Les services publics à l'épreuve de la radicalisation
La mission d'information sur la radicalisation dans les services publics a publié son rapport, mercredi 26 juin. Le phénomène reste marginal mais a tendance à augmenter, constatent les deux députés de la mission, qui préconisent d'élargir le "criblage" (le repérage des profils suspects) à toutes les administrations ou services sensibles.
La radicalisation dans les services publics reste un phénomène marginal mais elle a tendance à augmenter. C’est en substance le message des députés Éric Diard (LR, Bouches-du-Rhône) et Éric Poulliat (LREM, Gironde) qui ont publié leur rapport, mercredi 26 juin, après huit mois d’audition. Les attentats de 2015 ont servi d’électrochoc et nombre d’administrations ont alors pris la mesure du problème. "C’est à ce moment que les services publics ont décidé de ne plus faire la politique de l’autruche", explique Eric Diard, à l’agence AEF. Lorsqu'en 2006, dans "Les mosquées de Roissy", Philippe de Villiers tirait le signal d’alarme, il s’était attiré ironie et indignation. Sur 80.000 personnes titulaires d'un badge d'accès aux zones "réservées", 80 personnes font l'objet d'un suivi régulier pour radicalisation et 29 d'un suivi ponctuel, selon le rapport.
Certains services ont été plus réactifs que d’autres. C’est le cas des sociétés de transport, qui "ont été les premières à agir, notamment grâce à la loi du 22 mars 2016 dite 'Savary' qui permet le criblage des salariés via neuf fichiers (antécédents judiciaires, FSPRT, FPR…)", constate Eric Diard.
Généraliser le criblage
Le criblage, c’est ce qui permet de détecter les profils suspects dans les postes sensibles (les conducteurs, les contrôleurs par exemple, mais aussi les policiers, militaires et même les hauts fonctionnaires…), en enquêtant sur les candidats au moment du recrutement ou alors de manière rétroactive. Une structure rattachée à la police a été spécialement créée pour cela, en 2017 : le Sneas (service national des enquêtes administratives de sécurité). L’année de sa mise en service, il a mené 91.798 enquêtes sur cinq mois, puis 318.464 enquêtes en 2018, dont 317.979 avis sans objection et 485 avis d’incompatibilité, dont 116 dans les transports publics et 5 dans la police. Alors que l'un des kamikazes des attentats de novembre 2015 au Bataclan, Samy Amimour, avait été chauffeur de bus RATP, la régie a indiqué aux rapporteurs avoir reçu une centaine d’avis négatifs sur des candidatures.
Mais pour les rapporteurs, le Sneas (composé de 23 agents et 5 réservistes) ne pourra remplir correctement sa mission que s’il "dispose, comme prévu, de moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation de ces enquêtes". "La généralisation du criblage à l’ensemble des métiers de sécurité et de souveraineté apparaît aujourd’hui nécessaire", affirment-ils.
Ses compétences ont déjà commencé à être élargies. En 2019, il devrait intervenir sur l’agrément des policiers municipaux, les transporteurs de fonds, le port d’arme des agents de sécurité privée, l’accès aux points d’importance vitale, l’accès aux zones d’accès restreint aéroportuaires mais aussi sur l’ examen des demandes d’asile ou les recrutements au sein de l’administration pénitentiaire.
Les surveillants pénitentiaires sont "particulièrement exposés au risque de radicalisation", soulignent les députés, "compte tenu notamment de la radicalisation d’une proportion non négligeable des détenus eux-mêmes". Les rapporteurs comptabilisent 1.200 détenus de droit commun susceptibles d’être radicalisés et 500 condamnés pour des faits de terrorisme. Une dizaine d’agents de surveillance figurent au FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste), sur un effectif proche de 41.000 personnes. Mais "il n’est pas apparu à ce jour d’éléments suffisants (tels que des fautes professionnelles) pour les sanctionner disciplinairement", précise le rapport.
Radicalisation dans le sport
En matière d’immigration, la loi du 10 septembre 2018 prévoit la possibilité d’enquêtes pour les délivrances et renouvellement de titres de séjour. En 2020, le Sneas pourrait intervenir pour l’acquisition à la nationalité française et le contrôle régulier des détenteurs d’armes.
Mais les députés recommandent d’aller plus loin et d’étendre son champ de compétences aux agents de service public en contact avec la jeunesse, notamment dans l’éducation ou le sport, milieu où la radicalisation est "insuffisamment mesurée ou contrôlée" en raison de la difficulté des services de renseignement de l’infiltrer. Ils constatent aussi un manque d’encadrement en milieu hospitalier.