Présidentielle : pour Territoires unis, "le débat doit avoir lieu"

L'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France et Régions de France auditionneront le 15 mars l'ensemble des candidats à l'élection présidentielle. Pour les présidents de ces trois associations composant Territoires unis, l'approche de cette élection doit permettre de "retrouver de l'intensité civique". Il leur paraît donc plus important que jamais, y compris dans un contexte de crise, d'entendre les candidats sur leur vision de l'action publique et des "libertés locales".

Dans deux semaines, le mardi 15 mars, l'ensemble des candidats à l'élection présidentielle seront conviés à s'exprimer devant des maires, des élus départementaux et des élus régionaux pour exposer "leur vision des libertés et de la démocratie locale". Pour chacun, dix minutes de prise de parole, suivies de vingt minutes de questions-réponses avec les trois associations d'élus composant Territoires unis – Association des maires de France (AMF), Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France. Le tout se déroulera à Montrouge près de Paris. "Dans une salle municipale" de 700 places, précise David Lisnard, le président de l'AMF. L'enjeu de l'exercice : "Que les candidats nous disent comment ils voient l'organisation des pouvoirs publics" et "clarifient leur vision" sur toute une série de sujets, résume-t-il.

Cet exercice avait déjà eu lieu il y a cinq ans pour l'AMF et pour l'ADF, à deux dates différentes (voir nos articles du 8 mars et du 22 mars 2017). Entre temps, en 2018, les trois grandes associations d'élus créaient Territoires unis lors de leur "appel de Marseille" (voir notre article de septembre 2018). Il leur a donc semblé normal, pour cette élection 2022, de mener l'opération sous cette bannière commune. Territoires unis est un "catalyseur de débats", dit David Lisnard. Et n'est pas, en revanche, "un parti politique ou une réaction face au pouvoir central", complète François Sauvadet, le président de l'ADF, Carole Delga évoquant au nom de Régions de France "une démarche constructive pour la République". Ce socle commun n'empêchera pas chacune des trois associations de publier son propre corpus de propositions. Régions de France présentera ainsi son "livre blanc" la semaine prochaine, le 8 mars, et l'ADF comme l'AMF finalisent leurs documents respectifs. "Nous avons des débats entre nous mais sommes d'accord sur l'essentiel", assure François Sauvadet.

D'ores et déjà, les présidents des trois associations ont signé le 1er mars une tribune commune dans Le Figaro et réunissaient la presse ce 2 mars – jour anniversaire de la première loi de décentralisation, ont-ils relevé – pour, notamment, souligner l’importance de "retrouver de l'intensité civique" à l'occasion de cette élection présidentielle et de la campagne qui va la précéder. "La présidentielle est le grand rendez-vous démocratique dont la France a besoin", dit David Lisnard. "Quelle légitimité aura le futur président s'il n'y a pas eu de véritable débat ?", s'interroge François Sauvadet, espérant au passage que l'actuel chef de l'Etat se déclarera candidat "le plus vite possible".

Malgré le contexte du moment donc, "le débat doit avoir lieu", insistent-ils. Aujourd'hui la guerre en Ukraine, hier les "les années Covid qui ont quelque peu anesthésié la politique", avant-hier les Gilets jaunes… Ces crises et "bouleversements" doivent selon eux conduire à s'interroger sur "la façon de gouverner le pays" et d'organiser l'action publique. D'autant plus que crise sanitaire et crise sociale ont mis en lumière l'importance de l'échelon local. "Il a fallu les Gilets jaunes pour qu'on redécouvre les maires", ironise François Sauvadet. Le rôle majeur qu'ont joué les collectivités pendant la pandémie (souvent au-delà de leurs compétences) est évidemment aussi rappelé. Et les toutes premières initiatives des collectivités en faveur des Ukrainiens sont évoquées (voir encadré ci-dessous). Les présidents des trois associations disent par ailleurs leur crainte d'un éloignement croissant des Français pour les enjeux démocratiques ("même les élections locales ne sont plus épargnées par la désaffection") et d'"éclatement social" sur fond, entre autres, de retour de l'inflation.

Le credo de Territoires unis est connu : une démocratie s'appuyant sur une "subsidiarité ascendante", davantage de "libertés locales" pour renforcer la capacité d'action des collectivités, un Etat qui cesse de vouloir "s'occuper de tout alors qu'il n'en a plus les moyens"… Ce qui passerait notamment par l'attribution d'un pouvoir réglementaire aux collectivités, par un droit à la différenciation (la loi 3DS n'irait va pas assez loin là-dessus), par des compétences et des chefs de file clairement définis… Il est donc attendu des candidats qu'ils se positionnent sur ces questions. Que chacun dise jusqu'où il est prêt à "laisser respirer les territoires".

Ces mêmes candidats auront aussi à s'exprimer sur la question du financement des services publics et la fiscalité, qui plus est à l'heure du "retour de manivelle du quoi qu'il en coûte", pour reprendre la formule de David Lisnard. A l'heure, aussi, où l'autonomie financière et fiscale des collectivités a été très sensiblement réduite. "Il faut qu'à chaque niveau de décision corresponde le pouvoir de fixer l'assiette et le taux d'au moins une partie des contributions appelées auprès de nos concitoyens", réaffirme la "Déclaration des libertés locales" diffusée ce 2 mars.

Les candidats pressentis ont déjà été contactés et la quasi-totalité d'entre eux (tous sauf un) ont donné un "accord de principe" à leur participation à l'audition du 15 mars.

  • Ukraine : l'action locale... face à une crise internationale

Evoquant évidemment ce 2 mars la crise ukrainienne, les trois présidents ont témoigné de la mobilisation de leurs associations respectives et de ce qui se met en place localement, qu'il s'agisse d'aide humanitaire ou d'accueil de réfugiés. David Lisnard – dont la ville de Cannes a fait partir des camions vers l'Ukraine via la Pologne ou la Roumanie et s'apprêtait à accueillir une deuxième famille d'Ukrainiens – a insisté sur l'importance du partenariat entre communes, régions et départements pour les questions de logistique. Les trois associations sont donc en contact depuis la fin de la semaine dernière. Des opérations doivent être menées avec la protection civile. Et dès vendredi, l'AMF a demandé aux maires de recenser leurs possibilités d'accueil et de les communiquer aux préfets, "sans attendre le courrier du ministère de l'Intérieur" (voir notre article du 1er mars).
En lien avec le rôle des départements dès lors qu'il s'agit de "soutenir et protéger" des populations, l'ADF a pour sa part pris contact avec la Croix Rouge. A Régions de France, il a notamment été décidé lundi que les régions apporteront un soutien aux initiatives communales et contribueront au fonds créé par le ministère des Affaires étrangères. Dans sa région Occitanie, Carole Delga a d'ailleurs "réuni les présidents de département pour travailler avec eux". Régions de France a en outre demandé à Bercy à être associée aux travaux sur les conséquences du conflit sur les filières économiques. Une réunion entre le gouvernement et les associations d'élus est prévue ce vendredi 4 mars.
"Tout cela aussi témoigne de la pertinence de l'action locale, du fait que nous sommes le premier maillon de l'action publique", estime David Lisnard. "Plusieurs centaines de milliers de réfugiés venant d’Ukraine sont et seront accueillis sur notre continent. La France prendra sa part. Et je veux ici d’ores et déjà remercier nos villes et nos villages qui ont commencé à se mobiliser", devait déclarer en soirée Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée.