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Santé/Environnement - Une première estimation du coût de la pollution de l'air intérieur en France

19 milliards d'euros : c'est le coût que représenterait la pollution de l'air intérieur en France pour une année donnée. Réalisée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI) et le professeur d'économie Pierre Kopp, une étude parue le 9 avril donne une première estimation du coût socio-économique de cette problématique de santé publique.

"Chaque individu passe près de 90% de son temps, en climat tempéré, dans des environnements intérieurs", rappelle l'Anses dans son étude sur l’estimation du coût de la pollution de l’air intérieur publiée le 9 avril. De ce fait, chacun est exposé de différentes façons à des polluants de l'air intérieur. Le type d'exposition et les conséquences sur la santé ne sont pas les mêmes selon la nature et la concentration des substances présentes dans l'air, qui elles-mêmes varient en fonction du lieu (et en particulier de l'état du bâtiment) et d'autres facteurs notamment comportementaux.

De nombreux polluants, des sources variées

Les principaux agents nocifs présents dans l'air intérieur sont des polluants chimiques (composés organiques volatils, monoxyde de carbone, phtalates, etc.), des bio contaminants (moisissures, allergènes d'acariens, pollens, etc.) et des particules et fibres (amiante, fibres minérales artificielles, etc.). Ces polluants proviennent de sources variées, à la fois endogènes à l'environnement et ses occupants (matériaux de construction, mobilier, appareils de combustion, produits d'entretien, tabagisme,…) et exogènes (pollution atmosphérique parvenant à l'intérieur notamment).
Si des travaux scientifiques conduisent régulièrement à améliorer l'appréhension des risques sanitaires liés à l'exposition à ces polluants de l'air intérieur, le coût global de ce phénomène pour la société française n'avait jusque-là pas été mesuré. L'Anses, l’Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI) et Pierre Kopp, professeur d'économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ouvrent donc la voie en proposant une méthode et en dégageant des premiers ordres de grandeur.

Un coût essentiellement "humain"

L'étude s'intéresse à "l’impact de la pollution de l’air intérieur sur le bien-être collectif", soit au coût socio-économique monétarisé qui correspond au "volume des ressources dont la société se prive du fait de cette pollution". Ce coût global comprend d'une part le "coût externe", c'est-à-dire "la valeur monétaire des ressources qui sont dissipées du fait de l’existence de cette pollution" (vies humaines, pertes de productivité, etc.), et d'autre part "l’impact sur le bien-être de la variation du solde des finances publiques". Ce solde correspond à la différence entre les dépenses publiques engendrées par cette pollution (soins des malades, prévention, etc.) et les dépenses publiques "évitées" (en particulier les pensions de retraite non versées du fait des décès).
Pour évaluer le coût global, l'étude évalue l'importance de ces différents aspects pour chacun des six polluants qui ont été considérés : le benzène, le radon, le trichloréthylène, le monoxyde de carbone, les particules et la fumée de tabac environnementale. Selon la méthode utilisée, le coût global pour la collectivité est estimé à 19,5 milliards d'euros pour une année. L'Anses précise que "l’essentiel du coût socio-économique tient à la mortalité et à la baisse de la qualité de la vie des personnes victimes d’une pathologie", ces deux coûts étant chacun évalués à 8,9 milliards d'euros. Quant au coût pour les finances publiques, il est en partie compensé par les économies liées aux retraites non versées et ne représente donc que 163 millions d'euros, soit moins de 1% du total.
Parmi les polluants pris en compte par l'étude, les "particules représentent une part prépondérante du coût global", avec notamment un poids de 73% du coût externe qui s'explique par le fait que "82% des décès sont imputables à l’indicateur particules en suspension". Le radon, la fumée de tabac environnementale et le benzène arrivent loin derrière, avec respectivement 14%, 7% et 4,5% du coût externe.

Des prolongements nécessaires pour mieux agir

L'étude, qui se dit "exploratoire", nécessitera selon ses auteurs des prolongements, mais présente l'intérêt de "démontre[r] la faisabilité d'une telle approche". En affinant la méthode et en se dotant de données complémentaires, l'idée est de parvenir à "une quantification plus fine et plus complète des coûts", notamment en fonction de la "concentration des polluants dans les différents lieux de vie et non uniquement dans les logements".
Ces données sont destinées à constituer des outils d'aide à la décision qui permettraient aux décideurs de faire évoluer la législation, la réglementation et leur application. Le rapport suggère "un développement de la réglementation spécifique à l'habitat" et soulève la question du partage de la responsabilité qui nécessiterait "un mécanisme de sanction approprié". 
Concernant l'action locale, les auteurs de l'étude espèrent que les travaux aboutissent à terme à la conception d'un outil permettant à chaque décideur de "modéliser les effets des polluants intérieurs sur la collectivité et de tester l’efficacité respective des mesures destinées à les réduire".
 

 

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