Environnement - Pollution aux nitrates : Bruxelles assigne la France devant la justice européenne
L'annonce tombe plutôt mal, en plein Salon de l'agriculture et à quelques jours du Forum mondial de l'eau organisé à Marseille du 12 au 17 mars. La Commission européenne a en effet décidé de raviver le contentieux avec Paris sur les nitrates en indiquant ce 27 février qu'elle traduisait la France devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour n'avoir pas pris les "mesures efficaces" afin de lutter contre la pollution des eaux par ces substances. Depuis la directive Nitrates de 1991, les Etats membres de l'Union européenne ont l'obligation de surveiller leurs eaux et de définir celles atteintes ou susceptibles de l'être par la pollution aux nitrates d'origine agricole. La directive exige des Etats qu'ils désignent comme zones vulnérables aux nitrates toutes les zones connues qui alimentent ces eaux et contribuent à la pollution. Les Etats doivent également mettre en place pour ces zones des programmes d'action appropriés visant à prévenir et à réduire cette pollution. Or selon la Commission européenne, la France n'a toujours pas désigné "un certain nombre de zones vulnérables à la pollution par les nitrates et il lui reste à adopter des mesures pour lutter efficacement contre cette pollution dans ces zones". Pour la Commission, la législation française et les programmes d'action adoptés "manquent de précision et présentent de nombreuses lacunes : les périodes d'interdiction sont inappropriées et les restrictions concernant l'épandage des effluents d'élevage et des fertilisants sont insuffisantes". L'exécutif européen "demande donc instamment à la France de prendre des mesures en désignant davantage de zones et en élaborant des plans appropriés pour faire face au problème", précise le communiqué de Bruxelles.
"Tout sauf une surprise"
La Commission avait adressé une mise en garde à la France le 26 octobre dernier, à la suite de quoi Paris avait modifié sa réglementation. "Mais la lenteur des progrès et l'insuffisance des changements proposés ont conduit la Commission à transférer le dossier" à la CJUE, a souligné Bruxelles. La France, qui a maille à partir avec la Commission depuis des années au sujet des nitrates, notamment en Bretagne, risque cette fois-ci des amendes importantes.
A Paris, au ministère de l'Ecologie, on estime pourtant que les nouvelles dispositions adoptées à l'automne 2011 ont permis de durcir la réglementation "pour aller dans le sens des demandes de la Commission". "On va se défendre à la Cour de justice sur la base de ce qu'on a produit", a-t-on indiqué à la direction de l'Eau et de la Biodiversité, soulignant que d'autres arrêtés sont attendus en 2012 pour "compléter le dispositif" et permettre de rendre opérationnels tous les programmes d'action d'ici mi-2013. La désignation de nouvelles zones vulnérables doit avoir lieu d'ici fin 2012 avec la prise en compte de nouveaux critères, selon le ministère.
Pour l'association Eau et rivières de Bretagne, cette nouvelle décision de Bruxelles est "tout sauf une surprise". Le problème récurrent de la pollution aux nitrates dans les rivières bretonnes s'explique par la nature intensive de l'élevage et des cultures dans cette région qui représente 7% de la surface agricole française mais rassemble 50% des élevages de porcs, 50% des élevages de volailles et 30% des bovins.