Sécurité - Police municipale : Manuel Valls a mis le temps
Avancées statutaires et proposition de loi : le ministre de l'Intérieur a enfin déroulé sa feuille de route pour les polices municipales, devant la Commission consultative des polices municipales (CCMP) réunie à Beauvau, jeudi 13 février, après deux ans d'attente des syndicats.
Alors qu'on ne savait plus vraiment si la police municipale allait faire l'objet d'un projet de loi, comme le ministre l'avait laissé entendre cet automne, ou bien d'une proposition de loi remaniée à partir des travaux des deux sénateurs François Pillet (UMP) et René Vandierendonck (PS), c'est cette dernière option qui est désormais privilégiée. La proposition de loi sera inscrite "aux travaux du Parlement dès le second trimestre" 2014, a annoncé le ministre. "J'ai aussi demandé à mes services de travailler sans délai sur les textes d'application, afin qu'ils suivent de manière rapprochée la phase législative", a-t-il ajouté. L'objectif du ministre est ainsi que l'ensemble des dispositions puissent entrer en vigueur "au plus tard au premier semestre 2015".
Sur la méthode, le ministre s'appuiera donc sur les travaux des deux sénateurs : leur rapport, qualifié de "tout à fait remarquable" et leur proposition de loi déposée le 26 avril 2013. Le ministre dit avoir engagé avec eux un "dialogue" afin d'enrichir leur texte et d'y apporter les "garanties techniques" nécessaires. Les syndicats sont également invités "à proposer les ajustements et les modifications qui leur paraîtraient nécessaires".
Sur le fond, le texte consacrera la fusion des cadres d'emploi des quelque 20.000 policiers municipaux et 1.500 gardes champêtres. Tâche jugée "particulièrement complexe" par le ministre, puisqu'elle nécessitera une formation harmonisée afin que toutes les missions puissent être exercées par les agents du nouveau cadre d'emploi. Ces derniers suivront ensuite une formation spécifique en fonction de leur mission. "Une fois la loi votée, c'est un décret qui unifiera les statuts", a précisé le ministre. Il est également question de définir les missions des agents de surveillance de la voie publique.
"Un outil au service du maire et non à son service personnel"
La proposition de loi généralisera par ailleurs les conventions de coordination aux 3.600 communes disposant d'une police municipale. Celles qui n'en disposent pas encore bénéficieront d'un "délai raisonnable" pour s'adapter.
Alors que plusieurs affaires impliquant des policiers municipaux ont récemment défrayé la chronique, le ministre souhaite également que les polices municipales fassent l'objet d'audits afin de s'assurer qu'elles sont "un outil au service du maire (…) et non à son service personnel".
Le ministre s'est montré prudent sur la nouvelle désignation de "police territoriale" que proposaient les sénateurs, désignation qui suscite d'importantes réserves, tant des syndicats que de l'Association des maires de France (AMF). Mais il a renouvelé son attachement à la mutualisation intercommunale. D'aucuns, comme l'actuel adjoint à la sécurité de la ville de Toulouse Jean-Pierre Havrin ne cachent pas leur envie de faire évoluer les dispositions de la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001 pour aller vers de véritables polices intercommunales. Là encore, le ministre s'est voulu prudent : "Là où les polices municipales interviennent sur un périmètre plus large, ne faut-il pas permettre, sans forcément imposer de changement au niveau national, que leur appellation fasse également référence à leur territoire d'exercice ?"
Concernant l'armement, le ministre est resté fidèle au principe de "libre administration" des collectivités : il est donc renvoyé à la décision du maire. Manuel Valls a indiqué qu'un arrêté sur l'armement était prêt et qu'il serait "prochainement publié", histoire de mettre fin à la polémique survenue il y a quelques mois sur l'utilisation des aérosols (lire notre article du 16 septembre 2013).
Enfin, le ministre a proposé la création de groupes de travail spécifiques, l'un portant sur la formation des policiers municipaux et l'autre sur leur accès direct à certains fichiers "régaliens" de police et de gendarmerie : il en va du système d'immatriculation des véhicules et du système national des permis de conduire. En revanche, le ministre leur refuse l'accès aux fichier des antécédents judiciaires et au fichier des personnes recherchées.
Priorité à la revalorisation de la catégorie C
Le deuxième enjeu de la rencontre du 13 février était la question des avancées statutaires et du sort à donner à l'accord de mars 2012 laissé en suspens. Avec un salaire moyen légèrement supérieur à 1.500 euros après vingt ans d'exercice et moins de 1.000 euros de retraire, c'est une attente forte des syndicats. En période de vaches maigres, les arbitrages gouvernementaux ont conduit à couper la poire en deux. Ainsi, l'une des mesures fortes de l'accord, à savoir la généralisation de l'ISF (indemnité spéciale de fonction) - est écartée. "La priorité a été donnée à la revalorisation de la catégorie C", a souligné le ministre. Revalorisation qui coûtera quelque 13,2 millions d'euros aux communes entre 2014 et 2015. Ainsi, chaque agent percevra "un supplément de 110 à 390 euros en 2014, puis au moins 320 euros en 2015", a-t-il assuré. Autre mesure : la création d'un nouvel échelon de catégorie C, soit un gain de 126 euros pour les bénéficiaires. Coût pour les communes : 3 millions d'euros.
Enfin, la création d'un second grade de directeur (doté de l'indice 801) a été décidée. Les postes de directeurs sont élargis aux communes de 20 agents et plus, au lieu de 40 actuellement. "Ce sont donc trois fois plus de communes qui pourront, si elles le souhaitent, créer ce type de poste", s'est félicité le ministre.