Environnement - Pollution aux nitrates : nouvelle condamnation de la France par la justice européenne
La France a de nouveau été condamnée ce 4 septembre par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour manquement à ses obligations de lutte contre la pollution aux nitrates. "La Cour considère que, dans une très grande partie, la France n'a pas correctement transposé la directive nitrates, si bien qu'il y a un risque de pollution des eaux par l'azote non absorbée par les plantes", a-t-elle résumé dans un communiqué. Dans un arrêt de juin 2013, la CJUE avait condamné une première fois la France pour ne pas avoir procédé à un recensement complet des zones vulnérables, qui, selon la directive de 1991, devrait englober la moitié de son territoire, soit quelque 22.800 communes.
Cette fois-ci, la justice européenne estime que la France a manqué à ses obligations sur plusieurs points. D'abord, "en s'abstenant d'interdire, pendant certaines périodes, l'épandage de tout type de fertilisant" et "en prévoyant des périodes d'interdiction d'épandage trop courtes pour les divers types de fertilisants". Elle lui reproche aussi un manquement à ses obligations sur la capacité de stockage des effluents d'élevage : "La Cour relève que, selon le droit français, le calcul des capacités de stockage peut tenir compte, jusqu'au 1er juillet 2016, d'un calendrier d'interdiction d'épandage non conforme aux exigences de la directive. En outre, la réglementation française permet le stockage du fumier compact pailleux jusqu'à une durée de dix mois sans prévoir une protection entre le sol et les effluents ou une couverture de ceux-ci, si bien que le risque de pollution des eaux associé à cette modalité de stockage est bien réel." La Cour considère également que "la réglementation française ne comporte pas de dispositions suffisamment précises pour permettre aux agriculteurs et aux autorités de contrôle de calculer de manière exacte la quantité d'azote à épandre afin de garantir une fertilisation équilibrée." De plus, elle constate que les valeurs de rejet d'azote prévues par le droit français pour divers types d'animaux (vaches laitières et autres bovins, porcins, volaille, ovins, caprins, équins et lapins) ont été calculées sur le fondement de données inexactes ou surestimées." La Cour juge également que la France a manqué à ses obligations "en s'abstenant d'interdire l'épandage de fertilisants au-delà de certains pourcentages de pente" et constate que "la France n'a pas adopté de règles interdisant l'épandage des fertilisants sur les sols gelés ou couverts de neige, alors qu'un tel épandage comporte des risques importants de ruissellement et de lessivage." A ce stade, cette condamnation n'entraîne pas de sanctions pécuniaires mais contraint la France à remédier dans les meilleurs délais aux manquements. Dans le cas contraire, la Commission européenne pourrait introduire un nouveau recours devant la CJUE, exposant alors la France à de lourdes astreintes financières.
"Ni une surprise, ni une première !"
"Il ne faut pas prendre cette décision comme une décision négative mais comme une nécessité d'agir davantage", a réagi Ségolène Royal, lors d'un déplacement au siège de Schneider Electric, à Rueil-Malmaison, ce 4 septembre. "On va trouver des solutions pour à la fois respecter les règles, lutter contre la pollution et que les agriculteurs n'aient pas de charges trop lourdes", a ajouté la ministre de l'Écologie, qui souhaite également que "le prix de l'assainissement baisse".
L'association environnementale Eaux et Rivières de Bretagne a estimé pour sa part dans un communiqué que la nouvelle condamnation de la France "n'est hélas, ni une surprise, ni une première !". Selon elle, elle est "le résultat direct de la faiblesse avec laquelle les gouvernements successifs ont conduit la lutte contre les pollutions diffuses agricoles" et dont l'extension des marées vertes sur une part croissante du littoral est un des "signes les plus visibles". Pour le vice-président d'Eau et Rivières de Bretagne, Dominique Avelange, "il est urgent de changer de braquet si nous voulons éviter de payer des amendes astronomiques". Estimant que "tous les outils réglementaires, financiers et techniques existent pour permettre de soutenir et de développer une agriculture respectueuse de l'environnement", l'association considère qu'il "n'y a aucune fatalité à la pollution par les nitrates" mais que "c'est la volonté politique qui manque". Elle demande au gouvernement de taxer les engrais chimiques azotés, d'utiliser les aides de la politique agricole commune (PAC) pour encourager les pratiques agricoles à basses fuites d'azote et de renforcer la réglementation dans les zones vulnérables. "S'il devait y avoir des amendes, (ce serait) au ministère de l'Agriculture et à la FNSEA de les payer puisqu'ils sont les cogestionnaires de la politique agricole qui a nitraté nos rivières", conclut l'association environnementale.
Anne Lenormand avec AEF
*La garantie du respect de la limitation d'épandage des effluents d'élevage est de 170 kg d'azote par hectare et par an