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Présidentielle : Intercommunalités de France détaille son "manifeste"

Les associations d'élus locaux dévoilent les unes après les autres leurs propositions aux candidats à l'élection présidentielle. Intercommunalités de France s'est livrée à son tour à l'exercice, ce 3 mars. Devant la presse, ses responsables se sont montrés avant tout soucieux de la "lisibilité" de leurs structures auprès des citoyens. Et ont souhaité qu'elles puissent exercer des responsabilités renforcées, par exemple en matière de politiques pour la jeunesse, de santé, ou encore de réindustrialisation.

Intercommunalités de France (ex-Assemblée des communautés de France, ADCF) avait été l'une des premières associations d'élus locaux à présenter une plateforme d'idées et de propositions en vue de l'élection présidentielle. Le "manifeste" qu'elle avait présenté mi-octobre, lors de sa convention annuelle à Clermont-Ferrand, fixait un cadre et de grandes orientations assorties de 25 pistes. Depuis, les commissions thématiques de l'association ont planché sur des propositions plus détaillées ou complémentaires, relevant de huit domaines : les relations Etat-collectivités, la gouvernance de l'intercommunalité, la "réindustrialisation par les territoires", la rénovation énergétique des bâtiments, les politiques pour les jeunes, la santé, la fiscalité et la péréquation. Le conseil d'administration de l'association a examiné le 3 mars ces propositions, peu avant une rencontre en visioconférence avec la presse, au cours de laquelle une partie des responsables de l'association les ont présentées.

Au total, l'association est restée fidèle à la philosophie qui inspire son action depuis de nombreuses années. Celle-ci repose sur l'idée que "la coopération" - avec l'Etat et les collectivités territoriales - vaut mieux que "le conflit", pour faire avancer "le projet de territoire", comme l'affirmait en conclusion de la rencontre avec la presse le président d'Intercommunalités de France, Sébastien Martin. Avec ses collègues, il s'est dit "insatisfait" de "l'abandon", au cours du quinquennat, de la conférence nationale des territoires, qui avait pour objectif de favoriser les discussions entre l'exécutif et les élus locaux. Une instance nationale "officielle" de dialogue devra, selon eux, être à nouveau instaurée lors des prochaines années.

Un "grand ministère" des Territoires

De l'avis des présidents d'intercommunalité, le nécessaire dialogue avec l'Etat a été facilité ces dernières années par le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Ce dernier a su "se mettre à l'écoute du territoire", manifestant l'attitude d'un "Etat sortant de sa logique descendante", a salué Sébastien Martin. Il a plaidé pour qu'un "grand ministère des Territoires" reconduise cet état d'esprit lors du prochain quinquennat. Ce ministère, que Intercommunalités de France appelle de ses vœux, aurait une puissance d'action augmentée, car il regrouperait "les portefeuilles de la politique de la Ville, du Logement, du Numérique et des Transports".

L'ADCF avait, aussi, souvent estimé qu'une politique pragmatique des petits pas est préférable à un grand soir. Intercommunalités de France s'inscrit toujours dans cette lignée, y compris avec ses propositions pour la prochaine législature. C'est vrai en matière institutionnelle : la pause revendiquée ces dernières années sert toujours de cap. Sébastien Martin l'a redit à la presse : "Il n'y a pas, de notre part, la volonté d'aller beaucoup plus loin sur ces questions-là". Lors de la campagne pour les dernières élections municipales et communautaires, les présidents avaient toutefois regretté que leur échelon occupe une faible place dans les débats. Ils s'en souviennent. Cela les amène à proposer que, dans les professions de foi des candidats à ce scrutin, un espace soit consacré aux enjeux intercommunaux. Ils suggèrent par ailleurs qu'un débat sur l'intercommunalité soit obligatoirement organisé au cours de la campagne. C'est cette préoccupation de "lisibilité" de l'intercommunalité à l'égard des citoyens – davantage que celle de la parité entre les femmes et les hommes – qui conduit, par ailleurs, l'association à prôner l'extension à l'ensemble des communes de moins de 1.000 habitants de l'élection des conseillers communautaires au scrutin de liste par fléchage, aujourd'hui en vigueur uniquement dans les communes dont la taille est supérieure à ce seuil.

Autorités organisatrices des politiques jeunesse

Les intercommunalités aspirent à exercer de nouvelles responsabilités, mais là encore sans tout chambouler. Comme en matière d'habitat, avec les opportunités offertes par la loi 3DS du 21 février dernier. Une cinquantaine d'intercommunalités (communautés d'agglomération ou urbaines et métropoles) seraient en mesure d'exercer le rôle d'autorité organisatrice de l'habitat (AOH) créé par la loi, laquelle donne la faculté d'exercer des compétences dans les domaines de l’aide au logement et de l’hébergement.

Cette notion d'autorité organisatrice est chère aux présidents d'intercommunalité. Ils souhaitent qu'elle soit appliquée à plusieurs autres compétences, comme l'urbanisme et l'énergie. En matière de politiques locales de la jeunesse aussi : les intercommunalités se verraient bien en charge de leur "coordination", sans remettre en cause le rôle de chef de file que jouent les régions. "Ce sont des politiques qui doivent se tenir en proximité, avec des atterrissages très territorialisés", a plaidé Anne Terlez, vice-présidente de l’agglomération Seine-Eure. De même, les intercommunalités entendent jouer un rôle de "chef d'orchestre" pour la mise en œuvre des politiques locales de santé. Les quelque 300 contrats locaux de santé signés dans de nombreux cas à l'échelle intercommunale auraient permis de lutter, souvent "assez efficacement", notamment contre la désertification médicale, en permettant une meilleure coordination des soins. Intercommunalités de France souhaite la généralisation du dispositif d'ici la fin du prochain quinquennat.

L'association souhaite également que les intercommunalités prennent une part active dans la politique de réindustrialisation. L'une de ses propositions : que soient confiées au "couple intercommunalités-région" les "stratégies de gestion des compétences, de l’emploi, de l’insertion, de la formation et de l’enseignement supérieur et de la recherche". Par ailleurs, côté Etat, il faudrait créer, selon l'association, un ministère de l'Industrie de plein exercice - autrement dit qui ne soit pas rattaché au ministère du Budget, celui-ci étant "dans une logique comptable".

"Impôts de production" : halte aux "attaques" !

Les recettes fiscales des intercommunalités doivent "être en lien" avec les compétences qu'elles exercent, plaide l'ex-ADCF. Ce qui l'amène par exemple à revendiquer l'affectation aux groupements de communes d'une part de la fiscalité carbone. Mais aussi à appeler à la sanctuarisation des impôts dits de "production" (notamment la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, CVAE). Les intercommunalités doivent continuer à pouvoir bénéficier des retombées fiscales générées par les politiques de développement économique qu'elles mènent, a estimé Boris Ravignon, président de la communauté d’agglomération Ardenne Métropole. L'élu a rappelé que la suppression en 2021 d'une partie du produit des taxes foncières payées par les entreprises industrielles a été compensée par l'Etat. Mais "jusqu'à quand ? C'est la question que l'on se pose", a-t-il ajouté.

Intercommunalités de France fera d'autres propositions au printemps, notamment dans "le champ environnemental". D'ici-là, l'association auditionnera les candidats à l'élection présidentielle. Elle organisera ce "grand oral" le 22 mars à l'Institut du monde arabe à Paris, en collaboration avec France urbaine. L'association représentant les grandes villes aura alors, elle aussi, dévoilé ses propositions à l'occasion de l'élection présidentielle : leur présentation à la presse est prévue ce 8 mars.