Santé - Pour la Cour des comptes, la télémédecine offre plus de perspectives que de résultats
Dans son rapport 2017, présenté le 20 septembre, sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (voir aussi notre article sur l'accès aux soins dans cette édition), la Cour des comptes consacre un chapitre à "La télémédecine : une stratégie cohérente à mettre en œuvre". Après avoir rappelé que ce terme générique recouvre plusieurs technologies et usages - téléconsultation, télé-expertise, télésurveillance, téléassistance et réponse apportée dans le cadre de la régulation médicale des appels au Samu -, les magistrats de la rue Cambon dressent un état des lieux pour le moins mitigé.
Une opportunité pour les territoires périphériques ou isolés
La télémédecine apparaît certes comme "une contribution potentiellement majeure à la modernisation du système de santé" et permet "des progrès avérés" pour son efficience. Elle constitue aussi une solution pour contribuer à la couverture sanitaire des populations de territoires périphériques ou peu accessibles, ou présentant des caractéristiques spécifiques, "en faisant ainsi l'économie de structures sous-utilisées et de transports onéreux".
Au sein de la télémédecine, la télésurveillance des patients atteints de pathologies chroniques (onze millions de personnes, à l'origine de 60% des dépenses d'assurance maladie en France) "apparaît la plus prometteuse".
La télémédecine peut aussi améliorer les conditions de prise en charge des patients, grâce à un suivi en temps réel de leur état de santé, ainsi qu'à une traçabilité et un partage de l'information. Elle favorise également un transfert de connaissances et de savoir-faire entre professionnels, mais aussi un recentrage des praticiens médicaux sur les actes à plus forte valeur ajoutée médicale.
"Une action publique dispersée aux résultats modestes"
Mais, face à ce potentiel, la Cour des comptes pointe "une action publique dispersée aux résultats modestes". Le rapport dénonce en particulier la succession, depuis 2010, d'initiatives "sans ligne directrice claire ni continuité, marquées par leur caractère expérimental et leur défaut d'évaluation". Des termes qui évoquent aussi un autre serpent de mer à forte connotation technologique : celui du dossier médical personnel (DMP).
Le rapport cite en exemple de cette déshérence le plan national lancé en 2010, "puis immédiatement abandonné en 2011". Conséquence : faute d'un cadrage national précis, les ARS subventionnent des expérimentations locales centrées sur des établissements hospitaliers, avec un volume des actes de télémédecine qui reste "insignifiant".
Même l'extension des expérimentations vers la médecine de ville et les établissements médicosociaux, annoncée en 2014 (voir notre article ci-dessous du 6 mars 2014), n'avait toujours pas débuté à l'automne 2016. Sans oublier que l'assurance maladie mène de son côté une action autonome en négociant directement avec les professionnels libéraux de santé la définition d'actes de télémédecine (quatre actes inscrits à ce jour à la nomenclature et deux en négociation)...
Face à cette dispersion et ces incohérences, la Cour des comptes plaide pour "une stratégie rapide, forte et cohérente, afin de réaliser les gains d'efficience permis par la télémédecine, sans inflation des dépenses". Ceci devrait passer notamment par la mise sur pied de l'ensemble des cadres juridiques et techniques nécessaires à la réalisation des actes de télémédecine, en lien avec la généralisation du DMP, "récemment relancé à la suite d'un échec coûteux".
En parallèle, il convient aussi de définir "un cadre tarifaire simple et lisible, à même de stimuler le développement de la télémédecine, tout en prévenant tout risque d'inflation des dépenses liée à l'intervention de plusieurs professionnels ou établissements de santé lors des actes de télémédecine".