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Pour la HAS, la protection de l'enfance ne s'en sort pas si mal, malgré les difficultés

La Haute Autorité de santé a entrepris un un état des lieux national des pratiques de bientraitance au sein des établissements d'accueil de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), dans un contexte de difficultés et traumatismes multiples pour les enfants concernés.

La Haute Autorité de santé publie les résultats de son "Enquête sur les pratiques professionnelles contribuant à la bientraitance des enfants et des adolescents accueillis dans les établissements d'accueil de la protection de l'enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse", portant sur l'année 2015. Une telle thématique sous le timbre de la HAS peut sembler saugrenue, mais elle résulte de l'absorption contre-nature de l'Anesm (Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux) par la Haute Autorité de santé, intervenue en avril 2018 (voir notre article ci-dessous du 13 octobre 2017).

Près de la moitié des enfants pris en charge ont connu la maltraitance

Sur le fond, l'enquête, lancée à l'époque de l'Anesm et poursuivie par les équipes de cette dernière passées à la HAS, visait un double objectif. D'une part, procéder à un état des lieux national des pratiques de bientraitance au sein des établissements d'accueil de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), dans le secteur public comme dans le secteur associatif habilité. D'autre part, "soutenir les professionnels dans une dynamique de déploiement de la bientraitance au sein des établissements". Près de la moitié (47%) des établissements de l'ASE ont répondu, représentant près de 24.000 mineurs. Les chiffres sont plus faibles pour la PJJ avec 65 établissements regroupant près de 900 mineurs.

Les "marqueurs populationnels" résultant de cette étude montrent la très forte prégnance de la maltraitance chez les mineurs pris en charge dans ces structures : cinq jeunes sur dix ont, dans leur dossier, des faits ou des risques de maltraitance. Autres marqueurs mis en évidence par l'enquête : le nombre grandissant des mineurs non accompagnés, la présence de handicap pour un certain nombre de mineurs protégés (ce qui "interpelle le repérage, le diagnostic et la nature de la mesure, notamment dans les établissements de la PJJ"), les retards de scolarisation, la déscolarisation ou le décrochage scolaire (qui conduisent à s'interroger sur la discontinuité du parcours et les collaborations avec l'Éducation nationale et le champ médicosocial)...

Le poids des ruptures

L'enquête met également en évidence la rupture des liens des enfants et des adolescents avec leur entourage (cas de près de cinq mineurs accueillis sur dix). Ce point "configure une véritable alerte de repérage, d'accompagnement et de vigilance quant aux effets d'une souffrance psychique, potentiellement évolutive, souvent silencieuse". D'autant plus que la séparation d'avec son environnement et le placement en institution "constituent un risque traumatique supplémentaire". Enfin, l'enquête met en évidence - sans surprise - la forte judiciarisation des placements (77% pour 13 % de mesures administratives), signe de la gravité des situations auxquelles ces enfants et adolescents sont exposés.

En termes d'organisation, l'enquête fait apparaître le rôle essentiel des foyers départementaux de l'enfance, gérés le plus souvent directement par les départements et qui assurent l'accueil, l'observation et l'orientation des enfants. Le rapport consacre également un chapitre aux parcours de vie, qui fait apparaître "une évolution des pratiques à travers les protocoles d'accueil mis en place par les établissements, comme le partage d'information à caractère secret au sein des établissements, la construction du projet personnalisé avec l'enfant ou l'adolescent, la fréquence de la réévaluation du projet personnalisé". Il reste néanmoins que six mineurs sur dix n'ont pas encore de projet. Le rapport pointe aussi le manque de préparation de la sortie du dispositif par certains établissements, les probables "sorties sèches" (20% de réorientation) et le défaut de pratiques de bientraitance lors de départs non prévus ou non anticipés.

Des "besoins fondamentaux" à satisfaire

Un autre chapitre passe en revue les "besoins fondamentaux" des enfants pris en charge, comme la santé (quatre mineurs sur dix présentent des troubles de la compréhension), la scolarisation et le besoin de sécurité (face à l'isolement de certains enfants par rapport à leur entourage, 80% des établissements engagent des actions de réactivation des liens familiaux).

Un autre chapitre pose la question de la liberté d'aller et de venir (les fugues) et celle des événements indésirables (comme la violence). Il aborde également la question de la participation des enfants et des adolescents et de leurs parents au fonctionnement de la structure et celle de leurs motifs d'insatisfaction. Il en ressort "une certaine insatisfaction des enfants et des adolescents vis-à-vis du fonctionnement collectif de la structure, alors que la relation à l'éducateur est satisfaisante", tandis que les parents "se plaignent de l'inaccessibilité des professionnels et des établissements".

Conclusion de l'enquête : "Les problématiques spécifiques des enfants et des adolescents mis en lumière par l'enquête, les effets de la mesure sur leur stabilité, le manque d'individualisation de l'accompagnement dans le collectif, viennent confirmer la nécessité de former les professionnels et de mettre en place un véritable management de l'urgence en protection de l'enfance."

 

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