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PLF 2020 : la fiscalité environnementale renvoyée aux calendes grecques

En séance les 16 et 17 octobre, les députés défendant des amendements visant à réduire les dépenses fiscales considérées comme défavorables à l’environnement se sont vu opposer une fin de non-recevoir, notamment en raison d'une incompatibilité avec des directives européennes. 

La députée LREM des Hauts-de-Seine Laurianne Rossi doit être déçue. La proposition qu'elle et d'autres parlementaires ont défendu et fait adopter en commission du développement durable, en vue de supprimer l’exonération partielle de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dont bénéficient les compagnies de croisière, a été retoquée en séance le 16 octobre. Le rapporteur général et député des Hautes-Alpes, Joël Giraud, tout comme le gouvernement par l'intermédiaire d'Agnès Pannier-Runacher, y étaient réticents. La secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, bien que reconnaissant "les effets positifs pour le climat" d'une telle mesure, redoute qu'en ne s’appliquant qu’à la France, cette suppression d'une ristourne fiscale "pénalise l’économie de notre pays sans pour autant réduire la pollution". Et de renvoyer, comme l'a réclamé le ministre Bruno Le Maire, vers un travail à court terme de passage en revue des "niches fiscales au service de mobilités dont le résultat écologique n’est pas favorable". 

Pollution portuaire : le branchement à quai enfin aidé

En revanche, l'amendement de Saïd Ahamada a été adopté. Il vise à instaurer un tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité – TICFE – pour rendre plus attractif et développer l’approvisionnement électrique à quai. Si cette solution connue de longue date peine à décoller, c'est en grande partie pour des raisons fiscales, détaille ce député LREM des Bouches-du-Rhône dans son amendement. Lorsqu’ils sont stationnés dans les ports, il revient en effet moins cher pour les armateurs de produire de l’électricité à bord à base de fioul plutôt que de l’acheter à quai, car "ils sont exonérés du paiement de la TIFCE pour la production d’électricité à bord et bénéficient d’un taux réduit de TICPE sur le fioul". Il s'agirait, à 0,5 euro/mégawattheure (au lieu de 22,5 euros/mégawattheure), du même tarif que celui dont bénéficient déjà les personnes qui exercent une activité de transport par train, métro, tramway, câble, autobus hybride rechargeable ou électrique ou trolleybus.  

TVA transports publics : du surplace en vue

La passe d'armes s'est poursuivie au sujet du "malus poids" pour les véhicules. Des députés suggéraient que le poids des véhicules soit pris en compte dans le calcul du malus automobile. Retoqué là aussi par la majorité. Adopté en commission du développement durable, l'amendement visant à appliquer le taux réduit de TVA à 5,5 % à l’ensemble des transports collectifs de personnes est lui aussi tombé dans l'impasse. Pour les transports urbains uniquement, "le coût de cette mesure s’élèverait à 500 millions d’euros", évalue Joël Giraud. D'un point de vue technique, complète Agnès Pannier-Runacher, "il n’est pas possible de réduire la TVA applicable à un service dès lors qu’il est en concurrence avec un autre : il faudrait aussi réduire celle applicable aux transports express régionaux et aux autocars interurbains, ce qui ne me paraît pas tout à fait correspondre à notre objectif". 

L'effort ne peut être qu'européen

À l'inverse, les députés ont adopté le relèvement de taxe sur les billets d’avion (taxe Chirac, article 20), avec une affectation du produit de cette hausse (200 millions d’euros) au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). La suppression de l’exonération de TICPE dont bénéficie le transport aérien n'est pas non plus passée. Le rapporteur explique qu'une coordination au niveau européen est nécessaire. "Parfait, eh bien traitons cette question à l’échelle européenne. Mais n’attendons pas l’unanimité - difficile à obtenir - et commençons par une initiative dans le cadre d’une coopération renforcée : si neuf pays décident ensemble de taxer le kérosène, nous pourrons avancer", défend le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin. 

Pas de signal fort aux pompiers

Des députés ont voulu "envoyer un signal aux pompiers, un message de soutien" dans le contexte de tension actuelle. La députée de Basse-Normandie Véronique Louwagie a proposé d'exonérer de la TICPE les véhicules des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), notamment en vue de réduire les charges et dépenses supportées par ces services qui sont dans des situations budgétaires "extrêmement fragiles, pour ne pas dire précaires" (le mot est d'Hervé Saulignac, député socialiste de l'Ardèche). Il s'en est fallu de peu : ces amendements sur les Sdis ont été rejetés à deux voix près. "Là encore, nous nous heurtons à une directive européenne très claire, selon laquelle il n’est pas possible d’exonérer les secteurs non soumis au droit commercial tels que l’armée, les pompiers ou d’autres services de même nature." "Je suis le premier à le regretter, mais c’est une réalité", confesse Joël Giraud. Parade suggérée pour rester dans les clous, tout en aidant les Sdis : augmenter lors de l’examen de la deuxième partie du PLF les dotations des conseils départementaux "afin de compenser l’augmentation de la TICPE". "Mais je ne suis pas sûre que la mesure changerait vraiment la vie des pompiers, qui demandent de la reconnaissance à titre personnel", a commenté Agnès Pannier-Runacher.