Sécurité - Prévention : "Les maires sont la dernière roue du carrosse"
"Il faut revoir la gouvernance de la prévention", a déclaré le secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance (SG-CIPD), le préfet Pierre N'Gahane, auditionné par la mission parlementaire sur la lutte contre l'insécurité sur les territoires le 28 janvier. La politique de prévention repose sur la stratégie nationale de prévention de la délinquance et ses trois grands axes, validée le 4 juillet par le Premier ministre, a-t-il rappelé (sur le sujet, voir aussi notre article de ce jour sur la répartition des crédits du FIPD). Stratégie déclinée ensuite en plans départementaux qui devaient lui avoir été remis fin janvier. Sur cette base, les maires sont amenés à élaborer des schémas locaux de tranquillité publique à partir desquels ils pourront recevoir des aides de l'Etat, sur la base des appels à projets du FIPD. Mais ils vont devoir aller vite car, dès le mois d'avril, les préfets devront arrêter une programmation de projets.
Un guide méthodologique sur l'échange d'information
Pour Pierre N'Gahane, par rapport au plan Fillon de 2010-2012, cette stratégie s'attache davantage à la prévention, alors que jusque-là la priorité était donnée à la vidéoprotection. Cette stratégie "laisse beaucoup plus de place à la médiation sociale, avec près de 9.000 agents, à la prévention spécialisée, avec à peu près 4.000 agents sur le territoire", a-t-il souligné. C'est "l'affirmation d'une vraie politique de prévention, partenariale", s'est-il félicité. Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkzoy, la question du partenariat local avait fait couler beaucoup d'encre, notamment sur la question du partage de l'information. A ce sujet, le SG-CIPD a annoncé qu'il était en train de "réactualiser la charte arrêtée en 2010" et qu'un "guide méthodologique" serait prochainement publié, justement pour faciliter ce partage de l'information. Sujet sur lequel le précédent gouvernement s'était cassé les dents. Mais prenant l'exemple de la cellule du partenariat des zones de sécurité prioritaire (celle à laquelle participent les maires), Pierre N'Gahane a reconnu qu'il fallait "y mettre un peu d'ordre". Il y a "nécessité de simplifier l'ensemble de ces institutions pour retrouver un caractère opérationnel", afin d'assurer "un traitement individuel des situations", a-t-il déclaré. Selon lui, alors que la cellule des forces de sécurité des ZSP "fonctionne bien car le pilotage est rénové" - autour du préfet et du procureur ; les maires y étant invités à leur bon vouloir - la cellule du partenariat "mérite d'être précisée", tout en évitant le "risque de dilution" des responsabilités. Un point important car, si les ZSP n'ont pas vocation à se généraliser, elles sont présentées comme une sorte de laboratoire des bonnes pratiques, notamment en matière de gouvernance. Elles pourraient ainsi conduire à un toilettage des CLSPD institués par la loi du 5 mars 2007 ayant fait du maire le pivot en matière de prévention. Du moins en théorie. A noter à ce titre que le SG-CIPD est chargé de superviser une évaluation extérieure des ZSP, cette évaluation a été confiée au cabinet Pluricité. L'un des enjeux est d'assurer la coordination entre les deux cellules des ZSP et donc permettre aux maires d'être davantage informés et associés au niveau opérationnel. Parallèlement, les ZSP font l'objet d'une évaluation interne conduite par le préfet Christian Lambert.
"Tout part d'en haut"
Au rythme des auditions de la mission parlementaire, la question de la gouvernance est en train de devenir un sujet de préoccupation majeur pour les députés, qui font au gouvernement le reproche d'avoir à nouveau privilégié une approche "descendante" dans sa stratégie nationale de prévention (un grief déjà formulé contre le plan Fillon). "Notre conviction est que la gouvernance n'est peut-être pas la meilleure qu'on puisse imaginer", a avancé Jean-Pierre Blazy, le président de la mission, à l'adresse de Pierre N'Gahane. "On ne peut pas reconnaître dans la loi le maire comme pilote local de la politique de prévention publique - qui forcément s'applique au niveau local - quand dans le même temps, on ne retient pas une gouvernance qui l'associe beaucoup plus étroitement que ne le propose la stratégie." "Tout part d'en haut... largement quand même", a-t-il ajouté. Le député a également relevé que les plans départementaux de prévention étaient élaborés par le préfet, le procureur, le président du conseil général, parfois même le Dasen (directeur d'académie) mais "jamais les maires". "Après on va dire aux maires, vous devez faire..." Selon lui, cette préoccupation est partagée par "les élus de toute tendance". "Le maire est toujours le mal aimé des administrations centrales et de l'autorité judiciaire", a en effet renchéri l'UMP Philippe Goujon, rapporteur de la mission, alors que pour Christian Assaf, "les maires sont la dernière roue du carrosse". Selon le député socialiste de l'Hérault, "la charge du partenariat doit être inversée".