Préservation de l'eau : plus que jamais le moment d'investir
La 3e édition du Printemps des Territoires a consacré ce 18 mars une table ronde à la préservation de la ressource en eau, qui a souligné à la fois la prégnance de la question et la disponibilité "sans précédent" de fonds. Et de conclure : "C'est le moment ou jamais de lancer des travaux !"
"Deux tiers du territoire français a connu des restrictions d'eau en 2019". En lançant les débats de la table ronde consacrée à la préservation de l'eau organisée dans le cadre de la 3e édition du Printemps des Territoires, qui s'est tenue, virtuellement, ce 18 mars, Philippe Lambert, directeur régional Auvergne-Rhône-Alpes de la Banque des Territoires, a d'emblée souligné la prégnance du défi. "L'ensemble du territoire a déjà été confronté à un risque de pénurie d'eau", lui a répondu en écho Martial Saddier, député de la Haute-Savoie et président de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse. Il explique que le phénomène est alimenté à la fois par une modification de la pluviométrie – "en baisse de l'ordre de 15 à 20% sur le pourtour méditerranéen, stable mais dont la répartition au cours de l'année varie dans le reste du territoire" – et une hausse des températures, sur laquelle il n'est plus besoin de s'étendre.
Des moyens sans précédent
Partout, le phénomène est d'ampleur : l'agence de l'eau que préside Martial Saddier vient de lancer une étude sur le débit du Rhône pour en cerner précisément l'impact, alors que l'on évoque "une baisse potentielle de son volume en été de 30 à 40%".
Et il va croissant : "La fonte des glaciers alpins va entraîner une baisse des soutiens d'étiage", alerte ainsi Laurent Roy, directeur général de cette même agence, qui relève que 40% des bassins du bassin méditerranéen sont déjà "en tension". Et de sonner la mobilisation générale : "la première des priorités est de lancer une lutte contre le gaspillage tous azimuts : fuite des canalisations, irrigations agricoles, processus industriels pour favoriser le recyclage, comportements individuels…". Il est vrai que la perte de "20% de l'eau potable en France, principalement dans des infrastructures renouvelées tous les 60 à 80 ans" déplorée par Philippe Lambert est dans ce contexte particulièrement insupportable.
Pour grave que soit la situation, les intervenants n'ont pour autant pas cédé au défaitisme : "des solutions existent". Outre la rénovation et l'amélioration des infrastructures, Laurent Roy met en avant les solutions fondées sur la nature, favorisant l'infiltration dans les nappes ou restaurant les zones humides, dont les bénéfices ne sont plus à démontrer, alors que l'on vient de célébrer les 50 ans de la convention de Ramsar. Surtout, il souligne les nombreux dispositifs financiers actuellement disponibles dans ce domaine – notamment dans le cadre du plan de relance, "une véritable opportunité" – pour venir en aide aux collectivités, "dont les besoins sont considérables". Et d'évoquer notamment, outre les aides apportées par les agences de l'eau, les "aqua-prêts" mis en place par la Banque des Territoires. "140 millions d'euros ont déjà été actés sur le périmètre de l'agence", précise Martial Saddier, qui insiste sur "la chance" de pouvoir bénéficier de tels soutiens "que nous n'avons pas connue par le passé". Et de conclure : "C'est le moment ou jamais de lancer des travaux !"
Sensibiliser et accompagner les élus locaux
Les enjeux, variés, ne sont toutefois pas seulement financiers. Martial Saddier évoque ainsi ceux liés à la gouvernance locale (qu'il prône à l'échelle du bassin versant) ou à la connaissance. Par exemple, la nécessité d'identifier – et de protéger – les nappes stratégiques. Il vient d'ailleurs de déposer un amendement au projet de loi Climat et Résilience en ce sens, adopté par la commission spéciale de l'Assemblée (lire notre article). L'élu souligne encore l'effort de sensibilisation et de pédagogie à conduire tant auprès des citoyens que de ses collègues élus locaux, "dont le taux de renouvellement est très élevé". Tous les six ans, il faut remettre l'ouvrage (hydraulique) sur le métier et expliquer le Sdage – actuellement soumis à consultation publique –, et autres notions pas toujours aisées à cerner. Des élus qu'il faut également "accompagner pour le montage des dossiers". Là encore, des solutions existent. Rodolphe Masson, responsable du service secteur public et projets complexes de la Banque des Territoires, évoque par exemple l'offre d'ingénierie proposée par la BdT pour accélérer la définition des schémas d'aménagement et de gestion des eaux dans le cadre du plan de relance. Plus largement, il a plaidé pour "ajouter à l'empreinte carbone une empreinte eau", notion particulièrement en vogue (qui se définit comme le volume total d'eau douce nécessaire pour produire un bien ou service)… mais qui n'a pas encore laissé sa trace dans la loi.