Environnement - Premier bilan de santé en demi-teinte pour les sols français
Les sols français présentent "des teneurs faibles pour la majorité des contaminants" et aucun d'entre eux n'apparaît stérilisé. Mais les teneurs en phosphore trop faibles ou trop élevées selon les régions posent problème, de même que l'accélération de l'artificialisation, tandis que l'érosion est jugée "menaçante". Telles sont les principales conclusions du premier "bilan scientifiquement quantifié" de l'état des sols en France, fruit de 10 ans de travaux menés par le Groupement d'intérêt scientifique sur les sols (Gis Sol) qui regroupe notamment deux ministères (Agriculture et Ecologie), l'Inra (recherche agronomique) et l'Inventaire forestier national.
"Les sols font partie intégrante de nos paysages mais leur présence est le plus souvent occultée par les forêts, les cultures, les habitations ou les infrastructures qui les recouvrent", rappelle le rapport du Gis Sol. Pourtant, ajoute-t-il, ils sont "au coeur de grands enjeux planétaires comme la sécurité alimentaire, le changement climatique, la disponibilité en eau de qualité, la production de bioénergie ou la biodiversité. La connaissance de leur état et de leur évolution possible est donc primordiale dans un contexte de développement et de gestion durables". Parmi les points positifs sur l'état des sols français, le rapport relève que les teneurs en "éléments traces métalliques" sont "plutôt faibles" dans la grande majorité d'entre eux, "malgré l'identification de contaminations avérées (plomb, cadmium)". Ces contaminations touchent principalement les zones urbaines et industrielles et sont particulièrement répandues en région parisienne et dans le Nord-Pas-de-Calais. Quant à la contamination en cuivre, elle est "omniprésente dans les sols viticoles" dont certains présentent aussi "de fortes teneurs en plomb". Des contaminants comme le DDT et le lindane, interdits en Europe mais de très longue durée de vie, sont très présents dans l'ensemble des sols, mais à faible concentration, ne présentant "qu'un très faible risque de transfert dans la chaîne alimentaire". Le rapport souligne aussi le grave problème de la chlordécone dans les sols des bananeraies des Antilles.
L'état des réserves minérales dans les sols, bon indicateur de leur aptitude à fournir les minéraux nécessaires à la croissance et au développement des plantes, est lui jugé stable. Il n'y a pas d'évolution notable de l'acidité des sols, "ce qui indique une bonne gestion à l'échelle nationale", estime le rapport. Les sols ne montrent pas non plus de baisse mesurable de leurs teneurs en potassium, malgré une diminution importante des apports minéraux externes. Le rapport note aussi la richesse des sols en micro-organismes, qui, indique-t-il, "représentent un potentiel considérable pour une gestion plus écologique des sols et de la production agricole".
Menaces liées au réchauffement climatique
Les teneurs en phosphore sont relativement faibles dans de nombreux sols, mais en excédent dans les régions d'élevage telles que la Bretagne, une situation "très préoccupante en raison de son impact sur la qualité des eaux et sur l'eutrophisation des milieux". Les chercheurs ont aussi relevé au cours de la dernière décennie une accélération de l'artificialisation des sols au détriment des terres agricoles. Ce phénomène touche en 2010 8,9% des sols français. L'agriculture perd ainsi l'équivalent d'un département moyen tous les sept ans. "De ce point de vue, la gestion des sols périurbains est un enjeu important", note le rapport. "Une autre inquiétude majeure est relative à l'érosion des sols", soulignent les chercheurs, évoquant notamment les sols agricoles des grands bassins parisien et aquitain. "Elle est susceptible de remettre en cause la durabilité à long terme de certains agro-écosystèmes" et pourrait se trouver amplifiée sous l'effet du réchauffement climatique. Les événements climatiques extrêmes auxquels on s'attend pourraient aussi précipiter le déstockage de carbone organique. Le stock français, "considérable", atteint 3,2 milliards de tonnes dans les 30 premiers centimètres, ce qui joue un rôle de "levier temporaire d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre", mais évidemment pendant une durée "incertaine".
"Ce bilan souligne le besoin d'une politique de gestion durable des sols, concluent les chercheurs. Au-delà du diagnostic national, l'amélioration et le maintien de la qualité des sols nécessitent des réponses plus locales par les acteurs concernés. A ce titre, les opérations régionales d'inventaire cartographique des sols, en voie d'achèvement, devraient constituer des outils précieux d'aide à la décision pour une gestion des sols garantissant le maintien de leur multifonctionnalité."