suggèrent de le faire". Selon le comité scientifique, une telle révision aurait par exemple été pertinente au printemps 2024 : étant donné que le Parlement avait rejeté en 2023 les mesures d'encadrement des dépenses locales envisagées par le gouvernement, le risque était grand que les prévisions sous-estiment ces dépenses pour l'année 2024. La mise à jour de la prévision des dépenses locales pourrait s'appuyer sur les "remontées comptables des premiers mois de l'année", suggère le comité, considérant que ces dépenses font partie des "éléments difficiles à prévoir".
Plan d'action gouvernemental
Dans la suite de la note, le comité scientifique recommande d'accroître au bénéfice du grand public et des chercheurs l'information sur les prévisions de finances publiques. Il préconise aussi un renforcement du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui rend des avis sur les prévisions gouvernementales. Celui-ci serait mieux informé, disposerait de davantage de temps avant de se prononcer et pourrait s'autosaisir. Quant aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, elles auraient la possibilité de "se saisir de certains des outils de prévision utilisés par l’administration".
"Dans la continuité de ces travaux", les ministres de l'Économie et des Comptes publics présenteront le 3 mars "le plan d'action gouvernemental sur l’amélioration du suivi et de la transparence des prévisions de finances publiques". Leurs déclarations laissent penser qu'il reprendra plusieurs des préconisations du comité scientifique.
Ce plan sera dévoilé alors qu'une commission d'enquête de la commission des finances de l'Assemblée nationale recherche activement, depuis fin octobre, "les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024".