Prévention de la radicalisation : Christophe Castaner prêt à associer davantage les collectivités
Le ministre de l'Intérieur a annoncé jeudi 17 octobre sur France 2 qu'une circulaire serait envoyée aux préfets pour mieux surveiller le salafisme et l'islamisme. Il s'est également montré "ouvert" au renforcement de la "coproduction" avec les collectivités sur la prévention de la radicalisation et l'accès aux informations. La délégation aux collectivités territoriales du Sénat exhorte le gouvernement à passer à l'action et rappelle que le poste de secrétaire général du CIPDR est vacant depuis plusieurs mois.
"Je suis ouvert à ce qu’on travaille [avec les collectivités] sur des outils qui permettent de renforcer la coproduction de sécurité", a déclaré le ministre de l’Intérieur, le 17 octobre, lors de l’émission Vous avez la parole de France 2, en réponse à une interpellation du maire LR de Cannes David Lisnard. Ce dernier, déplorant un "manque de confiance dans les élus locaux" et un "retard opérationnel qui pose problème", a notamment plaidé pour une meilleure connexion entre les services de police, mais aussi pour que la police municipale puisse avoir accès au fichier des personnes recherchées ou procéder à des contrôles d’identité. Soulignant qu’il n’était "pas forcément évident" de donner l’accès à ce fichier à tous les maires de France, Christophe Castaner a en revanche indiqué qu’il était prêt à examiner l’ouverture de cet accès sous "le contrôle du juge", comme proposé par David Lisnard (voir aussi encadré ci-dessous).
Cette demande d’accès aux fichiers – et plus généralement d’une plus grande intégration des collectivités en matière de prévention de la radicalisation – n’est pas nouvelle. C’était l’une des recommandations du rapport Thourot–Fauvergue de septembre 2018, et précédemment du rapport sur la prévention de la radicalisation remis par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat au printemps 2017.
Dans un communiqué de presse du 15 octobre, cette dernière vient d’ailleurs d’exhorter le gouvernement de passer à l’action. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, demande au gouvernement de "nommer rapidement" au secrétariat général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation "une personnalité en capacité de redonner une dynamique interministérielle à la politique nationale de lutte contre la radicalisation", jugeant "incompréhensible" qu’il ne l’ait toujours pas fait. Suite au départ de Muriel Domenach, nommée ambassadrice représentante permanente au Conseil de l’Otan, le poste est occupé par intérim par Michel Hurlin depuis le 1er août.
La délégation estime qu’il est également "temps de réaliser une première évaluation sérieuse du plan national de prévention de la radicalisation présenté le 23 février 2018". Un premier bilan a bien été tiré par le Premier ministre le 11 avril dernier, mais interrogée par nos soins, la délégation précise qu’elle attend davantage une "évaluation conduite par les corps d’inspection, dotée d’une véritable méthodologie"…
La nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance toujours attendue
Enfin, la délégation souligne l’urgence "de finaliser la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance, attendue depuis 2017" et, dans ce cadre, "de conforter la coproduction locale de sécurité, fondée sur le partenariat entre les services de l’État et les collectivités territoriales". Si le Premier ministre a relancé la concertation sur ce sujet ces tout derniers jours, les positions des différents ministères, ou ministres, pas toujours conciliables (comme en témoignent les récentes discordances autour du port du voile), rendent l’exercice complexe…
De son côté, la délégation va lancer un cycle d’auditions sur l’ancrage territorial des forces de sécurité intérieure. Le directeur général de la police nationale ouvrira le bal le 14 novembre. La délégation souhaite notamment dresser l’état des dispositifs partenariaux État/collectivités, alors que les conseil locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, notamment, "semblent s’essouffler". Les liens entre sécurité privée et collectivités territoriales, "dimension émergente", seront également au menu des débats.
De manière générale, les parlementaires ne restent pas inactifs sur le sujet. Après la remise en juin dernier d’un rapport sur la radicalisation dans les services publics, signalons les récentes propositions de création de commission d’enquête – sur les dysfonctionnements ayant conduit à l'attentat du 3 octobre dernier (Éric Ciotti, n° 2290) ou, plus largement, sur le développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre (Bruno Retailleau et le groupe LR, n° 56) – ou une proposition de loi déposée par Nathalie Goulet "tendant à renforcer la prévention et la lutte contre la radicalisation". De son côté, Christophe Castaner a également indiqué lors de l’émission de France 2 qu’une circulaire invitant les préfets à la vigilance à l’égard du salafisme et de l’islamisme était en cours de préparation.
Imam de l'agglomération troyenne : il y a eu une "anomalie"
"C’est une anomalie. Le préfet aurait dû informer le maire de cette situation." C'est ce que le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a reconnu, jeudi 17 octobre lors de l'émission Vous avez la parole sur France 2, au sujet du cas récemment évoqué par François Baroin (France info, 9 octobre) de la présence "sur le territoire de l’agglomération troyenne d’un imam, signalé, fiché S, suivi […], condamné". Cet imam était "l’un des formateurs de l’un des auteurs [de l’attentat] du Bataclan", il "continuait de faire des prêches alors qu'il était en surveillance judiciaire" et "le maire ne le savait pas", avait développé François Baroin. Le ministre a rappelé que c’est lui qui avait d’ailleurs pris, un mois après son entrée en fonction, la circulaire imposant aux préfets d’informer régulièrement les maires sur l’état de la menace terroriste sur leur commune, saluée d’ailleurs lors de la même émission par le maire LR de Cannes David Lisnard. Rappelons que François Baroin avait précisé que le préfet lui-même "ne le savait pas". Si anomalie il y a eu, elle est donc moins à rechercher dans la relation préfet–maire qu'au sein des services de l'Etat.