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Réduction des risques - Premiers retours sur les "salles de shoot", la CNCDH favorable à leur extension

Alors que l'expérimentation pour six ans des "salles de consommation à moindre risque" - communément appelées "salles de shoot" - a reçu son cadre juridique avec la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les premiers retours sur les initiatives lancées à Paris et à Strasbourg commencent à se faire jour. Ainsi, Bernard Jomier, l'adjoint à la maire de Paris chargé de la santé (et lui-même médecin), porte un jugement positif sur les premiers résultats. Il est vrai que la ville de Paris est à l'origine du projet et s'est fortement mobilisée pour le faire aboutir, malgré les contestations locales (voir nos articles ci-dessous).

Un bénéfice pour les usagers, plus de tranquillité pour le voisinage

La présentation de ces premiers résultats est intervenue le 21 mars, lors de la réunion, à l'hôtel de ville, du comité de pilotage de l'Espace Gaïa, ouvert il y a six mois dans l'enceinte de l'hôpital Lariboisière dans le Xe arrondissement de la capitale. A cette occasion, Bernard Jomier a indiqué que la "salle de shoot" a déjà enregistré 24.200 passages pour 550 usagers inscrits, avec une moyenne journalière de 180 passages. Cette montée en charge semble toutefois aller de pair avec une diminution de l'activité de distribution de kits de matériel stérile dans les dispositifs qui existaient déjà aux alentours.
Mais l'adjoint au maire de Paris estime surtout que la salle "prouve son efficacité". Il en veut pour preuve le fait qu'"il y a une baisse importante de la consommation de rue" dans les environs de cet équipement et que la mise en place de celui-ci a permis une réduction de 60% du nombre de seringues trouvées à ses abords dans l'espace public.
Le décompte des seringues trouvées rue de Maubeuge (l'adresse du centre) atteignait en effet un total de 1.078 sur les six mois ayant précédé l'ouverture (d'avril à septembre 2016), contre seulement 385 seringues d'octobre 2016 au 15 mars 2017, soit une diminution de plus de 60%. De son côté, la société JC Decaux fait état d'une baisse de 44% des seringues trouvées dans les sanisettes du quartier.
Côté usagers - et au-delà de la réduction des risques permise par la mise à disposition de matériels stériles -, le bilan fait état de l'orientation de 153 usagers vers des traitements de substitution. Et seuls cinq accompagnements vers les urgences de l'hôpital se sont révélés nécessaires. Autre point positif : depuis son ouverture, la salle n'a connu qu'un seul incident, sous la forme d'une rixe impliquant des usagers, vite maîtrisée par l'intervention de la police.

CNCDH : une "éthique du moindre mal"

De son côté, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a pris position en faveur d'un développement de cette approche, dans un avis publié au Journal officiel du 5 mars 2017. Intitulé "Usages de drogues et droits de l'homme", ce long avis remonte au 8 novembre 2016, même s'il n'est publié que maintenant. Il couvre un champ nettement plus large que les salles de consommation à moindre risque et a d'ailleurs été adopté avec une majorité relativement serrée (22 voix pour, 5 contre et 11 abstentions).
Sur la question des salles de shoot, l'avis relève que "le débat sur l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque révèle les paradoxes du modèle français de réduction des risques et des dommages, marqué par son opposition frontale à la logique de sevrage et par la criminalisation de l'usage". Pour sa part, la CNCDH se prononce sans ambages en faveur de cette approche et, s'appuyant sur de nombreuses expériences étrangères, plaide pour leur développement. Sans être la "solution miracle", ces salles incarnent en effet "une éthique du moindre mal, du préférable, du gain de chance et du vivre ensemble".
Au final, la CNCDH "estime que le dispositif des salles de consommation à moindre risque pourrait être élargi, notamment en ouvrant des espaces de consommation à moindre risque au sein des lieux existants (Caarud et CSAPA), afin de favoriser l'orientation vers l'accompagnement et les soins".