Recettes de TVA atones : les collectivités ajustent leurs budgets

Pour le monde territorial, la fin de l'année est compliquée dans le domaine des finances. Notamment parce que les structures qui bénéficient de parts de TVA doivent remédier à des versements plus faibles que prévu pour 2024. Les prévisions avancées par Bercy avaient été optimistes, d'où un manque à gagner de 1,9 milliard d'euros, au total, pour les collectivités. Mais certaines avaient, semble-t-il, anticipé les corrections rendues nécessaires.

Lors de la séance du conseil communautaire du 5 décembre, la communauté d'agglomération Bourges Plus a pris une décision modificative pour ajuster son budget pour 2024. Elle a acté qu'elle utilisera une ligne de ce budget, de 1 million d'euros, dédiée à des dépenses imprévues et, par ailleurs, qu'elle "rognera" certaines des lignes dont les crédits n'ont pas été intégralement consommés. L'intercommunalité parvient ainsi à réunir "entre 1,3 et 1,4 million d'euros", soit la somme qui lui est nécessaire pour compenser la baisse des recettes de TVA de cette fin d'année, selon sa présidente Irène Félix. Une élue lucide sur les conséquences d'un tel événement : "On ajuste sans que ça paraisse trop douloureux, mais en fait on baisse notre autofinancement pour l'avenir et donc notre capacité d'investir." 

Face à la progression moins rapide de la TVA, "les collectivités réduisent la voilure, annulant certaines dépenses", constate l'Association des maires et présidents d'intercommunalités de France (AMF). "Mais c'est très difficile de le faire en fin d'année, et de surcroît en fin de mandat, quand les projets ont été lancés", complète-t-elle.

Écart de 1,9 milliard d'euros

Les intercommunalités ont reçu au cours de la première quinzaine de novembre une notification de l'État les informant que les recettes de TVA augmenteraient de 0,8% en 2024, très loin des 4,8% affichés dans la loi de finances pour 2024. Concrètement, "pour faire en sorte que les montants versés en 2024 au titre de la TVA correspondent bien aux nouvelles prévisions, l'État baisse les derniers douzièmes de fiscalité qui sont perçus par les collectivités", précise l'association Intercommunalités de France. 

Au total, la fraction de TVA qui est allouée aux intercommunalités en compensation de la suppression ces dernières années de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est "amputée" de "plus de 500 millions pour les communes et les intercommunalités", déplorait André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF, lors de la lecture de la résolution générale du congrès de l'association, le 21 novembre. Pour les régions, l'écart entre le montant notifié et la prévision de TVA pour 2024 atteint 638 millions d'euros (dont 434 millions d'euros au titre de la compensation de la suppression de la CVAE). Pour les collectivités dans leur ensemble (bloc communal, régions et départements), le manque à gagner s'élève à 1,9 milliard d'euros, à ce stade. Un montant colossal, mais logique puisque la TVA s'est hissée au rang de première recette fiscale des collectivités locales, avec un montant de l'ordre de 52 milliards d'euros en 2024.

Des collectivités dotées de leurs propres prévisions

"C'est une surprise pour les collectivités", qui s'explique notamment "par la communication tardive de Bruno Le Maire [l'ex-ministre de l'Économie] sur les moindres rentrées fiscales", dénonce-t-on à l'AMF. "Personne ne tablait sur un dynamisme si faible de la TVA en 2024", abonde-t-on à Régions de France, où l'on déclare vouloir toutefois être "transparent" : "Il y avait beaucoup d'interrogations sur le fait que l'évolution de la TVA pourrait être de 4,8%. Et plusieurs régions avaient anticipé un taux de croissance de la taxe inférieur à cette prévision." Intercommunalités de France dresse le même constat s'agissant de ses membres : "Beaucoup ne s'étaient pas calés sur la prévision initiale de TVA pour faire leur budget 2024 et avaient joué la prudence en retenant des prévisions plus modestes."

De leur côté, les fiscalistes territoriaux n'ont pas découvert le sujet cet automne, souligne Christelle Gaucher, pilote du groupe de travail Fiscalité et Dotations, créé au sein de l'Association des financiers, gestionnaires, évaluateurs, manageurs (Afigese) des collectivités. "Ils ont rapidement pris la mesure de la question et ont cherché à identifier des sources d'informations qui leur permettent d'établir une prévision des fractions de TVA, qui soit plus robuste." L'experte met en avant l'exemple d'une métropole "disposant d'un data scientist au sein de l'équipe dédiée à la fiscalité, et qui élabore sa propre simulation de recettes de TVA". 

Notification définitive en 2025

Des travaux qui peuvent profiter à des collectivités de taille plus réduite. "Les analyses de prospective sont partagées entre fiscalistes territoriaux au sein du groupe de travail", indique Christelle Gaucher. Et si les collectivités et leurs groupements sont tenues de tenir compte des prévisions de TVA qui leur sont notifiées par l'État pour bâtir leur budget, il en va différemment dans le cadre du pilotage financier interne, souligne-t-elle. "La démarche de suivi et de prospective budgétaires, la programmation pluriannuelle des investissements", peuvent en effet s'appuyer sur les projections réalisées par la collectivité.

Les inconvénients soulevés par l'incertitude autour des recettes de TVA ne sont toutefois pas à minimiser, selon la responsable de l'Afigese. "C'est difficilement compatible avec la vie d'un budget et d'un plan pluriannuel d'investissement que d'avoir ces effets d'ajustements. A fortiori quand ce sont des effets négatifs et d'une certaine ampleur", admet-elle. 

Les collectivités n'en ont peut-être pas fini avec les évolutions de données concernant le produit de TVA de l'année 2024, puisque ce n'est qu'au mois de mars 2025 qu'elles connaîtront le montant définitif de cette recette. Il est vrai, toutefois, que s'il devait y avoir encore un ajustement, celui-ci serait probablement limité.

› Des incertitudes nombreuses aussi pour les budgets 2025

Changement de Premier ministre, vote d'une loi spéciale et absence de loi de finances pour 2025… l'élaboration des budgets locaux n'est pas simple. L'exemple de Bourges Plus relaté par sa présidente, Irène Félix.

"On a organisé notre débat budgétaire jeudi 5 décembre, le gouvernement de Michel Barnier était tombé la veille. On l'a mené sur la base du projet de loi de finances tel que déposé par le gouvernement, qui correspond à la situation qui est sans doute la pire pour les collectivités. Si les mesures finalement retenues en loi de finances devaient être plus favorables, on desserrera en cours d'année. On aurait pu aussi retarder le débat d'orientation budgétaire, mais je ne l'ai pas souhaité, car on a la chance de pouvoir à peu près y arriver, en dégradant un peu nos finances en 2025 et à la condition que ça ne se répète pas en 2026. Et je préfère qu'on avance, car on est à trois ans de l'événement 'Bourges, capitale européenne de la culture'. On ne peut pas donner aux services le signal selon lequel on devrait attendre pour lancer un certain nombre de projets, ce n'est pas possible."

 

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