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Santé - Pour une stratégie nationale de désamiantage dans les établissements publics

Le désamiantage des établissements publics, prochaine grande cause nationale ? Un rapport du comité de suivi amiante, adopté par la commission des affaires sociales du Sénat le 1er juillet, fait le point sur les enjeux du désamiantage. Appelant à ne pas bouleverser la réglementation en cours, il recommande de créer une véritable stratégie d'ensemble dotée d'un pilotage interministériel, de mieux chiffrer le coût du désamiantage et de renforcer le contrôle pour protéger les travailleurs exposés.

La commission des affaires sociales du Sénat a adopté le 1er juillet le rapport d'information de son comité de suivi amiante, présidé par la sénatrice EELV de Seine-Saint-Denis Aline Archimbaud. Huit ans après les travaux d'une mission sénatoriale conclus par la formulation de 28 propositions "pour mieux indemniser les victimes et tirer des leçons pour l'avenir", ce nouveau rapport estime que 17 des 28 mesures ont été mises en œuvre. Alors que la protection des travailleurs a progressé, notamment par le décret du 4 mars 2012, l'indemnisation des victimes et son financement sont à l'inverse "restés lettre morte". Analysant finement les conditions du désamiantage, le rapport estime que "la réglementation actuelle est globalement satisfaisante", mais pointe quatre types de lacunes ralentissant le processus. Elles concernent le pilotage d'ensemble, le repérage de l'amiante, l'insuffisance de contrôle et la complexité des règles en matière de santé publique.

L'amiante dans les HLM coûte 2,3 milliards par an

Devant "l'ampleur du drame sanitaire", Aline Archimbaud a appelé lors de l'examen du rapport en commission à "tout faire pour qu'à ce drame de l'amiante ne s'ajoute pas un nouveau drame lié aux conditions du désamiantage". Pour cela, le rapport met l'accent sur la nécessité de chiffrer les coûts du désamiantage. Ainsi l'Union sociale pour l'habitat (USH) "évalue à environ 2,3 milliards d'euros hors taxes le surcoût annuel lié à la présence d'amiante dans les logements sociaux collectifs". Soit le prix de la construction de 120.000 logements ou encore de la rénovation énergétique de 400.000 logements. Plus de 3 millions de logements collectifs sociaux sont en effet susceptibles de contenir de l'amiante (voir ci-contre notre article du 4 avril). Présenté comme exemplaire, cet effort de chiffrage rejoint d'autres initiatives de l'USH sur la prévention du risque amiante. Le rapport mentionne notamment "un guide pratique de grande qualité" à destination des organismes HLM et observe que "cet engagement de l'USH tranche singulièrement avec la très faible mobilisation des organisations représentatives du parc immobilier privé".  

Evaluations "défaillantes" dans les écoles et les établissements de santé

Quant aux établissements d'enseignement primaire, secondaire et supérieur, "les évaluations sont globalement défaillantes", pointe le rapport. Alors que 40% des collèges et des lycées pourraient contenir de l'amiante, selon une enquête partielle menée en 2010 par l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement (ONS). Les établissements de santé semblent encore moins avancés, le comité de suivi déplorant une absence de données tant en ce qui concerne les structures médico-sociales que les hôpitaux. Ces établissements n'étant d'ailleurs pas soutenus "techniquement" par le ministère de la santé sur le sujet, regrette le rapport. Les sénateurs demandent donc la mise en place d'une "mission interministérielle temporaire" chargée de définir une méthodologie d'estimation des coûts du désamiantage par secteur et d'évaluer l'implication des services administratifs sur le sujet.

Pilotage interministériel et filière professionnelle

Proposant de faire de la prévention des risques liés à l'amiante une grande cause nationale, le comité de suivi préconise d'élaborer une stratégie nationale pluriannuelle de désamiantage dans les établissements publics, fondée sur des critères objectifs et transparents". S'inspirant notamment de la gouvernance de la sécurité routière, le rapport propose la création d'un comité interministériel pour la santé, placé auprès du Premier ministre, pour piloter l'ensemble de la politique des risques liés aux produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR).
Outre des financements pérennes pour la mise en œuvre de cette stratégie, la structuration d'une filière professionnelle de désamiantage s'avère indispensable, estiment les sénateurs. En effet, "'l'impréparation du tissu industriel' se traduit par un conflit entre 'la demande, croissante, de la part des donneurs d'ordre, et une offre notoirement insuffisante'", selon le rapport citant l'USH. Cette dernière propose que les investissements d'avenir contribuent à l'émergence d'une telle filière. Autre action jugée nécessaire : la mise en place d''une mission d'appui pour les maîtres d'ouvrages publics confrontés au désamiantage", afin de tirer utilement les leçons des chantiers de désamiantage déjà réalisés.

Plus de contrôle pour protéger les travailleurs exposés

Tout en recommandant de ne pas bouleverser la réglementation actuelle sur l'amiante, le rapport propose de prévoir dans le Code du travail "une obligation générale de repérage et de diagnostic de l'amiante avant travaux pour tous les donneurs d'ordre et les propriétaires". En ce qui concerne la protection des travailleurs exposés, le comité de suivi préconise de renforcer le rôle des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en matière de prévention du risque amiante. Mais également d'augmenter les effectifs des inspecteurs du travail et de créer des cellules "amiante" dans les directions régionales du travail (Direccte) pour leur venir en appui.