Urbanisme - PLUi : un outil communautaire à construire avec les communes
Commandé en avril 2013 par la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), le document rendu public fin juillet par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) commence par rappeler la problématique de la planification intercommunale en la replaçant dans son contexte historique. "Les précédentes lois d'urbanisme, depuis la loi d'orientation foncière de 1967, ont toujours privilégié l'échelle communale pour la planification urbaine, alors même que plusieurs lois confortaient peu à peu la montée en puissance des intercommunalités", souligne-t-il. La loi Grenelle 2 de 2010 a introduit "deux avancées majeures" : un PLU intercommunal "couvrant la totalité du territoire de la communauté et dont les OAP [orientations d'aménagement et de programmation] valent PLH [programme local de l'habitat], voire PDU" (plan de déplacements urbains).
94 intercommunalités engagées dans l'élaboration d'un PLUi
Depuis l'adoption de ce texte, 94 intercommunalités se sont engagées dans l'élaboration d'un PLUi. Le CGEDD estime "frappant" de constater qu'il s'agit "de nombreuses communautés de petite taille (15% des communes ont moins de 5.000 habitants et 50% moins de 10.000)". L'un de ces premiers documents de planification "est celui de la communauté de communes de Vère-Grésigne, dans le Tarn, qui compte 19 communes pour 4.500 habitants". "‘Menacée d'inconstructibilité par le Scot", cette intercommunalité, en élaborant un tel plan, a pu "mutualiser les efforts des communes afin de réduire globalement la surface constructible et d'ouvrir à l'urbanisation certains secteurs en s'appuyant sur une charte paysagère ; les besoins en logements sociaux ont également été mutualisés", illustre le rapport.
Outre la poursuite de la progression de l'intercommunalité, imposée par la réforme des collectivités territoriales de 2010, "le développement durable et la transition écologique plaident en faveur" d'un PLU intercommunal, souligne le CGEDD. Tout d'abord, "la problématique climat-énergie invite à une articulation précise à l'échelle intercommunale des règles d'urbanisme avec un programme concernant les déplacements" tant avec les grands réseaux de transports qu'"au titre de la mobilité douce".
Le CGEDD cite le cas de l'agglomération d'Agen, dont les concepteurs du PLU "s'interrogent par exemple sur le maintien de zones naturelles à distance, susceptibles de contribuer à réduire les impacts de l'îlot de chaleur urbain". Il en va de même avec les trames verte et bleue, qui "pourront devenir très structurantes dans la composition urbaine et parfois même en termes d'identité du territoire". Le CGEDD note enfin que "c'est souvent à l'échelle des intercommunalités que sont conçus et financés les projets" prenant en compte les préoccupations environnementales.
Ce document d'urbanisme élaboré à l'échelon intercommunal "permet d'avoir une approche cohérente non seulement en matière d'urbanisme, d'habitat et de déplacements, mais aussi de protection de l'environnement et de mise en valeur des paysages, de maintien de la biodiversité et d'usage optimisé de l'espace, de prise en compte des préoccupations en matière de climat et d'énergie", résume le rapport. Il insiste aussi sur l'avantage économique lié au dispositif. "Le PLUi permet, lors de son élaboration puis de sa gestion et de sa révision, de poursuivre une démarche de qualité économiquement maîtrisée, alors que le PLU communal n'apporte pas toujours le cadre adapté pour mobiliser une ingénierie adaptée aux enjeux juridiques et techniques à traiter."
A l'écoute des maires
Malgré tous les avantages qu'elle trouve au PLUi, la mission s'est attachée aux difficultés soulevées par les maires. Les élus communaux craignent ainsi "d'être dépossédés" d'une compétence "essentielle à leurs yeux" : l'application du droit des sols et la signature des autorisations de construire, relève-t-elle. Toutefois, cette compétence "ne peut être remontée au niveau intercommunal que si le maire le souhaite", rassure le CGEDD, qui parle d'une crainte "sans fondement", sous réserve que "la présentation du projet de loi et le débat parlementaire permettent de réaffirmer qu'il n'est pas question de transfert obligatoire de l'ADS à l'EPCI doté d'un PLUi et que l'existence d'un PLUi est tout à fait compatible avec le maintien pérenne d'une compétence communale en matière de permis de construire". Autre crainte des élus : "ne plus maîtriser la destination future des sols de leur commune", relate le CGEDD, qui reconnaît qu'il s'agit là de l'argument "le plus solide et le plus prégnant sur le débat engagé", d'autant qu'il émane surtout des élus des intercommunalités et communes isolées périurbaines ou situées dans l'aire d'influence d'une grande métropole, en particulier l'Ile-de-France.
Pour lever les "réticences, voire une opposition de maires", le PLUi doit être "conçu comme un projet co-construit, à l'échelle de la communauté entière, dans une coopération étroite entre la communauté et chacune des communes membres", insiste le conseil. "Cet outil doit être à la fois un projet d'aménagement du territoire, un plan d'urbanisme, un programme d'action et un dispositif de gestion", poursuit-il. Il pourrait donc bénéficier d'une nouvelle appellation, "pour affirmer [son] caractère novateur". Le CGEDD propose aussi de laisser une période transitoire de 3 ans, à compter de l'entrée en vigueur de la compétence PLU pour les EPCI, afin de permettre un débat entre intercommunalités et communes sur le lancement du futur PLUi ainsi que l'achèvement des documents d'urbanisme communaux engagés avant cette date. "L'institution de cette période transitoire permet de s'affranchir de la fixation d'un seuil de population en-deçà duquel le PLUi ne serait pas obligatoire", avance le conseil.
Selon lui, les craintes des maires d'être dépossédés de leur compétence en urbanisme seront aussi en grande partie levées si des assurances leur sont données sur leur participation effective à l'élaboration du PLUi à toutes ses phases, et particulièrement à la détermination des dispositions qui relèvent des enjeux communaux. Il propose ainsi que la délibération de prescription du PLUi intègre la définition des modalités de travail avec les communes pour la co-élaboration du futur document. Pour ne pas compliquer la gouvernance du PLUi, dont l'élaboration peut mettre en jeu l'intervention de nouveaux partenaires dans le champ de l'habitat et des déplacements, il suggère également de ne pas compléter la liste des personnes publiques ou privées associées et de laisser les EPCI consulter à leur guise les partenaires qu'ils estiment indispensables à l'élaboration du document.
Une organisation du PLUi en différents volets
Le contenu du PLUi est plus qu'avant étendu aux champs de l'habitat et des déplacements, voire potentiellement à d'autres thèmes selon les besoins. "Si ces deux dimensions doivent être traités de manière appropriée dans chaque PLUi, celui-ci ne devrait toutefois valoir programme local de l'habitat (PLH) et plan de déplacements urbains (PDU) que sous certaines conditions de seuil de population ou de compétence de l'EPCI", estime le conseil. Le PLUi pourrait aussi valoir Scot s'il est établi sur le même périmètre que ce dernier.
"L'organisation du PLUi par modules complémentaires permettrait de lui donner une meilleure lisibilité, une plus grande solidité juridique et une adaptation à la diversité des territoires : volet stratégique, volet réglementaire réparti le cas échéant en plans de secteurs et cahiers communaux, volet programmatique faisant apparaître les grands thèmes d'action, volet de mise en oeuvre et de suivi", détaille encore le CGEDD.
Enfin, la gestion du PLUi devra s'effectuer "en continu, selon un calendrier simple et unifié : examen annuel des modifications, bilan général de mise en oeuvre tous les 3 ans et délibération sur l'opportunité d'une révision au bout de 9 ans, si celle-ci n'est pas intervenue auparavant", insiste le conseil.
"Le développement des PLUi et la suppression corrélative des cartes communales, POS et PLU communaux doivent s'accompagner d'un puissant dispositif d'appui, confortant l'action mise en place par la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et mobilisant les services déconcentrés de l'Etat, tant à l'échelle régionale que départementale, ainsi que le réseau technique du ministère", concluent les auteurs du rapport. Un accompagnement jugé comme "un des facteurs-clés du succès de la réforme souhaitée".