PLF 2023 : des moyens "historiquement élevés" pour les ministères des transitions écologique et énergétique

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un budget de près de 60 milliards d’euros pour les ministères de la Transition écologique et de la Transition énergétique. Une somme qui ne sera pas entièrement consacrée à ces dernières – un cinquième est consacré au bouclier tarifaire énergétique  –, mais qui ne prend pas non plus en compte l’ensemble des investissements destinés à "verdir" la France.

"Des moyens financiers historiquement élevés." C’est ainsi que Christophe Béchu et Agnès Pannier-Runacher présentent les budgets de leurs ministères dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 (voir notre article du 26 septembre). 40 milliards d’euros pour celui de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 19 milliards pour celui de la Transition énergétique, pour un total affiché de 59,6 milliards, "en progression de 15% par rapport à 2022", affiche-t-on. Au cabinet de Christophe Béchu, on prend le soin d’indiquer que "le seul examen des crédits de ces deux ministères n’est pas suffisant pour évaluer le soutien public correspondant aux 10 milliards d’euros" supplémentaires que le candidat Macron avait promis qu’il consacrerait chaque année de son deuxième quinquennat à la transition écologique. "Il faut tenir compte des crédits en faveur de la rénovation des bâtiments publics de l’État, des crédits de France 2030, des investissements d’avenir, des dépenses fiscales, des financements apportés par la Caisse des Dépôts…", égrène-t-on, en avouant l’impossibilité pour l’heure de faire un décompte précis. Il faut à l’inverse en retrancher, au moins en partie, les dépenses "hors périmètre" (sur ces 59,6 milliards, une partie des 5,2 milliards d’appui aux territoires et des 3,6 milliards d’appui aux politiques publiques). Sans compter que certaines dépenses restent sans doute fort "brunes".

Deux convictions…

À l’hôtel de Roquelaure, on tient surtout à afficher les "deux convictions" du ministre : d’une part, le fait "qu’on ne réussira pas la transition écologique sans accompagner les territoires" et, d’autre, part, qu’on ne la réussira pas non plus "sans se reposer sur les agents du ministère".

À la première vient répondre le "fonds vert" doté d’1,5 milliard d’euros "pour accélérer la transition écologique dans les territoires" (voir notre article du 14 septembre). "De l’argent frais", insiste-t-on, même si la comptabilisation du fonds Friches en son sein fait notamment débat. Au ministère, on rappelle que ce dernier "est un dispositif du plan de relance" et que "la relance s’éteint fin 2022" : "Ce sont donc bien des crédits nouveaux ouverts en 2023." D’aucuns rappellent toutefois que le président de la République avait naguère annoncé sa pérennisation (voir notre article du 8 septembre 2021).

La seconde se concrétise par une "stabilisation des effectifs des ministères sur le quinquennat, après 20 ans de baisse ininterrompue", affirme le cabinet. Les ministres indiquent que les moyens seront réorientés "vers les équipes chargées de la gestion des approvisionnements stratégiques ou de la mise en œuvre du programme de nouveaux réacteurs nucléaires, plus vaste programme industriel lancé en France depuis plus de 40 ans". Et précisent que "sur le terrain, nous poursuivrons le réarmement (sic) des effectifs dédiés à la prévention des risques, à l’instruction des projets d’énergies renouvelables, à la biodiversité et à la rénovation énergétique des logements". Au cabinet, on ajoute que "les effectifs départementaux et régionaux seront préservés".

… trois priorités…

Première priorité affichée par le ministère, "les mobilités", dotées de 9,7 milliards d’euros, dont 3,8 milliards pour les infrastructures de transport (concrètement, à l’Agence de financement des infrastructures de transport). "Priorité est donnée à la régénération du réseau ferroviaire et au développement des transports du quotidien", assure-t-on. Il faudra néanmoins attendre que le Conseil d’orientation des infrastructures remette sa copie pour bénéficier d’une ventilation précise. À l’inverse, les 250 millions d’euros du nouveau plan Vélo annoncé par la Première ministre étaient déjà connus (voir notre article du 20 septembre). Les aides au verdissement du parc automobile (bonus écologique et prime à la conversion), qui représenteront un investissement d’1,3 milliard d’euros, aussi.

Deuxième priorité affichée, le logement (20,5 milliards d'euros au total), et singulièrement la rénovation énergétique (2,5 milliards pour MaPrimeRénov’), avec une volonté de porter un "effort croissant sur les rénovations globales" – une modification des textes réglementaires est en cours, notamment une refonte des barèmes – d’une part, et sur un "soutien accru aux sorties de passoires thermiques" d’autre part. 200 millions d’euros sont notamment prévus pour les bailleurs sociaux à cette fin, financés sur le budget de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah), dont les ministères mettent en avant le renforcement des moyens (500 millions d’euros supplémentaires). "Elle disposera de 25 équivalents temps plein supplémentaires", précise encore le cabinet. 35 millions d'euros seront consacrés au lancement de Ma Prime Adapt’ au 1er janvier 2024, qui viendra remplacer différents dispositifs, dont "Habiter facile". Également prévue, le renforcement du fonds national des aides à la pierre, via un prélèvement de 300 millions d’euros sur l’organisme Action logement (ex-1% logement), mesure qui suscite la polémique.

Troisième priorité, l’eau, la biodiversité et la prévention des risques (3,6 milliards d'euros au total). Particulièrement mise en avant, "la sanctuarisation des moyens des agences de l’eau à très haut niveau – 2,2 milliards d’euros". La stratégie nationale pour la biodiversité, dont on ne connaît toujours pour l’heure qu’une partie (voir notre article du 16 mars), sera dotée de 150 millions d’euros. Le fonds Barnier sera, lui, doté de 205 millions d’euros. "Après avoir vu ses crédits transitoirement augmenter pour faire notamment face aux conséquences de la tempête Alex, il retrouve son niveau de 2020", précise le cabinet.

… plus une

Enfin, 15,5 milliards d’euros seront consacrées à "l’énergie", incontournable, avec au menu l'"accélération du développement des énergies renouvelables" – objet de toutes les attentions (voir notre article du 26 septembre sur le nouveau projet de loi dédié) – et "relance du nucléaire", les deux piliers sur lesquels le président de la République entend s’appuyer dans sa longue marche vers le zéro carbone et l’indépendance énergétique (voir notre article du 22 septembre).

Aux premières, 1,6 milliard d'euros. Sont notamment mis en lumière les 25 millions d’euros supplémentaires consacrées à la réalisation d’études sur l’implantation de parcs éoliens en mer (68 millions au total) ou l’augmentation de 150 millions d’euros à l’injection de biométhane dans les réseaux (863 millions au total), autre dossier sur lequel le gouvernement entend presser le pas (voir notre article du 29 avril). La part de l’Ademe s’élève à 0,7 milliard, dont 520 millions pour le fonds chaleur. "Un dispositif, hors relance, qui s’élevait jusqu’ici à 370 millions d’euros, que le gouvernement a fait le choix de pérenniser", souligne le ministère.

Au second, 1,3 milliard, dont 420 millions de subventions au CEA pour la recherche, notamment pour le développement des "petits réacteurs modulaires". Le programme de 6 EPR2 et le lancement d’études pour la construction de 8 EPR2 supplémentaires (voir notre article du 11 février) bénéficiera, lui, d’un soutien spécifique dans le cadre de France Relance (470 millions d'euros), le ministère se bornant à préciser par ailleurs que son "financement trouvera sa traduction au cours du quinquennat".

L’essentiel du budget – 12 milliards d'euros – sera toutefois consacré au financement du bouclier tarifaire énergétique (voir notre article du 14 septembre). Des mesures de soutien qui sont en fait bien plus coûteuses, puisque leur coût brut est estimé à environ 45 milliards d'euros (11 milliards de compensation aux fournisseurs de gaz, 24 milliards de compensation aux fournisseurs d’électricité et 9 milliards de pertes de recettes au titre de la TICFE), que viennent contrebalancer "28 milliards de restitutions directes de la part des producteurs d’énergie renouvelables", d’une part, et "8 milliards de crédits ouverts l’an passé" (compensations de rémunération) qui n’auront pas à être mobilisés du fait de la hausse des prix de l’énergie. 

Budget vert en attente

Reste désormais à prendre connaissance du "budget vert" – le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, désormais obligatoirement annexé au projet de loi de finances (voir notre article du 11 octobre 2021 pour le PLF 2022 –, qui doit être publié sous peu, pour en savoir un peu sur le degré de "verdissement" de ce budget.