Pollution lumineuse : une nouvelle proposition de loi pour la "préservation de l’environnement nocturne"
Présentée ce 9 avril, une proposition de loi déposée par le député Arnaud Saint-Martin (Seine-et-Marne, LFI-NFP) entend davantage protéger l’environnement nocturne de la pollution lumineuse. Elle prévoit notamment d’élargir le champ d’application de la réglementation sur l’extinction des points lumineux, reprend la proposition d’interdiction des panneaux publicitaires lumineux dans l’espace public et les transports en commun contenue dans un précédent texte défendu en 2023 et instaure un nouveau plafond pour diminuer la quantité de lumière bleue dans l’éclairage nocturne.

© C.CASABIANCA/REA
Présentée à la presse ce 9 avril et déposée à l’Assemblée nationale le 18 mars, la proposition de loi du député Arnaud Saint-Martin (Seine-et-Marne, LFI-NFP), co-signée par l’ensemble de son groupe parlementaire, remet sur le devant de la scène la lutte contre la pollution lumineuse et la question de la préservation de l’environnement nocturne.
Multiplication des points lumineux
Le texte souligne les "implications néfastes dans de nombreux domaines" de la "profusion d’éclairage artificiel", aussi qualifiée par ses auteurs de "vacarme lumineux". Sur le plan sanitaire, d’abord, le phénomène "affecte le métabolisme de l’espèce humaine", souligne l’exposé des motifs. "Bloquant la production de mélatonine, activant les mécanismes d’éveil, il dérègle l’ensemble du cycle biologique", poursuit-il. Il constitue en outre une "pression supplémentaire sur les habitats", ajoute-t-il, et par voie de conséquence sur la biodiversité, alors que "28% des vertébrés et 74% des invertébrés dépendent directement de la nuit pour au moins une phase de leur cycle de vie", relève l’exposé des motifs.
L’abondance d’éclairage artificiel, qui "condamne l’accès au ciel étoilé", "nuisant ainsi à la recherche scientifique", constitue également "une part importante des consommations d’énergie". Selon l’Ademe, l’éclairage public représente 41% des consommations d’électricité des collectivités territoriales, même si cette consommation a tendance à diminuer avec le passage massif à l’éclairage LED, est-il rappelé. Mais "le gain de consommation que cette technologie apporte (…) est trop souvent neutralisé par une multiplication des points lumineux, ou de leur puissance lumineuse", relativise le texte.
85% du territoire concerné
Selon l’Observatoire national de la biodiversité, 85% du territoire hexagonal, en particulier les aires urbaines, subissent des pressions dues à la pollution lumineuse. Et la tendance est à la hausse, avec l’ajout d’écrans publicitaires lumineux dans l’espace public aux éclairages traditionnels, relèvent les signataires de la proposition de loi, qui rappellent avoir auditionné, pour l’élaborer, des experts, notamment de l’observatoire de l’environnement nocturne du CNRS, des associations (France Nature Environnement et l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement Nocturnes), ainsi que des élus.
"Il est impératif de mettre la lutte contre la pollution lumineuse à l’agenda, afin d’en faire un paramètre déterminant dans l’élaboration des politiques publiques en matière d’urbanisme, d’organisation de l’espace public et de maîtrise des impacts des activités économiques", affirment les députés qui citent en exemple des maires qui ont choisi, "soit d’éteindre leurs éclairages la nuit, soit d’en diminuer l’intensité". "Dans la plupart des cas", "aucune corrélation entre l’augmentation de la criminalité ou du banditisme et l’extinction de l’éclairage nocturne" n’a été rapportée, affirment les auteurs de la proposition de loi.
Elargissement des prescriptions
Composé de huit articles, le texte introduit d’abord dans la loi la notion de "trame noire", qui fait référence aux espaces propices à la restauration de l’environnement nocturne et de ses continuités écologiques. Il élargit en outre le champ d’application des prescriptions en matière de nuisances lumineuses en suspendant l’exemption dont bénéficiaient jusqu’alors les aménagements qui comprenaient une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Cette exclusion devrait ainsi être limitée à la seule ICPE au sein de l’aménagement. Dans le cas d’un supermarché comprenant une station‑service réglementée au titre de la législation des installations classées, par exemple, le texte permet de soumettre de plein droit l’ensemble du site aux règlementations concernant la préservation de l’environnement nocturne, à l’exception de la seule station‑service classée en ICPE.
Nouveau plafond pour diminuer la quantité de lumière bleue
Autre disposition plus sensible : l’interdiction des dispositifs publicitaires numériques et rétroéclairés dans l’espace public et les espaces de transports en commun. La mesure avait été proposée par la députée Delphine Batho (Deux-Sèvres, Écologiste) en février 2023 mais son texte avait été vidé de sa substance un mois plus tard lors de son examen par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale.
La nouvelle proposition de loi instaure également un nouveau plafond pour diminuer la quantité de lumière bleue dans l’éclairage nocturne, et redéfinit la plage de fonctionnement des installations d’éclairage hors activité, afin de limiter l’exposition aux sources de lumière artificielles. Le plafond de 2.700 kelvins vient ainsi remplacer celui de 3.000 kelvins introduit par l’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses. Il instaure également une limitation de temps d’éclairage, une obligation d’orientation des flux vers le bas, et limite la densité des flux des éclairages publics. Il élargit en outre le champ d’application des prescriptions en matière de nuisances lumineuses en ajoutant les installations agricoles, et les mises en lumière de monuments naturels (falaises, gorges…) "qui impactent des écosystèmes entiers pour une valeur ajoutée nulle", estiment les auteurs du texte.
Elargir les missions de l'OFB aux nuisances lumineuses
Ils prévoient aussi d’étendre les missions de police administrative et de police judiciaire de l’Office français de la biodiversité (OFB) aux nuisances lumineuses afin d’assurer l’effectivité des contrôles de conformité. "L’article L. 583‑3 du code de l’environnement dispose que le contrôle du respect des prescriptions en matière de réduction des pollutions lumineuses relève en partie de la compétence de l’État, au titre d’une police administrative spéciale. Les nouvelles missions confiées à l’Office français de la biodiversité (OFB) lui permettent d’assurer ce rôle", soulignent les députés qui se disent également favorables à l’augmentation des moyens humains et financiers de l’office, "afin de lui permettre d’assurer dans les meilleures conditions les missions essentielles qui lui sont confiées".
Les auteurs du texte veulent également garantir l’accès à l’information sur les caractéristiques des installations d’éclairage du domaine public. Enfin, ils fixent le 1er janvier 2027 comme date d’échéance pour le contrôle de la mise en conformité de l’ensemble des éclairages publics comme privés et pour les prescriptions de direction des flux, puissance lumineuse, colorimétrie et temporalité édictées par l’arrêté du 27 décembre 2018 et par leur proposition de loi, et ce afin de faire respecter des normes encore très peu appliquées, selon eux.