Présidentielle - Politiques publiques : France urbaine prône une "révolution de la méthode"
Les élus des grands territoires urbains veulent peser dans la campagne présidentielle. L'association qui les fédère, France urbaine, a élaboré une plateforme de propositions qu'elle va adresser aux candidats. Lors d'une conférence de presse, ce 8 mars, elle en a présenté les points saillants. Selon l'association, un nouveau "mode de fabrique des politiques publiques" doit advenir. Maîtres mots : la coopération, le dialogue et la confiance.
France urbaine a plaidé, ce 8 mars, pour que le prochain quinquennat donne lieu à "une révolution de la méthode" et de nouvelles relations entre l'État et les collectivités locales, fondées sur "le dialogue et la confiance". À un mois du premier tour de l'élection présidentielle, l'association qui fédère les élus des grandes villes et de leurs agglomérations – 106 communes et groupements de communes en sont membres – présentait à la presse "l'adresse" qu'elle s'apprête à remettre aux douze candidats à ce scrutin. Ou plus exactement "la synthèse" de ces propositions. Les détails seront dévoilés ultérieurement. Pour cause : les travaux des différentes commissions de l'association, auxquels ont participé des élus des diverses tendances politiques, ont abouti au nombre record de 322 propositions, réparties en 32 fiches thématiques. Ces pistes "concrètes", qui ne sont "pas un catalogue de slogans", mais qui "partent des usages, du vécu", "privilégient le fond sur la posture", a souligné Jean-Luc Moudenc, premier vice-président de l'association, maire de Toulouse et président de Toulouse métropole.
Le noyau dur de cette riche contribution a trait à "la méthode" selon laquelle doivent être élaborées et mises en œuvre les politiques publiques, ainsi qu'aux relations entre l'Etat et les collectivités. Les élus des grandes villes et intercommunalités ne revendiquent pas de nouvelles compétences au profit de leurs collectivités et établissements, mais plutôt "un approfondissement" des compétences qu'ils détiennent déjà. Ils disent se refuser à suivre Territoires unis – l'alliance formée par l'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France et Régions de France – qui réclame "un nouvel acte de décentralisation".
Laisser les mains libres aux collectivités
"Trop de verticalité et d'uniformité nuit à l'efficacité des politiques publiques", a dénoncé Nathalie Appéré, maire de Rennes et présidente de Rennes métropole. Il est temps d'"entrer dans une phase de maturité de la décentralisation", fondée sur "la confiance", "l'autonomie" et "un dialogue permanent", a-t-elle dit.
Ces principes n'ont pas toujours été au rendez-vous de ce quinquennat, a regretté Jean-Luc Moudenc. "On a senti au départ une culture centralisatrice qui était aux commandes. Mais, il faut être honnête, on a senti aussi une évolution, un 'aller vers' les élus locaux que nous sommes, au fil du temps, au fil des crises parfois", a-t-il jugé. Ce quinquennat se terminerait en demi-teinte, selon le maire de la ville rose : "L'esprit de la décentralisation, pour nous, il n'est pas encore entré dans les mœurs, dans la culture de l'État et, avec le gouvernement actuel, dans celle des administrations centrales".
"Notre vision c'est celle d'un État qui définit les objectifs (…) et qui, par contre, laisse la main aux collectivités sur la méthode et le moyen de les atteindre", a précisé Nathalie Appéré. Ultérieurement, la maire de Rennes a revendiqué la possibilité pour les collectivités de participer à la définition des objectifs des politiques publiques avec l'État. Elle a souhaité que cette méthode soit appliquée par exemple à la politique du logement. Une fois les objectifs définis, "l'État doit être en soutien de nos dispositifs locaux, de nos expérimentations", a-t-elle dit. En ajoutant que l'État se devait d'évaluer ensuite si les objectifs étaient atteints.
Contractualisation
Pour France urbaine, l'État doit renoncer aux "décisions verticales" et aux appels à projets qui génèrent des inégalités entre les collectivités bien dotées en ingénierie et les autres qui le sont moins, afin de privilégier les contrats avec les collectivités locales. Dans ce cas de figure, les crédits de l'État sont "décentralisés" au profit des projets conçus par les collectivités et leurs groupements et "qui correspondent exactement aux orientations de l'État".
Il est nécessaire que les contrats qui unissent les grandes collectivités à l'État comportent un volet "coopération", a plaidé Nathalie Appéré. "On veut embarquer dans les contrats non seulement nos métropoles, mais aussi les territoires avec lesquels on travaille, pour mutualiser ces capacités d'ingénierie", a-t-elle expliqué. En soulignant "l'interdépendance" des territoires les plus urbanisés avec leurs voisins plus ruraux.
Les élus de France urbaine ne seraient pas hostiles au retour des contrats en matière de finances locales, mais pas tels qu'ils ont été appliqués durant ce quinquennat. Selon Nathalie Appéré, les critères mis en place pour la période 2018-2019 "n'avaient pas grand sens", car ils avaient été "conçus au niveau central" et ils "s'appliquaient de manière mécanique", sans prendre en compte les différences entre les territoires. L'association pose ses conditions dans l'hypothèse où ces contrats referaient leur apparition dans les prochains mois : les élus locaux devront pouvoir discuter véritablement des objectifs et des modalités de mise en œuvre.
Autonomie fiscale
En matière de finances locales, l'association plaide aussi pour une autonomie accrue des collectivités locales. Pour y parvenir, elle propose le remplacement des principales dotations de l'État par des ressources fiscales territorialisées.
Pour mener à bien les transitions énergétique et écologique, autre priorité définie dans l'adresse, l'association réclame notamment la délégation des aides de l'État pour la rénovation énergétique (MaPrimeRénov). Par ailleurs, prônant un cadre juridique plus favorable aux circuits courts en matière alimentaire, les élus urbains demandent une évolution de la transposition des directives communautaires.
En matière de sécurité, France urbaine avait présenté 40 propositions, le 3 mars, au Creusot (voir notre article).
Prochaine étape pour l'association : l'audition des candidats à la présidentielle, ou de leurs représentants. Organisée avec Intercommunalités de France, le rendez-vous aura lieu le 22 mars à l'Institut du monde arabe, à Paris.