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Sécurité - Police municipale : les syndicats déçus par les propositions du Sénat

Le rapport de la mission d'information sénatoriale sur la police municipale a créé des remous chez les syndicats de policiers qui dénoncent sa trop grande prudence.

"Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont été très prudents." Pour Bernard Vellutini, le président de l'USPPM (Union syndicale professionnelle des policiers municipaux), le rapport sur la police municipale des sénateurs René Vandierendonck (PS) et François Pillet (UMP) dévoilé le 3 octobre contourne les problèmes plus qu'il ne les résouts. Ce rapport formule 25 propositions dont la création d'une "police territoriale" qui regrouperait au sein d'une même filière les actuels policiers municipaux, les gardes champêtres, mais aussi les agents de surveillance de la voie publique (ASVP). Les sénateurs entendent aussi mieux distinguer les policiers municipaux des autres forces de police, au prétexte qu'il y aurait "une certaine confusion dans l'esprit des citoyens" : le bleu de la tenue serait maintenu mais avec des "incrustations d'une couleur différente"… Mais pour Bernard Vellutini, "ce sont les maires qui entretiennent la confusion". "La loi de 1999 [relative aux polices municipales] avait déjà pour but de distinguer les tenues des policiers municipaux et des policiers nationaux, le distinguo est fait aujourd'hui dans l'esprit du public, assure le syndicaliste. En revanche, vous avez toute une série d'emplois supplétifs de personnes en tenue, parfois armées, à qui on confie des missions qui relèvent de la police municipale : les ASVP, quelques gardes urbaines... Vous avez aussi la fameuse police rurale, les gardes champêtres, dont la tenue bleu ciel peut être confondue avec celle des gendarmes […] Il ne faut pas penser que la loi viendrait régler les problèmes, c'est une question de volonté politique."
Un constat partagé par la FA-FPT (Fédération autonome de la fonction publique territoriale) pour qui ce rapport n'est qu'une resucée des travaux précédents : "rapport Ambroggiani, rapport de l'Inspection générale de l'administration et rapport en auto-saisine du CNSFPT…" "Il nous semble revenir à de vieux débats d'il y a près de quinze ans […] rien ne justifie de remettre en cause notre uniforme actuel", souligne Fabien Golfier, délégué national de la FA-FPT en charge de la police municipale, pour qui l'argument sécuritaire ne tient pas : "Dans l'absolu, les agressions visent le représentant de l'autorité publique, de l'Etat, d'une administration ou d'un service public et non pas l'uniforme en tant que tel…"
Enfin, le SNPM-FO (Syndicat national de la police municipale-FO) considère lui aussi l'identification actuelle "satisfaisante". "Par ces temps de rigueur budgétaire, est-il opportun de faire supporter des frais considérables aux mairies pour renouveler la tenue de leurs policiers municipaux ?", fait-il valoir, dans un communiqué.

Un rapport "dénué d'objectifs"

Les sénateurs entendent par ailleurs recentrer la police municipale "dans les limites du maintien de la tranquillité publique" et écartent toute possibilité de conférer aux policiers municipaux la qualité d'agent de police judiciaire. Quant à l'armement, il est renvoyé à de nouvelles conventions de coordination avec les forces nationales, co-signées par le procureur de la République. L'armement serait en outre assorti d'une formation au tir renforcée. "Nous ne sommes pas opposés à une meilleure formation mais cela risque d'aboutir à l'effet inverse : la formation va être à la charge des communes ; celles qui sont armées vont considérer que cela leur coûte trop cher et celles qui voulaient s'armer, on les refroidit carrément", considère Bernard Vellutini. Pour la FA-FPT, "la remise en cause de la qualité de la formation au maniement des armes sous-estime le référentiel issu des polices étatiques".
Enfin les sénateurs encouragent la mutualisation et plaident pour un transfert de certains pouvoirs de police du maire au président de l'EPCI. Ils rappellent que la réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 avait prévu initialement cette possibilité en matière d'aires des gens du voyage, d'assainissement et de déchets ménagers, lorsque les compétences correspondantes ont été transférées. Une mesure presque vidée de son contenu par le Parlement : la loi donne aux maires la possibilité de refuser tout transfert du pouvoir de police. "L'intercommunalité est un foutoir et le restera tant qu'il n'y aura pas de transfert du pouvoir, ce qui ne se fera pas car les maires n'y sont pas prêts…", estime Bernard Vellutini. Les sénateurs reconnaissent que "la mutualisation du pouvoir de police lui-même, ou du moins de certains de ses éléments, ne semble pas souhaitée par une majorité des acteurs".
En conclusion, pour la FA-FPT, ce rapport "paraît dénué d'objectifs". "Nous sommes bien loin de la boîte à outils tant attendue et censée venir compléter les mesures annoncées au mois de mars dernier par l'AMF." Des mesures adoptées par la commission consultative des polices municipales présidée par le maire de Nice Christian Estrosi et qui devaient se traduire dans un décret toujours en attente. Pour le SNPM-FO, le rapport "reste bien insuffisant". Il demande "expressément" à être reçu par le ministre de l'Intérieur et de relancer les travaux de la commission consultative.